Le 19 juin 2022, Estelle Youssouffa accédait pour la première fois au poste de députée. Une nouvelle étape pour cette ancienne journaliste qui a fait le choix de défendre Mayotte envers et contre tous. Il s’agit d’une suite logique après plus de quatre ans de militantisme dans le collectif qu’elle a créé en 2018. Depuis un an, la parlementaire s’attèle à faire connaître les problématiques du 101ème département au niveau national, en multipliant les prises de paroles à l’Assemblée Nationale et dans les médias. Et si elle est déterminée à tirer le territoire vers le haut, elle doit parfois se plier aux exigences et au rythme du gouvernement qui ne va pas toujours dans son sens.
Mayotte Hebdo : Vous faites l’actualité avec ce rapport parlementaire sur les pressions migratoires, notamment à Mayotte. Il a fait beaucoup de bruit, y compris en dehors de la commission. Est-ce que cela vous fait plaisir ?
Estelle Youssouffa : Je ne travaille pas pour faire plaisir, je travaille pour avoir un impact. Et oui, je suis heureuse qu’il y ait des échos parce que cela fait connaître au plus grand nombre la situation dans laquelle on est à Mayotte, notre réalité. Ce rapport permet de mettre chacun face à ses responsabilités, en ayant un diagnostic partagé. Et ce rapport sera appelé à nourrir le débat sur la loi Asile et Immigration qui devrait être présentée au Parlement dans les prochains mois.
M.H : L’autre actualité c’est l’opération Wuambushu avec des débuts compliqués même s’il y a eu des arrestations. Quel est votre sentiment en ce moment ?
E.Y : Wambushu est axée sur 3 piliers : les arrestations des criminels et délinquants pour ramener la paix à Mayotte, la destruction des bidonvilles et les reconduites à la frontière. Les forces de l’ordre ont été déployées en masse et ont agi avec des interpellations qui nous ont permis de retrouver une vie normale, c’est notable. Cela vient contredire les défaitistes qui estimaient que la situation à Mayotte est impossible à régler, inextricable. Wambushu prouve que si on met les moyens, on peut agir et que la violence n’est pas une fatalité. Mais je suis consternée de voir que des recours en justice ont empêché le volet de la destruction des bidonvilles qui n’a absolument pas pris l’ampleur dont l’île a besoin. Je suis aussi consternée de voir que le blocage au niveau des Comores et l’inertie du Quai d’Orsay ont empêché les reconduites à la frontière. Le ministère de l’intérieur a tenu son engagement en augmentant les effectifs des forces de l’ordre qui ont ramené le calme dans l’île, mais le volet de reconduite et des destructions des bidonvilles ont été empêchés. C’est regrettable : l’opération étant appelée à continuer, on peut corriger le tir. Je pense que Wambushu aura aussi permis de mettre les projecteurs sur Mayotte et le reste du pays a pris conscience de la gravité de la situation. Cela a permis d’informer l’ensemble des acteurs politiques, médiatiques et finalement, cela nous a donné une plateforme importante pour lancer notre appel à l’aide et sortir de l’isolement dans lequel nous étions. Cette opération aura au moins permis cela et c’est très important politiquement pour faire avancer Mayotte.
M.H : Mayotte souffre également de manque d’eau. Nous sommes à quatre coupures d’eau par semaine et nous serons bientôt à 5. À la rentrée scolaire il n’y aura peut-être plus d’eau…
M.H : Et malgré tout cela, on ne voit pas poindre la deuxième usine de dessalement, ni la troisième retenue collinaire. Comment pouvez-vous faire avancer les choses au Parlement ?
E.Y : Pour ma part ce n’est pas faute d’avoir alerté, poussé, crié dans l’hémicycle et en réunion avec le gouvernement, mais on ne peut que constater la surdité des services de Paris et de la préfecture sur le sujet. Je pense que vous avez tout l’historique de mes interventions. Je ne suis pas dans l’Exécutif. Nous avons un préfet et le cabinet de la première ministre qui regardent les bras ballants la sécheresse avancer. Ils organisent un “plan eau” national sans inclure Mayotte…. Je ne peux pas faire davantage pour alerter.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le Mayotte Hebdo (n°1049)