Afin de protester contre les violences qui ponctuent régulièrement le quotidien du lycée de Kahani depuis deux ans et qui ont encore éclaté mercredi dernier, une majorité du personnel de l’établissement a exercé hier son droit de retrait. Explications.
Ils craquent. Hier, une majorité du personnel du lycée de Kahani (136 agents sur 160 environ, selon le syndicat CGT Educ’Action Mayotte) a exercé son droit de retrait afin de protester contre les violences régulières éclatant depuis deux ans « tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’établissement », a indiqué par voie de communiqué le collectif des personnels du lycée de Kahani. « Ce mouvement fait suite aux graves évènements qui se sont produits mercredi [dernier] devant l’établissement lors desquels deux groupes de jeunes se sont affrontés », a expliqué le collectif. Les forces de l’ordre ont dû intervenir alors que les caillassages se multipliaient à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement, selon la CGT Educ’Action Mayotte.
« Ils [les auteurs des violences] ont bien préparé leur coup à l’avance, en cassant les caméras de surveillance dans la nuit de mardi à mercredi, et en demandant à leurs petites sœurs et petits frères de casser des cailloux la veille », témoigne une enseignante du lycée. « C’est ça qui nous donne la trouille, c’est que ce ne sont pas des flambées de violence spontanées », explique-t-elle.
Des bandes rivales à l’intérieur de l’établissement
Situé en plein centre de l’île, le lycée de Kahani accueille des élèves d’horizons géographiques divers et variés, ce qui provoquerait en son sein des altercations entre bandes rivales, selon l’enseignante interrogée. Un assistant de prévention et de sécurité (APS) a récemment convoqué les chefs de bandes rivales de Mamoudzou et de Dembéni et est parvenu à « calmer le jeu », rapporte encore cette même pédagogue. « Mais pour combien de temps ? », se demande-t-elle, inquiète. Des armes blanches seraient régulièrement trouvées dans les sacs des élèves, rapportent les syndicats, et « ce fort climat d’insécurité chez les élèves et le personnel » les exhorterait à demander une autre affectation, selon le collectif des personnels du lycée de Kahani. Enfin, la présence d’un échangeur important de bus scolaires « constitue un facteur aggravant des violences », selon le collectif, les élèves de tous les villages s’y mélangeant ou y attendant souvent désœuvrés. Le collectif demande donc le déplacement de ce « hub ». Deux réunions devraient se tenir mercredi entre la préfecture, le vice-rectorat et le conseil départemental sur les problématiques de sécurité liées au hub, a indiqué hier le vice-rectorat.
2 CPE pour 1600 élèves
Quentin Sedes, secrétaire général de la CGT Educ’action à Mayotte, pointe du doigt le manque d’effectifs : en 2010, il y avait 2 conseillers principaux d’éducation (CPE) pour quelque 900 élèves et en 2017, alors que l’établissement accueille 1600 élèves, il n’y a toujours que 2 CPE.
« Il n’est plus possible de faire grossir les établissements comme celui-ci », tempête Quentin Sedes, liant le phénomène de surpopulation scolaire aux violences qui éclatent aux abords des établissements. « Sur ce point, Madame le Vice-recteur semble déconnectée de la réalité, considérant que le problème est extérieur à l’Education nationale. Notre analyse de ce qui se passe sur le terrain est très différente : les violences se déroulent également aujourd’hui à l’intérieur des établissements et il s’agit donc bien de violences scolaires, en lien avec la surpopulation scolaire à laquelle nous sommes confrontés. Aussi, sans moyens éducatifs renforcés (AED et CPE), la situation continuera de se dégrader », a écrit le syndicaliste dans un communiqué présentant le bilan de la journée de grève du 16 novembre dernier.
Ainsi, le collectif des personnels du lycée de Kahani demande-t-il la création d’un troisième poste de conseiller principal d’éducation, d’un second poste de proviseur adjoint ainsi que de quatre nouveaux postes à temps plein de surveillants. « Tant que [ces] revendications ne seront pas acceptées par le vice-rectorat », le droit de retrait sera reconduit, a averti le collectif.
Impossible de virer les élèves, selon un professeur
« Le vrai problème, c’est que depuis trois ans environ, la loi nous interdit de virer les élèves », estime une enseignante du lycée de Kahani. « Nous n’avons plus de moyen de pression », regrette-t-elle encore, évoquant l’unique assistante sociale du lycée, absolument « dépassée » par la situation sociale de beaucoup d’élèves, et l’équipe pédagogique « démunie face à l’énormité du problème ». « On s’est laissés déborder », reconnaît-elle aussi, indiquant qu’une réunion allait être convoquée afin de trouver en interne des solutions pour cadrer davantage les élèves problématiques.
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