Après un peu plus d’un an de travaux, des maisons témoins ont été inaugurées ce jeudi. Elles devront accueillir dans les jours qui viennent plusieurs familles délogées il y a deux ans d’habitats insalubres construits en haut de ce talus, sur la commune de Koungou. Une opération qui s’inscrit dans le cadre d’une politique ambitieuse de lutte contre l’habitat indigne dans le 101ème département.
À l’endroit, à l’envers, dans un sens puis l’autre… Rien n’y fait ! Les mains tremblantes du petit homme de 80 ans ne parviennent pas à déverrouiller la porte de sa future nouvelle demeure. “Vous voulez que je vous aide, Monsieur ?”, lui glisse avec bienveillance le préfet Jean-François Colombet, reconverti le temps d’une visite en agent immobilier enchanté d’avoir conclu une nouvelle vente. “C’est la mauvaise clé !”, s’écrie-t-on alors, sous les rires amusés de la foule entassée pour assister à ce moment symbolique. Ouf, la porte de devant est ouverte et tout ce beau monde finit tant bien que mal par s’engouffrer dans la petite maison, correcte et fonctionnelle : une salle de bain et une cuisine équipée, une salle à vivre et même un deuxième étage pour la chambre avec vue sur le lagon. La classe !
Ce jeudi avait lieu l’inauguration en grande pompe des premières maisons témoins de l’opération de résorption d’habitat insalubre (RHI) expérimentale. En tout, ce sont trente logements de ce type qui doivent être livrés dans quelques jours pour des familles décasées qui vivaient sur cette butte en haut de Majicavo-Dubaï. “Nous, ville de Koungou, voulions démontrer que le bidonville n’est pas une fatalité et que des solutions existent. Ici même, il y a moins de deux ans, des maisons menaçaient de glisser sur le talus”, a rappelé le maire de Koungou Assani Saindou Bamcolo. Il aura fallu un peu plus d’une année pour livrer ce chantier démarré en janvier 2019. “C’est dans votre commune que le renouvellement urbain va le plus vite et le plus loin, nous arrivons à consommer les crédits alors qu’ailleurs, les choses sont plus lentes à se mettre en place”, a d’ailleurs salué le préfet à l’attention de l’élu, immédiatement suivi par une salve d’applaudissements.
Un reste à charge de 100 euros
L’objectif de l’opération, menée en lien avec la commune de Koungou, mais aussi la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS née récemment de la fusion DIECCTE/DJSCS), le conseil départemental et les services de l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : livrer vite et bien, à un moindre coût (39.000 euros) des logements dignes, isolés, avec accès à l’eau et l’électricité. “Vous voyez ce toit ? On a mis un revêtement spécial, qui évite de faire chauffer la pièce”, indique-t-on. Et c’est vrai qu’il fait plutôt frais ! Les nouveaux locataires, comblés, enchaînent les “maharaba” et même une prière. Locataires, car le montage repose sur un dispositif d’intermédiation locative géré par SOLIHA et la fondation Abbé Pierre. À terme, le reste à charge pour les familles s’élèvera à une centaine d’euros seulement. “Nous allons être très compétitifs avec le marché du banga”, s’est enorgueilli Jean-François Colombet.
Équilibre et effacement des bidonvilles
Des constructions qui s’inscrivent selon le délégué du gouvernement dans une politique volontariste de lutte contre l’habitat insalubre. “Depuis août, nous nous sommes engagés dans un plan ambitieux pour détruire 600 à 700 cases dans lesquelles vivent des gens de façon indigne”, a-t-il souligné. Or, pour reloger les familles ainsi délogées, les solutions en matière de logements font toujours défaut sur le territoire. Et la volonté de la SIM de construire 500 logements sociaux par an ne pourra pas suffir à “couvrir l’ensemble des besoins avec le développement que nous connaissons”. Ces constructions expérimentales et reproductibles apportent donc une première pierre à l’édifice. “Je trouve que cette opération incarne l’équilibre que nous mettons en place sur l’effacement des bidonvilles”, a fait valoir le locataire de la Case Rocher.
Un équilibre bien fragile, surtout au vu du rythme rapide et de l’ampleur des destructions… Sur le terrain inauguré ce jeudi vivaient auparavant une cinquantaine de familles dans des cases en tôle. Parmi elles, les trente heureuses élues qui vont recevoir les clés de leur nouveau logement en dur ont été accompagnées pendant toute la durée du chantier par l’association Acfav et dans les logements temporaires de Hamachaka. Les vingt restantes étaient soit en situation irrégulière ou bien ont trouvé des solutions de relogement par elles-mêmes.
Depuis le 1er janvier, 496 cases ont déjà été détruites grâce aux arrêtés loi Elan publiés par la préfecture. Le dernier, en date du 2 avril 2021, prévoit la démolition d’une cinquantaine de cases dans un mois et huit jours, à Miréréni, sur un terrain de la commune de Chirongui. But de la manœuvre : construire (enfin !) un terrain de football, dans les cartons depuis 2005. Il pourra accueillir 22 joueurs. Sauf crise sanitaire majeure.