Alors que les polémiques enflent sur les réseaux sociaux à la suite des images de baignades dans la retenue collinaire de Dzoumogné, Pierre Tremble, le responsable du service santé environnement de l’agence régionale de santé, revient pour Flash Infos sur les dispositifs mis en place pour garantir la qualité de l’eau.
Flash Infos : Une image a circulé ce week-end sur les réseaux sociaux : on y voit des gens se baigner, faire leur lessive, dans la retenue collinaire de Dzoumogné. La photo interroge : comment garantit-on la qualité de cette eau, par quelles étapes passe-t-elle avant d’arriver dans les robinets ?
Pierre Tremble : Effectivement, les retenues collinaires ne sont pas des sites autorisés à la baignade car ces sites ne sont pas aménagés pour cette activité, qui peut donc être dangereuse. De plus, ces retenues étant des captages d’eaux destinées à alimenter les usines de potabilisation, elles doivent être protégées des détériorations éventuelles qui pourraient survenir sur les ouvrages et les équipements, et préservées du déversement d’éventuels produits polluants qui pourraient nuire à la qualité de l’eau.
Les eaux des retenues, dites brutes – c’est-à-dire avant traitement – sont captées puis acheminées via des canalisations et des pompes jusqu’aux usines de traitement, chargées de rendre ces eaux potables. Tout d’abord, l’eau passe par des grilles qui retiennent les gros éléments ou déchets, puis celle-ci passe par un étape de floculation/décantation afin de regrouper les impuretés et les matières en suspension en « paquets » pour les retirer plus facilement. Les eaux sont ensuite filtrées afin de retenir les petits éléments pouvant encore être présents. Enfin, les eaux sont désinfectées par chloration, ce qui permet d’éliminer les bactéries et autres micro-organismes, afin de garantir que l’eau soit potable jusqu’au robinet du consommateur.
Dans le but de garantir la qualité de l’eau, les personnes responsables de la production et de la distribution de l’eau (PRPDE), à savoir le SMEAM et la SMAE à Mayotte, ainsi que le service santé environnement de l’ARS réalisent de nombreux prélèvements d’eau toute au long de l’année, à la ressource, en sortie des usines, sur les réservoirs d’eau mais aussi directement à la sortie du robinet des consommateurs. Ces prélèvements sont transportés et analysés par des laboratoires à Mayotte, à La Réunion et en métropole, afin de s’assurer que les limites de qualité de l’eau respectent la réglementation. En cas d’anomalies, des mesures correctives immédiates sont mises en place (adaptation des traitements) et des contrôles sont effectués afin de s’assurer du retour à la normale de la situation et du respect des limites de qualité d’eau. En cas de doute ou de risques particuliers, la PRPDE et/ou l’ARS peuvent réaliser à tout moment des contrôles et des analyses supplémentaires. C’est notamment ce qui a été mis en place lors des épisodes de coupures d’eau. Ce sont ainsi 750 prélèvements qui ont été réalisés par le service santé environnement de l’ARS en 2020 et près de 26.000 paramètres qui ont été analysés en laboratoires.
FI : Outre les baignades, y a-t-il toujours des risques de contamination des retenues collinaires ? Et si oui, quels sont-ils ?
P. T. : Il peut malheureusement toujours y avoir des risques de contamination de l’eau, que l’origine soit humaine – on parle alors d’origine anthropique – ou bien d’origine naturelle ou environnementale, lorsque les polluants sont d’ores et déjà présents dans le milieu naturel à proximité des captages d’eau. Il existe plusieurs types de contaminations susceptibles de nuire à la qualité de l’eau : risques chimiques, biochimiques ou bactériologiques. Par exemple, des risques de contamination bactériologiques par des écoulements d’eaux usées, de pollution chimique du fait d’un écoulement d’hydrocarbures à proximité du captage d’eau, ou encore des risques biochimiques du fait d’apports en azote ou phosphore susceptibles de favoriser la prolifération de cyanobactéries.
Outre les prélèvements d’eau destinés à être analysés en laboratoire, les équipes des PRPDE et des préleveurs de l’ARS réalisent aussi des mesures « terrains » et des contrôles visuels, olfactifs, voire gustatifs directement auprès des ressources d’eaux brutes et des eaux traitées.
FI : Avant cela, il y a eu une alerte à Musical plage, qui a été interdite pour cause de contamination. Comment l’ARS s’en est-elle rendue compte ? D’où vient le problème, et comment a-t-il été résolu ?
P. T. : La cellule Eaux de Loisirs de l’ARS Mayotte réalise pour le compte des communes des prélèvements et des analyses de l’eau des sites de baignades déclarés et ce, tous les mois de l’année. L’ARS travaille avec le Laboratoire Vétérinaire et d’Analyses Départemental – LVAD – de Mayotte. Plusieurs paramètres physico-chimiques sont contrôlés ainsi que les paramètres bactériens comme les entérocoques ou escherichia coli.
Dans le cas de Musicale Plage, il a été retrouvé la présence de bactéries à un niveau supérieur aux limites fixées par la réglementation. Nous avons donc demandé à la commune de fermer le site de baignade afin d’éviter tout risque sanitaire pour la population, ce qui a été fait par arrêté municipal. Nous avons procédé à un nouveau contrôle de la qualité de l’eau. L’analyse ayant révélé une qualité d’eau compatible avec la baignade, celle-ci a été de nouveau autorisée. L’origine de la contamination temporaire du site de baignade est probablement en lien avec de fortes pluies les jours précédant le contrôle, qui ont lessivé les sols et entraîné des matières contaminées jusqu’au site de baignade. C’est la raison pour laquelle la baignade est fortement déconseillée pendant au moins trois jours après un épisode de fortes pluies.
Les pollutions des sites de baignades peuvent aussi avoir d’autres origines, comme les déjections d’animaux, les déchets, ou le déversement d’eaux usées à proximité des sites de baignades.
FI : Et là encore, comment fonctionne le travail d’analyse, quelles sont les étapes pour tester l’eau ?
P. T. : Le contrôle sanitaire des eaux de baignade est essentiel, mais il ne peut pas tout voir. Les communes sont compétentes pour procéder régulièrement à des inspections notamment visuelles des sites de baignade. C’est à ce moment-là que peuvent être décelées les sources de pollution comme un déversement d’eaux usées par exemple. Il est du rôle des communes de faire cesser ou de supprimer ces sources de pollution. Les équipes de préleveurs et de techniciens à l’ARS remontent aussi aux communes les informations constatées lors des contrôles des sites de baignades.
Enfin, l’ARS travaille avec les communes sur la réalisation de « profils de vulnérabilité » sur l’ensemble des sites de baignades. Ce document réglementaire, qui doit être mis à jour régulièrement, identifie, analyse et propose des solutions afin d’éviter la dégradation de la qualité de l’eau des sites de baignades. Cette année, l’ARS accompagnera financièrement et techniquement les communes volontaires pour remettre à jour ces profils de vulnérabilité, et permettre que les plages de Mayotte puissent continuer à accueillir les habitants et les touristes dans les meilleures conditions possibles.