Dernière ligne droite pour Eva Labourdere. Du haut de ses 20 ans, la Mahoraise représentera son île demain soir, lors de l’élection de Miss France 2020, retransmise en direct depuis le Dôme de Marseille. Une belle occasion de mettre le territoire sous le feu des projecteurs et peutêtre, de faire mieux qu’Esthel Née, 3ème dauphine de Miss France 2009, la meilleure place jamais gagnée par une femme de l’île à ce concours.
Mayotte Hebdo : Comment vous sentez-vous à la veille de l’élection ?
Eva Labourdere : La pression monte et en même temps j’ai vraiment hâte de monter sur scène. On a répété pendant plusieurs semaines alors on a envie de montrer ce qu’on peut donner ! Participer à Miss France, c’est un rêve de petite fille. Ça fait peut-être un peu banal, mais c’est le cas. J’ai poursuivi ce fameux rêve avec cette même magie d’enfant et je profite vraiment de l’instant présent avec toutes les candidates et finalement je n’ai eu aucun coup de mou !
M.H : Que voudriez-vous que le public métropolitain découvre de Mayotte à travers ce concours ?
E.L : C’est une question que l’on m’a posée lors des présélections ! Je voudrais vraiment que les gens retiennent un côté positif de Mayotte, je m’explique : quand on parle de Mayotte dans les médias, on parle de délinquance, de pollution, et c’est une vision négative que j’aimerais enlever. Mayotte a plein de bons côtés, comme son environnement. On a l’un des plus beaux lagons au monde et j’aimerais le faire découvrir à la métropole et au monde entier. On a une culture et une tradition propres à nous-mêmes, qui sont merveilleuses et qu’on peut également faire partager. C’est ces côtés-là que j’aimerais plutôt montrer.
M.H : Justement, l’environnement est un sujet sur lequel vous êtes particulièrement engagée. Pourquoi et comment ?
E.L : Je suis marraine de l’association Yes We Can Nette. C’est moi qui les ai démarchés parce que je trouvais qu’ils avaient vraiment des projets et de vraies actions bien mis en place à Mayotte, que ce soit au niveau de la lutte contre les lavages en rivière ou de leur épicerie écosolidaire. C’est quelque chose qui me correspond et que je voulais mettre en avant. Mon intérêt pour l’environnement est venu avec le temps, parce que je reviens ici régulièrement et j’ai vu notre toute petite île se dégrader. Alors forcément, ça me touche et j’ai envie de faire quelque chose.
M.H : Vous êtes également très sensible à la question de l’éducation…
E.L : C’est un aspect humain, personnel. Dans la société d’aujourd’hui, on est très individualistes et une Miss France se doit d’être ouverte d’esprit, de partager, d’être communicative. C’est une valeur morale que je tiens vraiment à mettre en avant en participant à ce concours. Si j’avais un message à faire passer aux enfants et aux jeunes de Mayotte, c’est de croire en eux, de continuer leurs études même si on a tendance à les délaisser. Il faut être respectueux, mais ça, je ne trouve pas que ce soit un souci à Mayotte où on respecte souvent ses aînés. Il faut ne rien avoir à se reprocher et croire en ses rêves ! Je crois en ces jeunes, mais il faut les aiguiller, c’est indéniable. Pour cela, je pense que c’est important pour un enfant de s’épanouir en pratiquant une activité sportive par exemple. Ici, il n’y a pas beaucoup d’activités extrascolaires, alors ça serait un premier point s’il fallait faire quelque chose. Avoir une activité sportive ou autre peut leur permettre de se découvrir et de se dépasser. C’est très important pour un enfant, je pratique moi-même le tennis depuis toute petite et ça m’a énormément apporté. La bibliothèque est aussi une piste, il n’y a pas assez de sorties dans la bibliothèque de Cavani, on n’apprend pas aux jeunes à aimer la lecture. Après Miss France, j’ai moi-même prévu d’organiser des cours de lecture pour pousser l’imagination un peu plus loin.
M.H : Justement, dans votre imaginaire à vous, que représente la femme mahoraise ?
E.L : C’est une femme moderne, une femme d’aujourd’hui. Elle revisite son salouva, elle met des talons. Elle part travailler, ou non, mais c’est surtout une femme libre. On est un territoire musulman, mais ça ne nous empêche pas d’être des femmes indépendantes. Dans l’ensemble, on est libre de faire ce qu’on veut. La preuve : je suis une femme mahoraise, je fais partie du lot, et je participe à un concours de beauté…
M.H : Samedi, allons-nous vous voir défiler en salouva ?
E.L : Le costume régional fait un peu polémique. Pour éclaircir ce point, il a pour but de mettre en avant la tradition, la gastronomie ou un objet propre à Mayotte. Pour mon costume, nous avons choisi de mettre en avant le chapeau de Sada et le raphia, qui est très utilisé à Mayotte, pour beaucoup de choses. Je trouve pour ma part que ce n’est pas toujours nécessaire de mettre en avant le salouva, parce qu’on peut représenter Mayotte sous toutes ses formes, alors mon costume sera fait de raphia et de couleurs chaudes. Pour des questions de règles, je ne pourrai pas porter de chapeau parce qu’il cache le visage, donc on a mis une sorte de bibi sur le côté, et c’est ma maman qui a fait le costume régional avec des couturiers locaux, donc c’est une immense fierté de le porter !
M.H : Il y a quelques jours, l’élection de la Sud-africaine Zozibini Tunzi en tant que Miss Univers marquait les esprits. Selon vous, comment les femmes noires et métissées sont-elles aujourd’hui représentées dans les concours de beauté ?
E.L : Elles sont mises en avant ! C’est fini le temps du racisme et de la discrimination. Plus que la couleur de peau, c’est la personnalité qui parle et cette Miss Univers a une personnalité, une prestance, un charisme… Pour moi c’était presque une évidence, même si Maëva Coucke a tout déchiré et qu’elle le méritait aussi. Quand on regarde les 30 candidates à Miss France, on est toutes comme on a envie d’être, avec les cheveux bouclés ou lisses, crépus ou non. Une Miss Univers noire, avec les cheveux courts vient d’être élue, alors peut-être que la prochaine Miss France sera métisse !
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.