L’écrivaine et psychologue mahoraise vient de sortir Angie, Le combat d’une mère, aux éditions Cœlacanthe. Ce roman aborde l’histoire que nombre de femmes de l’île au lagon connaissent, celle d’une mère célibataire, victime de ses souffrances, d’un père démissionnaire et d’une société passéiste. Ces maux, Rozette Yssouf en a elle aussi souffert, et s’est armée de son expérience professionnelle pour les combattre et les dépasser.
« Ah non, ici c’est une bonne soirée qu’il faut me souhaiter ! », s’amuse Rozette Yssouf depuis Wallis-et-Futuna, qui avance de neuf heures sur Mayotte. Elle est devenue la première psychologue clinicienne de cet archipel du Pacifique, une aubaine pour celle qui se considère comme une « citoyenne du monde ». Après avoir vécu sur l’île au lagon durant les six premières années de sa vie, la jeune fille grandit d’ailleurs deux ans aux côtés d’une tante en métropole, avant de rejoindre sa mère sur l’île de La Réunion, jusqu’à ses 19 ans. « Petite, j’étais une petite princesse, se souvient-elle. Ma mère m’appelait même la mzunguette tellement j’étais sensible, je n’arrêtais pas de pleurer ! » Peut-être est-ce cette sensibilité qui développe chez Rozette une empathie la poussant à écouter les autres, presque machinalement.
« Démerde-toi avec ton enfant »
« J’aimais écouter mes camarades de classe, je me prenais pour leur psy, avoue l’écrivaine. J’avais un classeur dans lequel je mettais des fiches sur ma mère, mes voisins, en listant leurs problèmes et les solutions adaptées. Au final, je leur donnais un poème. » Ces poèmes thérapeutiques, Rozette Yssouf les utilise toujours, pour les autres mais aussi pour elle. Notamment lors de ses premières années d’études, à Montpellier : « J’étais perdue. J’ai eu un questionnement existentiel car, quand j’étais avec des Mahorais de métropole, nous parlions de Mayotte comme d’une île extraterrestre. Je suis tombée en dépression, ma tante a vu que je maigrissais et a prévenu ma mère, qui m’a sommée de rentrer. » En 2004, c’est le retour aux sources pour la jeune femme, qui est alors « réanimée psychiquement ». Elle va de l’avant et poursuit ses études avec un master, lors duquel elle revient sur l’île pour un stage, en 2006.
Son sujet de mémoire, la résilience des femmes victimes de violences, répond aussi à une situation sociétale que la psychologue ne connaît que trop bien. « J’ai été élevée seule par une mère célibataire qui a beaucoup souffert de mon père biologique, raison pour laquelle elle a quitté Mayotte pour La Réunion, affirme-t-elle. Et j’ai reproduit la même chose que ma mère, j’ai eu un enfant avec un homme qui ne voulait pas de responsabilités. C’était violent d’entendre le père de mon aîné dire « Démerde-toi avec ton enfant »… » Ce combat, personnel, trouve aussi sa source dans la société mahoraise, qui « banalise les femmes victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles ». C’est cette société qui empêche l’auteure de revenir sur l’île aux parfums.
Pères démissionnaires…
« Mayotte, j’ai du mal, avoue-t-elle. J’y ai passé cinq ans et je ne me sentais pas chez moi, je n’aime pas le fait de voir qu’une société a du mal à changer, à bouger les lignes. » Un enlisement que Rozette Yssouf a également constaté dans son secteur. « Les psychologues cliniciens ne sont pas valorisés », déclare celle qui a participé à envoyer un courrier collectif de la profession au Département. « Les compétences sont là, pour aider les jeunes, continue-t-elle. Mais on nous a répondu qu’il n’y avait pas assez de fonds, que d’autres priorités existaient. » Les jeunes, et leur capacité à se sublimer après des épreuves traumatisantes, voilà justement le sujet de la thèse de la docteure en psychologie, qui s’est d’ailleurs appuyé sur des témoignages de Mahorais. Ces derniers ont marqué la chercheuse.
« Les résultats m’ont déprimé, témoigne Rozette Yssouf. Le point commun de tous ces jeunes ayant réussi, auxquels je m’identifiais, était le manque paternel ! » Chez ses sujets, la chercheuse observe le même besoin de compenser l’absence d’un père par la volonté absolue de faire quelque chose de sa vie, afin de « ne pas s’effondrer ». « Même quand le père est présent, il ne remplit pas ses devoirs envers son enfant, regrette-t-elle. Les mères sont celles qui poussent leurs enfants à aller de l’avant, à se sublimer. » Une démission du père qui empêche un développement correct de l’enfant, à moins d’y trouver un substitut salvateur. L’écrivaine évoque l’exemple d’un Mahorais, élevé par sa mère jusqu’à ses sept ans, âge auquel son père le prend de force en métropole.
… Mères célibataires
« Il était aux côtés d’un père négligent, d’une belle-mère qui ne l’a jamais aimé, témoigne Rozette Yssouf. Le manque de contact maternel lui a même fait oublier le shimaoré. C’était aussi compliqué à l’école, il a donc dû s’auto-éduquer, en quelque sorte, et c’est le karaté qui l’a fait tenir, et réussir. Aujourd’hui, il a créé une entreprise, s’est marié à une Bretonne, tout va bien pour lui. » Les pères démissionnaires, la poétesse les enjoue à « être plus forts que la peur », à « être la meilleure version d’eux-mêmes ». « À ceux qui ont eu un moment d’irresponsabilité, revenez vers votre enfant et demandez leur pardon, enjoue-t-elle. Prendre soin des enfants à deux est important pour leur équilibre psychologique et fait d’eux de grandes femmes et de grands hommes. »
Mais, si les pères manquent parfois à Mayotte, la majorité des mères sont là, et c’est à elles que Rozette Yssouf a destiné Angie, Le combat d’une mère. Ce roman, l’ouvrage qui lui « tient le plus à cœur », a pour objectif de montrer que les mères mahoraises souffrent. « Quand j’ai écrit ce livre, j’étais en plein combat juridique avec le père de mon enfant, qui réclamait des droits sur lui huit ans plus tard, alors qu’il ne m’avait jamais versé de pension », raconte l’auteure. Si elle avoue que ses personnages sont en partie basés sur son expérience personnelle, leurs destins ne sont pas communs au sien, et à celui qu’elle souhaite pour toutes les mères célibataires. « Ça ne veut pas dire que la vie est terminée, affirme-t-elle. Il est possible de concilier une vie de mère et une carrière, de hautes responsabilités. »
La psychologue remercie même ses enfants, ses « impulseurs ». « C’est grâce à mon fils que j’ai voulu aller de l’avant et reprendre les études, déclare-t-elle. Et c’est grâce à ma fille que j’ai soutenu ma thèse. » Les enfants seraient donc énergivores, mais aussi vecteurs d’une formidable énergie. « Il faut aller de l’avant rien que pour leur montrer que l’on ne s’effondre pas à la moindre difficulté, poursuit Rozette Yssouf. Il faut se relever, leur montrer qu’on peut être ambitieuse en étant mère célibataire. » Et ses ambitions, l’écrivaine les nourrit : « La thèse n’est que le début. Je veux continuer d’écrire, des articles scientifiques, des livres, des romans… » Et des poèmes, dont les vers, d’où qu’ils soient écrits, aideront celles et ceux qui souffrent intimement.
« On peut être ambitieuse en étant mère célibataire »
Un père
Être père, c’est plus qu’un devoir.
C’est une priorité absolue.
C’est être prêt à tout pour le bien-être de ses enfants.
Être père ne s’improvise pas.
Ce n’est pas un rôle à minimiser.
C’est le plus beau et le plus dur métier au monde à la fois.
C’est une formation tout au long de la vie
Car chaque enfant est unique.
C’est un métier qui ne connaît ni repos, ni arrêt maladie, ni congés.
Il faut être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Et dès les premiers instants de la conception de notre futur bébé.
Être père, c’est une énergie permanente, un amour inconditionnel.
Qui passe avant toute autre obligation,
Même avant sa propre vie.
Cela réclame protection et amour infini.
Il n’y a pas de père parfait.
Mais des pères responsables
Qui ne sont ni abandonniques
Ni démissionnaires.
Être père, c’est tout un art.
Qu’il est indispensable de pratiquer chaque jour pour s’améliorer.
On ne naît pas père,
On le devient.
Être père, c’est prendre conscience
De nos lourdes responsabilités
Aimer et accompagner nos enfants.
À devenir les adultes sains et heureux de demain.
Notre mission première,
C’est prendre soin de nos précieux enfants
La prunelle de nos yeux…
Pour toujours.
Rozette Yssouf.