À l’issue d’une réunion entre la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, plusieurs élus de Mayotte et des représentants de l’intersyndicale et du Collectif des citoyens inquiets de Mayotte, les différentes parties se sont accordées sur une suspension d’un mois de la mobilisation. Une suspension qui ne signifie pas pour autant la fin du mouvement social.
« Confiance » : c’est le mot d’ordre qui régnait à l’issue d’une réunion entre la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, plusieurs élus du territoire*, et des représentants de l’intersyndicale et du Collectif des citoyens inquiets de Mayotte. Cinq heures d’échanges pour parvenir à un consensus : la suspension du mouvement social qui paralyse l’île depuis trois semaines. Pour autant, ni protocole, ni accord formel n’ont été signés. Les leaders du mouvement doivent d’ailleurs tenir une réunion ce matin, place de La République à Mamoudzou, pour consulter et tâcher de convaincre les manifestants de lever les barrages durant ce qui peut être qualifié de période d’essai. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
« Ils [les manifestants] seront les seuls à décider [de la levée des barrages], commentait ainsi Ibrahim Fatihou, un des représentants du mouvement social, mais nous, intersyndicale et Comité des citoyens de Mayotte, aurons cette responsabilité de tenter de leur expliquer l’intérêt de suspendre le mouvement (…) le temps de vérifier que les paroles que nous a données l’État sont des paroles fiables. Nous avons demandé toutes les garanties pour pouvoir juger de cela. »
Parmi elles, et outre les mesures de sécurisation des établissements, des transports scolaires et l’arrivée d’effectifs supplémentaires de forces de l’ordre, de nouvelles mesures concédées par le gouvernement. Quinze, en plusieurs axes : le démantèlement des bandes « de criminels semant le chaos sur le territoire » ; la lutte contre les attestations d’hébergement de complaisance et les reconnaissances frauduleuses de paternité ; la mise en place de navires supplémentaires pour lutter contre l’immigration clandestine ; mais aussi la reconnaissance des acteurs associatifs luttant contre l’insécurité, qui seront associés au travail mené par l’État durant ce mois à venir. De même, l’intersyndicale et le Comité des citoyens seront parties prenantes des décisions qui seront prises durant cette période. Un des points de revendication importants. « Cela a été des discussions difficiles, a expliqué Ibrahim Fatihou. Il a fallu qu’on se comprenne, qu’on se mette sur la même longueur d’onde avec le gouvernement, qu’on comprenne que les souffrances de Mayotte sont réelles, que ses besoins sont réels, que ses difficultés seraient inacceptables partout dans la République, et il a fallu que les membres de l’intersyndicale et du gouvernement parlent avec leur cœur. (…) Il me semble qu’au terme de ces discussions, nous avons des avancées réelles. »
« L’État se renforcera »
Avant de s’envoler immédiatement pour la métropole où se tient ce matin le conseil des ministres, Annick Girardin s’est elle aussi félicitée de cet accord de principe validant sa méthode, notamment l’envoi de trois émissaires pour évaluer les besoins du territoire et déterminer des pistes d’actions : « Les Mahorais et les Mahoraises ne peuvent plus attendre (…) La première des choses que je veux dire est que, sur ce territoire, l’État se renforcera, sera davantage présent, jouera davantage son rôle sur l’ensemble des questions qui lui ont été posées. (…) Dans un mois, nous rendrons notre travail collectif pour qu’il soit ensuite approuvé. (…) J’ai aussi répondu à une quinzaine de demandes du Collectif et des élus, qui vont toutes dans le même sens : plus de sécurité, plus de lutte contre l’immigration illégale, plus de présence de l’État. Un mieux d’État, un véritable accompagnement de l’État à tous les niveaux et sur tous les sujets (…). C’est aujourd’hui un message d’un retour de l’État, ici, sur ce territoire, que je suis venue délivrer. » Et d’ajouter souhaiter, sur la décision qui sera prise aujourd’hui de lever les barrages ou non, « le retour au calme le plus vite possible, puisque nous avons devant nous un court mois de travail pour aboutir sur un ensemble de réponses à apporter sur le territoire. »
À considérer que la levée des barrages soit acceptée par les manifestants, une nouvelle réunion aura donc lieu mi-avril, à Mayotte ou dans l’Hexagone, puisque « rien n’interdit qu’une mission vienne sur Paris », a conclu la ministre.
*Parmi lesquels les maires de Mamoudzou, de Mtsamboro, Bandrélé, Bandraboua, Tsingoni, Dzaoudzi-Labattoir, le sénateur Thani Mohamed Soilihi, le député Mansour Kamardine ou encore les élus du Département Issa Abdou et Fatima Souffou.
Un dénouement imprévu ?
L’annonce d’une suspension du mouvement social n’était pas évidente, à la vue de l’arrivée de la délégation de l’intersyndicale et du Comité des citoyens inquiets. Estimant que la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, avait « manqué de respect aux Mahorais », Ibrahim Fatihou déclarait à son arrivée, et à propos de la ministre qualifiée de « boîte aux lettres » : « Nous sommes venus [lui] remettre un document pour demander au gouvernement un véritable interlocuteur. » Rien ne laissait donc envisager un pas vers une sortie de crise, d’autant que le leader expliquait que « nous, syndicat et Collectif, avons initié ce mouvement parce que nous avons entendu la souffrance de nos compatriotes de Mayotte. Comme nous l’avons toujours dit, ce mouvement peut dépasser le cadre des syndicats et du Collectif parce que les gens souffrent. Personne ne l’accepterait [cette situation], alors pourquoi le gouvernement insiste pour nous la faire accepter ? Nous ne pouvons pas. Et même s’il a l’intention de nous dicter comment faire, car apparemment il se croit encore en colonie, nous aurons toujours la force de dire non, karivendze. »
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