Non, la route de contournement de Mamoudzou par les hauts n’est pas une chimère. Après quatre décennies de valses hésitations, le projet refait à nouveau surface sous la houlette du conseil départemental de Mayotte, sous une nouvelle définition de « boulevard urbain ». Et si le tracé prévu pour 2030 reste presque le même, des améliorations très substantielles sont au programme. La commission nationale du débat public pourrait très rapidement se saisir de ce dossier, en prélude à sa réalisation concrète.
Ainsi donc, ce qu’il convient désormais de designer sous le vocable de projet de « boulevard urbain » de contournement de Mamoudzou est à nouveau au goût du jour après une réflexion qui aura duré quarante ans et six études successives et coûteuses qui n’ont presque menés à rien faute de périmètre défini et de fonctionnalité arrêtée. Qu’à cela ne tienne, le projet refait surface dans les services du conseil départemental de Mayotte sous la conduite de Salime Mdéré, le premier vice-président, en charge des questions d’aménagement. La nouvelle version de cette voie de contournement de la ville chef-lieu (au départ de Koungou et en direction de Tsoundzou via Majicavo) a été présentée aux élus départementaux, jeudi 19 janvier. Le tracé fait douze à treize kilomètres sur une largeur de 27 mètres. L’opération ne sera pas aisée à réaliser à flanc de colline dans la mesure où la particularité du sol ne permet pas de creuser un tunnel.
L’option qui vient d’être arrêtée est unique. Le lagon de Mayotte étant classé, il était en effet impossible d’imaginer un ouvrage passant par la mer. Le nouveau tracé soumis à l’approbation des élus locaux (et aux populations limitrophes) offre onze possibilités de jonction avec la route nationale existante. Un maillage calculé dans le but de sécuriser les quartiers situés le long du parcours et de faire gagner du temps à certains utilisateurs tels que les éboueurs, les distributeurs d’eau et d’électricité, les concessionnaires automobiles ainsi que les grands opérateurs de téléphonie. Ils sont tous impliqués dans la réflexion en cours conduite par le direction des services d’aménagement du département. L’objectif de ce boulevard reste en effet d’offrir une alternative à la route nationale (hyper saturée actuellement), en améliorant les conditions de circulation, le maillage inter parcellaire, de nouvelles opportunités de développement et de renouvellement urbain, l’amélioration et le désenclavement des quartiers.
Une route à 900 millions d’euros
Il est envisagé de découper l’itinéraire en plusieurs tronçons autonomes dans le but d’éviter de ne pas bloquer l’évolution du projet sur un endroit particulier en raison d’un problème imprévu, ne pas définir un ordre de priorité sur la réalisation du projet et sur la base d’un plan de financement par tranches sur trois ans des 900 millions d’euros estimés (État et Union européenne) grâce à une autorisation de financement accordée en avril 2022. Ce dernier point est d’autant plus essentiel qu’il n’existe pas sur l’île une capacité d’entreprises pour réaliser en un an tous les ouvrages d’art qui parsèmeront le tracé. Ce système adopté permettra aussi de laisser aux communes le soin de prioriser les tronçons de raccordement à raison d’une unité à chaque kilomètre. La réflexion conduite actuellement par les services du département doit permettre de définir les catégories de véhicules autorisés à emprunter le tracé (durant les travaux) afin de limiter au maximum le ravalement de terre et la dénaturation outrancière de l’environnement. Deux fuseaux de travail de 250 à 300 mètres de largeur sont ainsi programmés, l’un urbain, l’autre plus en extérieur.
Une concertation publique cette année
En réalité, il y a plus d’un an, en octobre 2021, qu’un seuil de non-retour a été franchi dans la finalisation de ce projet de boulevard urbain et que le principe de le réaliser en plusieurs tranches a été arrêté. Un comité de pilotage a validé le périmètre de travail (plan de financement, zone de démarrage des travaux). Un périmètre qu’il est techniquement possible d’étendre selon Jean-Michel Lehay, chargé de mission infrastructures routières au Conseil départemental de Mayotte, (et responsable du projet de contournement de Mamoudzou par les hauts), sans avoir à changer tout le temps sa nature. Preuve que la dynamique est bien enclenchée, la Commission nationale du débat public (CNDP), organisme indépendant, a été saisie en février 2022.
Il aura la charge de gérer le planning des débats et la concertation publique sous la conduite de Mme Aupetit, sa responsable régionale basée à La Réunion. C’est elle également qui interviendra sur la piste longue de l’aéroport Marcel-Henry, à Pamandzi, et d’autres grands projets nécessitant un débat public. Cette intervention du CNDP vise à faire participer un maximum de populations à ce projet de voie de contournement, de même que les organisations publiques. Au final, il en sortira un rapport contenant toutes les remarques formulées par les uns et les autres, mais ce qui importe en réalité c’est l’argumentation qui sera formulée en faveur ou défaveur du tracé unique de 27 mètres de largeur. Il s’agit d’un élément extrêmement important lorsqu’on est en présence de subventions européennes.
Un tracé définitif en octobre 2023
L’absence de concertation publique peut donner lieu à un blocage pour de longues années comme ce fut le cas pour l’aéroport de Pamandzi. Près de 450 actions sont à réaliser avant la fin de l’année pour réussir à aboutir au final à un projet commun obligatoire pour tous les intervenants. Sur quarante ans de procédure engagée sur ce projet, seulement une vingtaine d’actions avaient été concrètement menées avant sa réactivation l’année dernière. A ce jour, 47 actions sont à dénombrer, soit 27 de plus en seulement un an. Le scénario utilisé actuellement pour ce boulevard urbain repose sur deux fuseaux de deux voies chacun (coupés en neuf points) avec la possibilité de passer de l’un à l’autre. Le comité de pilotage du projet devrait se réunir vers le mois d’octobre 2023 pour définir le tracé définitif de ce boulevard urbain et discuter des onze déclarations d’utilité publique (DUP) identifiées et prises en compte par le plan opérationnel de financement 2023 du Feder. Les services du département se veulent rassurants quant aux sujets qui pourraient être abordés durant la concertation publique lesquels n’auraient aucun impact sur les DUP. La concertation publique devrait durer deux mois à partir d’avril et porterait sur les aspects économiques, environnementaux et mobilité. Un impact socioéconomique est également à prévoir, avec la préparation des organismes locaux de formation en vue de former les ouvriers qualifiés que nécessiteraient les différents chantiers liés à la réalisation de cette voie de contournement de Mamoudzou. Un tel projet au profit de Mayotte ne saurait en effet ne pas être réalisé par un maximum de main d’œuvre mahoraise.
Pour s’assurer d’être compris par l’ensemble de la population, les services du conseil départemental prévoit l’usage du français et du shimaoré dans la concertation publique et les différents supports de communication prévus à cet effet.