En parallèle de son métier d’institutrice, Nasra Abdou s’est lancée dans l’agriculture en créant Maoraland à Kahani où se trouve une pépinière et un poulailler en attendant l’ouverture d’une ferme pédagogique et d’un concept-store. Preuve que ce secteur d’activité a le vent en poupe, la jeune femme de 25 ans croule sous la demande depuis son passage sur Kweli Media. Une manière pour elle de rappeler que la terre mahoraise regorge de richesses et d’opportunités.
Flash Infos : En 2019, vous avez créé Maoraland, un site agricole qui sensibilise au respect et à la protection de l’environnement. Comment et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans cette aventure ?
Nasra Abdou : L’histoire est partie de mon père et de mon mari, qui ont la même passion : les plantes. Nous avons alors créé une pépinière, qui a immédiatement séduit la clientèle, avant de construire un poulailler. C’était compliqué au départ en raison des démarches administratives, qui prennent un temps fou. D’ailleurs, nous attendons encore certaines autorisations pour importer des plantes et des animaux qui ne sont pas sur Mayotte. C’est un frein qui demande d’avoir les reins solides… Heureusement que les retours sont positifs : j’ai plein de collègues qui veulent organiser des visites du site avec leurs élèves. Tout cet engouement autour du projet me met du baume au cœur et me donne de l’espoir pour la suite. Nous espérons par exemple recevoir le soutien du Département et d’autres collectivités pour continuer à nous développer.
FI : Justement, vous souhaitez mener à bien deux projets d’envergure : l’ouverture d’une ferme pédagogique, en sachant que vous avez déjà deux vaches métisses charolaises et sept chèvres, et d’un concept-store. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
N. A. : Pour la ferme pédagogique, c’est un dossier très lourd à porter. Nous y tenons, mais cela reste encore assez flou… Dès que nous aurons les autorisations, nous pourrons envisager une date d’ouverture. Toujours est-il, nous allons déjà commencer avec ce que nous avons sur place. Dans l’idéal, nous aimerions ramener des autruches, des perroquets, etc. Des animaux que nous n’avons pas l’habitude de côtoyer sur l’île. Faire venir des chevaux, des zèbres et des girafes serait un rêve ! Nous espérons vraiment le concrétiser. Mais pour cela, il faut que mon mari, Manzola, suive une formation pour les accueillir.
Par rapport au concept-store, nous pensons pouvoir l’ouvrir d’ici l’été prochain. Nous allons vraisemblablement recevoir les financements de la commune de Ouangani, de mon père via son entreprise et de l’ADIE (association pour le droit à l’initiative économique, ndlr.) avant la fin de l’année. Nous allons proposer la vente de pots et d’outils pour le jardin, mais aussi des produits animaliers ainsi que des ateliers pour construire des terrariums avec les clients.
FI : Vous avez également un poulailler riche de 3.000 poules que vous importez de métropole et que vous élevez à la mahoraise. Un concept qui vous tient à cœur et surtout une démarche qui plaît à vos clients…
N. A. : Pour l’instant, nous prônons un élevage traditionnel mahorais : soit nous déplumons les poulets nous-mêmes, soit nous les vendons vivants. Tout dépend de la demande, qui commence à augmenter petit à petit, notamment le week-end ! Nous espérons pouvoir tenir ce système et ne pas tomber dans l’élevage intensif. Raison pour laquelle, nous faisons appel à un ami restaurateur pour les nourrir avec les restes du service du midi. C’est mieux de procéder de la sorte plutôt que de tout envoyer à la poubelle, non ? Sinon, nous n’hésitons pas non plus à donner nos choux et nos salades en mauvais état aux poussins. Et ça leur plaît (rires).
FI : Lors de votre intervention dans Kweli Media, vous adressez un message à la jeunesse pour leur dire de ne pas délaisser l’agriculture et de développer des produits pays. Quelle image portez-vous sur l’agriculture à Mayotte ?
N. A. : C’est super important de s’adresser à la nouvelle génération ! N’oublions jamais que la terre mahoraise regorge de richesses. Même si je suis institutrice, j’ai envie de faire quelque chose de plus naturel pour mon territoire. Cela me fait mal de voir tous ces produits importés de La Réunion et de la métropole dans les étals des magasins. Je suis trop jalouse, c’est tellement dommage, alors que nous avons du potentiel. Malheureusement, nous préférons rester les bras ballants et regarder ce qu’il se passe sous nos yeux.
Alors oui, j’essaie de porter un message qui consiste à dire qu’il ne faut pas être réfractaire aux métiers manuels malgré toute la paperasse que cela demande. Mais ça va venir, j’en suis persuadée ! Nous résumons trop souvent l’agriculture à un métier de « vieux ». Or, c’est à nous de prendre le relais, de porter les sacs de terreau, de donner à manger aux bêtes, de moderniser ce secteur d’activités… Certes, à la fin de la journée vous êtes exténué parce qu’il s’agit d’un travail harassant, mais vous êtes habité par un sentiment de fierté.