À Bouéni, le SOS des habitantes de Mavadzani

La mairie de Bouéni a été brièvement bloquée vendredi par des habitantes de Mavadzani, un quartier de Hagnoundrou particulièrement précaire et enclavé. Une rencontre a été organisée dans l’urgence avec le maire de la commune qui promet son implication dans le dossier.

« Pendant les campagnes on connait Mavadzani, une fois au pouvoir Mavadzani est oublié« . Sur le parvis de la mairie de Bouéni, un groupe de cinq femmes affiche sa colère. En cette dernière matinée avant le weekend prolongé, les manifestantes préviennent les usagers. « Aujourd’hui la mairie est fermée« , assurent-elles dès 8h. « Nous sommes venues rencontrer M. le Maire qui n’était apparemment pas disponible. Nous avons donc décidé de bloquer la mairie car nous sommes fatiguées d’attendre« , justifie une manifestante. Au cœur de leur indignation : la situation préoccupante de leur quartier de Mavadzani. Un territoire particulièrement isolé et vulnérable aux aléas.

 

Des maux cumulés

 

A l’image de nombreux territoires mahorais en souffrance, les maux de Mavadzani reposent sur trois problématiques : « l’eau, la route, et les poteaux électriques », résume une habitante. « Les canalisations installées il y a quelques années ne fonctionnent pas. Les tranchées n’ont pas été bouchées. On peut tomber dedans !« , introduit-elle. Creusées par la pluie, les éboulements et l’érosion, ces installations constituent en effet des cavités dangereuses pour les enfants et personnes âgées. Conséquence de ces infrastructures défaillantes : « Nous sommes une vingtaine sans compteur d’eau. On doit faire du bricolage avec des voisins pour raccorder nos habitations« , déplore une manifestante.

Également érodés par les éléments : Les poteaux électriques. Une source d’inquiétude particulièrement vive chez les familles exposées à la menace d’une chute. « La base sur laquelle reposent les poteaux est rongée. C’est particulièrement visible pour deux installations qui risquent de tomber sur les habitations« , s’inquiètent les habitantes.

Si tous les foyers du quartier ne sont pas exposés aux mêmes enjeux, chacun se réunit autour d’une revendication commune : l’accessibilité. Laura, une professionnelle de santé de 31 ans résume le problème : « Il faut traverser une rivière pour accéder au quartier. C’est impossible par temps de pluie. Un jeune homme a récemment été emporté par le courant avant d’être sauvé. On ne doit pas passer par de tels risques pour rentrer chez nous« .

Dans ce petit territoire construit en pente, la route principale devient également un torrent de boue en saison des pluies. Ce danger conduit certaines familles à l’isolement. « Un enfant en situation de handicap habite sur les hauteurs. Il n’est quasiment jamais sorti du quartier car nous sommes obligés de le porter pour descendre« . Une fois la tempête passée, c’est aux habitants de mettre la main au portefeuille : « Nous avons plusieurs fois financé un tracteur pour aplanir la route. Cela coûte entre 300€ et 400€ à chaque fois« .

 

Le maire monte au créneau

 

Rares sont les employés municipaux qui ont opposé une résistance : « Nous sommes rentrés dans chaque bureau pour demander aux agents de quitter la mairie. À l’exception d’un employé, tous ont accepté« , rembobine une manifestante. Le but : faire réagir le maire de la commune, Mouslim Abdourahaman. « Ils nous avait promis dès sa campagne de 2016 que les choses allaient changer. Aujourd’hui nous en sommes au même point« , déplore une administrée particulièrement remontée. Après plusieurs heures d’attente sous la surveillance d’un véhicule d’un gendarmerie, l’assemblée est enfin rejointe par l’homme fort de Bouéni.

« J’ai dû avoir une cinquantaine de coups de fils en moins de deux heures !« . Débarqué en vitesse pour apaiser la situation, Mouslim Abdourahaman s’est dépêché d’interrompre son footing matinal sans passer par la case vestiaire. Une séance de débat est ainsi improvisée dans la mairie fraîchement rouverte. Face à l’édile en survêtement et quelques membres de son équipe municipale, les mères de famille ne décolèrent pas. Pas de quoi décontenancer Mouslim Abdourahaman qui avance tant bien que mal sa vision des choses. « J’ai une vision globale de ce quartier concernant les trois problématiques qui sont évoquées« , avance-t-il. “J’ai introduit il y a trois ans un dossier RHI (Résorption de l’Habitat Insalubre), un dispositif d’État qui nous permet d’affronter ces enjeux. Dans la mesure ou n’avons pas la maîtrise foncière, nous avons diligenté l’EPFAM (Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte) pour organiser les négociations avec les habitants et les élus. Nous avons également déposé un dossier il y a trois ou quatre mois auprès du Conseil départemental pour aménager la route. Malheureusement, ce dossier n’a pas été retenu.

Une heure de négociation plus tard, les deux parties se quittent avec l’objectif de se revoir mardi. « Je vais personnellement me déplacer mardi pour échanger avec les élus locaux et les propriétaires des terrains concernés. À l’appui des conventions signées, nous pourrons renforcer notre demande de subventions et le dossier RHI« , se réjouit le maire de la commune. Un optimisme plus nuancé côté manifestantes : « Nous avons entendu beaucoup de promesses. Trop de temps a déjà été perdu. Même si nous nous réjouissons de cet échange, nous attendons de voir ce que tout cela va donner« .

Habitants, élus, institutions et propriétaires fonciers doivent désormais trouver un terrain d’entente pour sauver leur quartier. Une opération complexifiée par la présence d’une opposante politique au sein des propriétaires concernés. Dans les travaux d’infrastructures comme dans les liens sociaux, l’enjeu est plus que jamais de partir sur de nouvelles bases. Plus solides.

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