Fournir les Mahorais en eau, « c’est sportif »

Bien qu’habitant le 101ème département français depuis 2011, les Mahorais n’ont, pour certains, toujours pas d’accès à l’eau potable. Pire, l’intégralité de la population de l’île subit des coupures hebdomadaires durant plusieurs mois tous les ans. La SMAE – Mahoraise des Eaux doit en fait faire face à une production trop faible, malgré le débordement des retenues collinaires, comme nous l’explique sa directrice, Françoise Fournial.

Mayotte Hebdo : Au mois de février, nous sommes passés de deux à une seule coupure d’eau hebdomadaire. Pourquoi la fin des coupures n’intervient-elle que cette semaine ?

Françoise Fournial : Oui, on ne fait plus de coupures d’eau depuis lundi, comme annoncé par le SMEAM [Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte, NDLR]. On essaie de voir si le système tient, car c’est assez sportif. Nous espérons donc que le système tiendra.

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M. H. : Quand l’on voit les retenues collinaires déborder, et notamment celle de Combani, le manque d’eau potable est difficile à comprendre pour les foyers mahorais. Comment leur expliquez-vous ?

F. F. : Ce qu’il faut expliquer, c’est que n’est pas une problématique de ressource. La ressource, on l’a. C’est une problématique de capacité de production. La population mahoraise étant en augmentation exponentielle, la consommation augmente chaque année. À tire d’exemple, nous avons posé cette année plus de 2000 nouveaux compteurs sur notre réseau. Il y a plus de tirage, et, à un moment, les installations sont en limite de capacité de production. Effectivement, la retenue de Combani est pleine, celle de Dzoumogné l’est presque, il y a de nouveau de l’eau dans les rivières, mais il faut que nous l’envoyons chez les abonnés, là est la difficulté. Nos usines tournent au maximum de ce qu’elles sont en capacité de produire.

M. H. : Le port de Longoni, pour adapter ses équipements, doit courir après l’augmentation de la population mahoraise. Vous considérez-vous dans le même cas de figure ?

F. F. : Oui, c’est ça. Le SMEAM a fait quelques travaux pour essayer de compenser cette capacité de production : un nouveau forage a été mis en service à Poroani, deux forages sont passés d’une capacité de production de 30 mètres cubes à 50 m3… De notre côté, on essaye d’optimiser au maximum tous nos ouvrages. Mais il y a des adaptations à faire, des équipements à ajouter, pour avoir une exploitation plus fluide.

M. H. : Et pourquoi dites-vous que c’est sportif ?

F. F. : Une usine, normalement, devrait tourner 20 heures sur 24. Nous, on tourne 24 heures sur 24 au maximum de notre capacité. Donc, s’il y a le moindre incident sur ces usines ou sur le réseau, ça a tout de suite un impact sur la distribution d’eau et sur les abonnés. Les capacités de stockage sont aussi inférieures à ce qu’elles devraient être : beaucoup de nos réservoirs ont une capacité de stockage de 3 à 6 heures, alors qu’elle devrait être de 24 heures. C’est pour cela que je dis que c’est sportif, c’est qu’on n’a pas le droit d’arrêter, à aucun moment, on n’a pas le droit à l’erreur. Donc le fait de lever les tours d’eau est une bonne chose, je pense que c’est ce qu’attend la population, mais il faut voir que le fait de lever ce dernier tour d’eau tend encore un peu plus la production. S’il y a un problème, les réservoirs se vident, et ça a un impact sur la population via des coupures inopinées.

M. H. : Quels projets sont prévus pour améliorer la production, et en finir avec ces coupures annuelles ?

F. F. : Nous ne sommes qu’exploitants, c’est le SMEAM qui porte tous les projets d’investissement, et beaucoup de choses sont en cours. Le problème, c’est qu’un projet ne sort pas de terre en deux minutes, il faut un certain temps d’étude, lancer les marchés, la réalisation… De nouveaux forages, plus rapides, et de nouvelles stations de dessalement sont par exemple discutés. Mais dans l’immédiat, il faut faire avec ce qu’on a.

M. H. : À plusieurs reprises, des enfants se sont noyés dans les retenues collinaires, en s’y baignant. Des gens y font aussi leur lessive. Quelles mesures de sécurité sont mises en place pour empêcher cela ?

F. F. : Le SMEAM a des agents postés sur site pour empêcher les gens d’y accéder. Mais s’ils ne respectent pas les consignes, c’est compliqué…

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Mayotte Hebdo n°1115

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