Police : « L’actualité me convainc que j’ai fait le bon choix »

Nouveau directeur territorial de la police nationale à Mayotte, Hervé Derache est arrivé sur l’île avec son expérience à la fois dans la police aux frontières dans le Nord de la France et la sécurité publique en Seine-Saint-Denis. Le Nordiste de 56 ans, sait qu’il arrive dans un département avec beaucoup d’attentes de la population. Interview.

Flash Infos : Le territoire mahorais est confronté à des problématiques qu’on trouve rarement ailleurs en France. Comment vous vous projetez dans son nouvel environnement ?

Hervé Derache : Les problématiques ne me sont pas étrangères. Même si, en toute humilité, je les découvre et les appréhende au fil de l’eau. Les deux principales me sont un peu coutumières. Ça fait treize ans que je suis acculturé à la lutte contre l’immigration clandestine, notamment sur mon dernier poste de directeur interdépartemental de la police aux frontières, à Calais. Là-bas, c’est davantage de la Lec (lutte contre l’émigration clandestine) puisqu’on y travaille au profit des Anglais et de l’espace Schengen en empêchant les départs. J’y suis arrivé en 2016, un mois et demi avant le démantèlement de la « Jungle de Calais ». Précédemment, j’ai été trois ans à la tête de la police anti-immigration de Roissy-Charles de Gaulle. Ça m’a sans doute motivé à venir ici. L’autre outil intéressant, c’est le maintien de l’ordre. J’ai travaillé avant la police aux frontières dans la sécurité publique en Seine-Saint-Denis, en tant qu’officier, puis commissaire. J’y étais en 2005 lors des émeutes suite aux événements de Clichy-sous-Bois (N.D.L.R. les émeutes après la mort par électrocution de Zyed Benna et Bouna Traoré dans un poste électrique).

F.I. : Qu’est-ce qui vous a motivé à venir ici ?

H.D. : La proposition de l’administration de passer contrôleur général (N.D.L.R. le galon au-dessus de commissaire divisionnaire) sur cette île était une opportunité que je ne pouvais refuser. Depuis mon arrivée, l’actualité me convainc que j’ai fait le bon choix. J’adore tout ce qui est un peu mouvementé. Je suis persuadé qu’il y a une population attachante, un territoire attachant, pour lequel on travaille. La première semaine était un peu intense (N.D.L.R. il est arrivé au 20 novembre). J’ai mesuré tout l’engagement des fonctionnaires de police. Ils ne comptent pas leurs heures, ils sont d’une efficacité redoutable sur la voie publique. Il y a une bonne interface avec les collègues du judiciaire. Parfois, la victime n’a même pas encore porté plainte que l’auteur est interpellé. Il y a une bonne hybridation des effectifs avec une moitié mahoraise et une autre métropolitaine. Les Mahorais sont extrêmement dévoués, connaissent parfaitement la topographie, la population.

F.I. : Vous bénéficiez également de nouveaux matériels avec l’usage des drones et davantage de vidéosurveillance.

H.D. : Le territoire est complexe. Il est aujourd’hui inimaginable d’évoluer sans un support aérien. Il est devenu fondamental d’avoir un report d’images qui nous donne un visuel à 360° sur le territoire qu’on investit. On s’appuie énormément aussi sur la vidéosurveillance présente dans la ville. Elle nous permet d’anticiper des conflits, circonscrire les circonstances, identifier les auteurs et les victimes.

F.I. : Sur ce dernier point justement, on sait que la difficulté est que les rixes sont très courtes et que la population qui se trouve au milieu s’y trouve mêler sans avoir rien demandé. On a l’impression que c’est compliqué de trouver un moyen efficace de lutter contre cela.

H.D. : Très compliqué. On a du mal à comprendre l’origine des tensions et on se demande si parfois il y en a. Je les crois capables de ne pas avoir besoin d’une bonne raison pour s’affronter. Peut-être qu’il y a une part d’oisiveté chez cette jeunesse qui fait qu’elle ne se voit pas faire autre chose. Je vois que le travail se fait, j’ai rencontré des partenaires, le rectorat qui essaie de trouver des solutions pour un mieux vivre ensemble. On s’affronte trop souvent gratuitement, sans fondements, parfois pour un mauvais regard ou parce que l’autre est d’un autre village. Et ça, ce n’est pas acceptable. On cannibalise du matin, 6h, jusqu’au soir, à 18h, un nombre incalculable d’heures, de fonctionnaires à pied qui doivent accompagner les jeunes. J’entends que c’est pareil pour les gendarmes. C’est fou. Je ne suis pas là depuis longtemps, mais j’aimerais bien que les hommes de cette ville jouent le rôle de grands frères, d’anciens, pour canaliser cette jeunesse. On ne peut pas répondre par la répression à tout.

F.I. : Avec le nombre des faits, ici, est-ce que vous sentez l’attente de la population envers les forces de l’ordre ?

H.D. : Oui, je le ressens. Ça peut être par des signes amicaux lorsqu’on se promène dans certaines rues de Mamoudzou. Je l’ai vu dans les réunions avec les parents-relais.

F.I. : Sur le volet immigration que vous connaissez bien, il y a aussi une certaine attente. Avez-vous déjà des objectifs sur ce point ?

H.D. : J’ai une double tutelle, administrative avec le préfet, judiciaire avec le procureur de la République. Mon objectif est simple, il est de répondre à ces deux autorités. On a dépassé le nombre de kwassas interceptés qui dataient de 2014. Ça montre encore une fois qu’on progresse. Au-delà de la problématique de ceux qui sont déjà là illégalement, il faut continuer à porter le fer contre les nouvelles arrivées avec les moyens importants dont nous sommes dotés.

F.I. : Vous qui avez vu ça dans votre précédente mission, quel est le meilleur moyen de lutter contre l’immigration illégale ?

H.D. : C’est compliqué comme question. Je ne sais pas si c’est la réponse que vous attendiez. Le moyen le plus efficace est de lutter contre les réseaux criminels qui organisent tout ça. Bien sûr, il faut lutter contre les bateaux qui se destinent à l’île. Il faut porter le fer, et je pense qu’on peut faire davantage, contre les réseaux criminels de passeurs.

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