Délinquance, la décroissance

Les chiffres poursuivent leur tendance baissière au premier trimestre 2019 par rapport à la même période l’an dernier. Avec 203 faits délictueux de moins pour un total de 2.045 contre 2.248 au 1er trimestre 2018, les actes délictueux sont en baisse de 9%. Sans se féliciter du niveau général, toujours élevé, d’insécurité, les services de l’État appellent à poursuivre les politiques engagées.  

Après des années de « hausse exponentielle » jusqu’en 2016, la baisse des chiffres de la délinquance se confirme au premier trimestre de cette année, a dévoilé le préfet Dominique Sorain ce jeudi dans les locaux de la Direction départementale de la police aux frontières (DDPAF). À Mayotte, la délinquance générale a ainsi diminué de 9% au premier trimestre 2019 par rapport à la même période l’an dernier, avec 2.045 faits recensés au total (-203 faits). Cette diminution semble pérenniser celle déjà observée sur l’ensemble de l’année 2018, avec un nombre d’actes délictueux en baisse de 8,8% par rapport à l’année précédente. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de délinquance« , a d’emblée relativisé le préfet ce jeudi, conscient que les chiffres ne retranscrivent que rarement la perception d’une population, et particulièrement celle des Mahorais, qui n’ont certes pas oublié le début d’année 2018 et ses sept semaines de grève générale contre l’insécurité. « Bien sûr que les gens sont touchés lorsqu’ils sont victimes, et ce n’est pas admissible« , indubitablement, « de la délinquance, il y en a toujours trop » dans le 101ème département, a insisté le préfet, « mais on ne peut pas parler de développement galopant« , a-t-il nuancé. Si pour lui, « la délinquance zéro n’existe pas« , les efforts entrepris ces derniers mois doivent être poursuivis, comme l’a fait valoir le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner lors de sa visite-éclair du début de semaine.

 

Une plus forte baisse en zone police

D’un point de vue géographique, la tendance se confirme autant en zone police qu’en zone gendarmerie, bien qu’à des niveaux différents. Ce début d’année aura ainsi enregistré 162 faits de moins dans la première et 41 dans la seconde. Une disparité qui s’explique notamment par le fait que la délinquance avait beaucoup augmenté en zone police, particulièrement en 2016, et par la mise en place de la vidéosurveillance à Mamoudzou. Un dispositif d’autant plus « dissuasif« , selon les termes du préfet Sorain, qu’il est couplé à l’initiative de participation citoyenne des Maillots jaunes (ex-Gilets jaunes), ces citoyens volontaires qui patrouillent bénévolement dans les rues de la commune pour prévenir les actes délictueux. Le système, désormais formalisé et encadré par un contrat de partenariat avec la police (voir Mayotte Hebdo n°881 de ce vendredi 19 avril), exclut d’emblée toute personne en situation irrégulière et définit une série de droits et de devoirs stricts. Le dispositif a d’ailleurs fait des émules en zone gendarmerie. Celle-ci vient de signer avec les mairies de Bandrélé et Chirongui des conventions en ce sens, a dévoilé le général Philippe Leclercq ce jeudi. Du côté de la gendarmerie, cette diminution de « seulement » 41 faits sur le premier trimestre s’explique aussi, selon ce dernier, par le fait que la gendarmerie exerce sa compétence sur pas moins de 72% de la population du département. Par ailleurs, les chiffres de référence sont ceux de 2018, et s’inscrivent dans un contexte particulier pour les gendarmes, qui ont eu à essuyer l’essentiel des difficultés liées au mouvement social.

 

Moins de cambriolages, plus de reconduites

 

Dans le détail, le paysage délictueux de ce premier trimestre se caractérise par une nette diminution des cambriolages (-32,2%) avec 179 faits, contre 264 à la même période l’an dernier. De manière générale, les atteintes aux biens sont en recul de 16,7%. Les atteintes volontaires à l’intégrité physique sont également en baisse, bien que dans une moindre mesure, avec 781 faits constatés contre 809 au premier trimestre 2018 (-3,46%). À noter toutefois que les violences gratuites augmentent de 4,36% en moyenne (bagarres, règlements de comptes; altercations, conflits de voisinage…) et que la diminution globale des atteintes physiques est tirée par celle des violences crapuleuses (-24,57%).

Du côté de la lutte contre l’immigration clandestine, les interpellations à terre ont progressé de 104% par rapport au premier trimestre 2018, a fait valoir la préfecture. Au total, près de 7.000 étrangers en situation irrégulière (ESI) ont été éloignés, à 98% vers l’Union des Comores. En moyenne, 77 personnes ont été reconduites chaque jour, contre 54 en 2017.

 

Violences intrafamiliales et accidents de la route en hausse

 

À contre-courant de la tendance globale, les violences intrafamiliales sont en hausse de 116,32%, tout comme l’accidentologie routière, avec des accidents corporels en augmentation de 83% et un nombre de blessés en hausse de 57%. En outre, trois personnes ont perdu la vie sur les routes de Mayotte ce trimestre.

Le bond des violences intrafamiliales – ce « fléau social« , selon les termes du préfet Sorain –  s’explique quant à lui par une nette augmentation du nombre de plaintes des victimes supposées et des signalements émanant des hôpitaux, écoles, Aide sociale à l’enfance (ASE) ou Protection maternelle infantile (PMI), a souligné le directeur départemental de la sécurité publique Philippe Jos. « En l’espace de trois ans, je n’ai jamais vu autant de signalements« , a-t-il relevé. Quant à l’augmentation du nombre des plaintes, elle résulte notamment de la mise en œuvre récente de diverses campagnes de sensibilisation et de nouveaux dispositifs tels que la Salle Mélanie pour les mineurs ou l’accompagnement au titre de l’aide aux victimes, a pointé le directeur de cabinet du préfet, Étienne Guillet.

 

Une meilleure coordination et des politiques ciblées

 

Parmi les facteurs d’explication de cette tendance globale, une plus grande présence des forces de sécurité, qui devrait s’accentuer sur le territoire dans les mois à venir, et la « qualité des rapports entre magistrats et services de l’État« , saluée par le préfet. La « fin de cette querelle stupide entre la police qui fait, et la justice qui pense » a également permis, selon le procureur de la République Camille Miansoni, d’aboutir à une meilleure « coordination » entre les services, au profit d’une action plus efficace. C’est aussi le développement de nouvelles politiques, plus ciblées et adaptées au territoire, qui porteraient leurs fruits. Le fait, par exemple en matière de travail illégal, de « toucher les délinquants au portefeuille » serait ainsi « la sanction la plus efficace« . Il s’agira encore de confisquer les terrains dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne, ou les cultures dans le cadre des défrichages illicites. Outre ces politiques ciblées, la préfecture entend mettre l’accent sur la prévention, compte tenu du fait qu’un tiers des mis en cause ce premier trimestre étaient des mineurs, a rappelé le préfet. À titre d’exemples, la toute jeune BPDJ (Brigade de prévention de la délinquance juvénile), mise en place l’an dernier, ou le dispositif des élèves « pairs » pour lutter contre les violences en milieu scolaire.

 

Porter plainte : « une démarche civique« 

Interpellé ce jeudi par un journaliste sur une supposée baisse du nombre de plaintes et sur l’exaspération d’une population qui n’en verrait pas, ou plus, l’intérêt, le préfet Dominique Sorain a insisté sur l’importance de la démarche et encouragé toute personne qui se considérerait comme victime à la suivre de manière systématique. Il a également rappelé que le dépôt de plainte est le point de départ quasi indispensable – sauf à ce que le parquet ne s’autosaisisse –  au lancement de poursuites et à l’interpellation des auteurs. « Nous en avons besoin pour avoir connaissance des faits et pour ouvrir les enquêtes« , a-t-il fait valoir, tandis que le général Leclercq évoquait une « démarche civique au service de la communauté« . Quant à la diminution supposée du nombre de plaintes, le commissaire Jos a balayé l’idée. « J’ai plutôt l’impression qu’on s’inscrit dans la tendance inverse« , a-t-il estimé, et ce, « à Mayotte, comme en métropole, ne serait-ce que pour des questions d’assurance, qui permettent de se faire rembourser un téléphone volé ou de faire refaire des papiers d’identité perdus« .

 

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