Avec 1.500 tonnes par an, l’abattoir de Kahani donne des ailes à Mon Pouleti

Lancée à l’initiative d’éleveurs et d’industriels en 2017, la SAS Abattoir de volailles de Mayotte (AVM) vient de sortir de terre son outil. Forte du succès de sa marque 100% locale, la société entend multiplier par dix sa capacité de production. Et ainsi donner un coup de boost à la filière.

Cot-cot codêêêt !… Sous le haut plafond du hall de réception, l’on devine presque les piaillements des milliers de poulets qui passeront bientôt la patte dans l’étrier. Accrochées en rang les unes derrière les autres, les suspensions flambant neuves attendent patiemment leur cargaison, prêtes à emporter leurs victimes de chair et de plumes jusqu’au poste de saignée. Plouf ! Un stop dans l’eau pour les étourdir – l’électronarcose, dans le jargon – et schlack, un cou tranché en direction de la Mecque, et les voilà bonnes pour passer à la casserole, ou presque. Bon, pour l’instant, ce sont surtout quelques notes de cornemuse qui résonnent dans l’imposant bâtiment de Kahani, où des ouvriers s’attellent encore à peaufiner les derniers détails. “Je ne suis pas sûr qu’il y aura de la musique pour les poulets”, souligne avec esprit Guillaume Rubin, le directeur d’AVM, qui guide les visiteurs sur ce chemin de la mort.

Non sans fierté. Car avec ce tout nouvel abattoir de volailles, l’entreprise mahoraise qui commercialise depuis déjà deux ans la marque “Mon Pouleti” va bientôt pouvoir multiplier par dix sa capacité de production. Dans ce bâtiment grand de 2.200 mètres carrés, AVM entend en effet faire défiler un million de poulets, soit 1.500 tonnes de viande, contre les 120 actuellement produites sur le petit outil de Coconi, destiné davantage à un usage pédagogique. “Depuis 1986, il y a eu beaucoup de tentatives de structurer la filière poulet de chair, qui se sont heurtées à de nombreuses difficultés. Nous avons donc voulu être prudents et commencer avec une petite production”, rappelle le patron en retraçant l’historique de la boîte, créée en 2017. Pour éviter d’y perdre des plumes, la SAS a associé tous les acteurs de la chaîne, des éleveurs, aux industriels, parmi lesquels on retrouve notamment AFICAM, AEM et Ekwali Couvoir. De quoi structurer la filière, de l’amont à l’aval.

 

Une étape du développement agricole de Mayotte

 

L’objectif, à terme ? Doubler la production. “Mais il faut aussi créer cette demande”, concède Guillaume Rubin. Pas de quoi dégonfler Elhad-Dine Harouna, son président. “On m’a toujours dit que les Mahorais veulent manger moins cher. Moi je crois qu’ils veulent manger moins cher mais de qualité !”, avance l’éleveur qui s’est lancé dans l’aventure agricole en 2013. “Depuis, nous avons gravi les échelons, c’est un travail de 30 ans. J’ai vendu des poulets abattus sous le manguier, puis en sac plastique, jusqu’à la barquette avec Mon Pouleti. Et ce n’est qu’un début dans le développement agricole de notre territoire”, se targue le président d’AVM. Pour autant, pas question de tomber dans un modèle hyper-productiviste, “comme ce qu’ils ont fait en Bretagne”. Leur philosophie : préférer des éleveurs “familiaux mais performants”, actuellement au nombre de 12, plutôt que dépendre de “trois grosses exploitations”. Et surtout, les rémunérer au juste prix.

 

Une offre 100% locale, par et pour les Mahorais

 

Offrir aux Mahorais une offre locale, et de qualité, voilà la promesse de ce nouvel abattoir, qui doit accueillir ses premières volailles à la mi-juillet, pour une inauguration officielle prévue le 27 août. L’autre plus ? Un atelier de découpe, pour empaqueter ailes et cuisses à foison, ce que ne permettait pas l’actuel outil de Coconi. Disponibles en grande surface comme dans la boutique de l’usine, Baraka Frais, les poulets, mais aussi du canard, de la pintade, et de la charcuterie de volaille pourront être achetés à un prix abordable, garantit-on. Le tout 100% local, et “local de Mayotte”, insiste Amélie Tassin, responsable de production et de commercialisation. “Nous n’arriverons pas à concurrencer les mabawas importés à 2,50 euros, mais sur des marques type Label rouge, importées de métropole, nous pourrons peut-être être concurrentiels, avec une qualité locale”, explicite Guillaume Rubin. Tout dépend in fine des volumes. Et justement, pour mutualiser les coûts d’une telle structure et faire des économies d’échelle, AVM compte s’associer à d’autres acteurs, comme la Laiterie de Mayotte, pour stocker et livrer les produits partout sur l’île. “Nous ne voulons pas faire un produit élitiste, mais au contraire, un produit achetable par le plus grand nombre”, martèle le directeur.

 

L’Europe s’engage, le conseil départemental aussi

 

Un enjeu de taille, compte tenu des problématiques de vie chère qui asphyxient l’île, encore trop dépendante de ses exportations. D’où la participation du conseil départemental, dont les élus étaient présents en nombre pour cette première visite. “Après mon élection, c’est peut-être la deuxième délibération qui a été votée à l’unanimité, c’est pas beau ça ?”, évoque le président de la collectivité Soibahadine Ibrahim Ramadani. En tout, il aura fallu une enveloppe de huit millions d’euros pour mettre sur pied cet outil, qui offre, une fois n’est pas coutume, une réalisation concrète de l’utilisation des fonds européens. 5.36 millions d’euros du FEADER sont en effet venus abonder l’opération, auxquels le conseil départemental a ajouté de sa poche 680.000 euros supplémentaires. Petits grincements de dents dans l’assistance. “Dans l’enveloppe FEADER, il y a aussi la participation du conseil départemental”, piaffent les élus en insistant pour corriger leur ligne dans le tableau. Pas de panique ! L’équipe d’AVM s’empresse d’exécuter un rapide calcul mental. “Oui au total, cela fait plutôt 1.18 million d’euros de subventions du Département. Bon, ce n’est pas non plus très exact de présenter les choses ça, mais bon…” Gare aux coups de bec !

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