Le colonel Olivier Neis, le nouveau directeur du Service départemental d’incendie et de secours de Mayotte, a pris ses fonctions en mars 2021, mais il n’est pas nouveau sur le territoire. Il a exercé sur l’île pendant huit ans avant de partir en 2016. Il revient cette année avec de nouveaux objectifs pour le SDIS 976 et une nouvelle stratégie de communication avec les sapeurs-pompiers. Un renouveau grandement apprécié dans un contexte où les professionnels sont sujets aux agressions.
Flash Infos : Des pompiers ont récemment été agressés alors qu’ils étaient en intervention à Vahibé. C’est devenu un phénomène récurrent à Mayotte, pour quelles raisons selon vous ?
Olivier Neis : L’agression est une habitude et il n’y a pas que les pompiers. Les particuliers aussi se font agresser. Lors de la récente agression, les auteurs voulaient les portefeuilles et les téléphones. Leur motif n’était pas de caillasser les pompiers en particulier. Je souhaiterais que l’on arrive à discuter avec ces jeunes pour leur faire comprendre que personne n’est là pour faire du mal. Nous devons porter assistance et chaque seconde qui passe est une seconde de perdue pour préserver une vie.
FI : Allez-vous mettre en place des mesures pour renforcer la sécurité des agents ?
O. N. : À l’heure actuelle, l’ensemble des vitres sont filmées pour éviter la casse et la projection des débris de verre. Ils ont également la radio pour pouvoir prévenir. Nous allons mettre un certain nombre d’outils à leur disposition avec des moyens audiovisuels pour pouvoir les protéger. Et puis il y a les protocoles que nous avons avec les forces de l’ordre pour pouvoir être accompagnés dans certains secteurs. Nous connaissons ceux qui sont plus dangereux à partir de la tombée de la nuit.
FI : Les syndicalistes avaient évoqué l’idée de ne pas intervenir sur certaines zones à partir d’une certaine heure. Est-ce réellement possible ?
O. N. : L’obligation du service public est de remplir sa mission de service public. S’il y a une entrave à la bonne marche des opérations, c’est à la justice de faire ce qu’il faut, mais quelque que soit la mission, nous l’accomplirons. Si nous ne pouvons pas la faire parce qu’il y a un barrage, nous nous mettrons en sécurité en attendant d’être accompagnés par les forces de l’ordre pour aller sur le lieu de la mission. Il ne faut pas que cela soit toujours nous qui fassions marche arrière, c’est un obstacle à la sécurité des Mahorais. Nous mettons des moyens en place pour préserver l’intégrité et la sécurité des agents et du matériel, mais le but du jeu n’est pas de rajouter des couches de sécurité.
FI : En tant que directeur du SDIS, quels types de dilemmes devez-vous affronter ?
O. N. : Toutes les problématiques opérationnelles sont réunies. Il y a l’isolement de l’île, les problèmes de circulation, de langue. Ici, le matériel vieillit deux à trois fois plus vite en raison des conditions climatiques. La durée d’amortissement d’un véhicule en métropole est de 20 ans, ici au bout de 10 ans nous sommes avec du matériel qui a souffert. Il faut le changer, le réactualiser.
FI : Quels sont vos enjeux pour Mayotte ?
O. N. : Nous sommes dans une société qui évolue très vite, les besoins sont importants. Il faut avoir une vision sur les 20 prochaines années dans des conditions qui sont particulières. Concernant les ressources humaines, il faut former les gens. Nous devons aussi trouver des solutions qui tiennent dans le temps. L’enjeu stratégique de la construction du SDIS de Mayotte pour les années à venir c’est d’avoir une réponse adaptée à la situation la plus défavorable qui est celle d’un cyclone qui passe avec tous les réseaux coupés.
FI : Cela fait cinq mois que vous êtes rentrés à Mayotte, quel regard portez-vous sur ces mois où vous avez travaillé avec les sapeurs-pompiers de l’île ?
O. N. : Je connaissais déjà donc c’est un avantage. Aujourd’hui, un certain nombre de dossiers ont été résolus. Des dossiers qui étaient en attente depuis X temps. Mais nous reprenons, nous allons remettre du lien entre les services, entre les groupements. Nous présenterons des documents structurants comme le projet d’établissement, le règlement intérieur et d’autres dossiers qui devaient être faits et qui n’avaient pas eu le temps d’être réalisés. Le projet d’établissement, c’est la vision de la construction du service sur un temps donné. Cela permet la définition du budget financier qu’il faut y allouer pour pouvoir y répondre.
FI : La communication était rompue entre votre prédécesseur et les syndicalistes. On a l’impression qu’avec vous l’entente est meilleure. Quel est votre secret pour réussir à calmer les choses ?
O. N. : Je n’ai pas de secret, mais c’est peut-être parce que nous sommes tous des sapeurs-pompiers dans l’âme. J’ai un devoir de réserve vis-à-vis de mes prédécesseurs, mais je partage, j’échange avec tout le monde. Ma porte est toujours ouverte. Je travaille dans la logique et la communication. Si vous regardez mon emploi du temps, il est plus côté terrain que côté administration. Le but de ma présence est de mettre mon savoir-faire au service de la construction d’une réponse de sécurité civique pour Mayotte. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais il faut savoir négocier. Quand on me demande de mettre quelque chose en place, je mesure le poids de la chose. Je pars du principe que tout problème a une solution. La seule chose que nous avons à l’esprit, c’est que nous avons une obligation d’apporter une réponse à toute demande de secours, le plus approprié possible.
FI : Qu’en est-il du conflit avec l’aéroport et les sapeurs-pompiers du SDIS 976 ?
O. N. : Il n’y a plus de convention, elle s’est arrêtée le 31 décembre 2020. Nous avons récupéré nos agents et ils sont chez nous. Maintenant, à l’aéroport, il y a un service privé, ce sont des agents de sécurité aéroportuaire. Je ne suis pas demandeur pour négocier une nouvelle convention, l’aéroport ne l’est pas non plus. La convention a été créée en 2011, je faisais partie de l’équipe qui l’a écrite quand nous sommes passés de l’ancien aéroport à la nouvelle structure. Tout le monde savait à l’époque que nous partions sur une période de neuf ans, avec une renégociation possible tous les trois ans, elle a été reportée à chaque fois. Je n’étais pas là dans les négociations de 2020, mais aujourd’hui, c’est impossible de revenir sur la convention, elle est terminée.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.