Crise sociale | Le nouveau préfet veut « un plan pour l’avenir de Mayotte »

Ce « référentiel commun » doit être acté d’ici à la fin du mois. Ce ne doit « pas être un énième plan », précise Dominique Sorain, le nouveau préfet de l’île et délégué du gouvernement. Il a longuement échangé avec l’intersyndicale et le collectif à l’origine du mouvement social ce week-end.

Ce vendredi était « plus qu’une prise de fonction du préfet » à Mayotte, a rappelé le principal concerné, Dominique Sorain, lors d’une conférence de presse vendredi, quelques heures après son arrivée sur l’île. « C’est une prise de fonction du délégué du gouvernement qui est entouré ici d’une équipe » chargée pendant un mois de trouver une sortie de crise. Dominique Sorain restera quant à lui en poste plus longtemps. « Le gouvernement a entendu le message des collectifs, des élus, de l’intersyndicale », estime le nouveau préfet. Sa nomination est le gage, selon lui, d’une « méthode renouvelée » pour faire évoluer la situation rapidement. 

Comme délégué du gouvernement, il peut « parler de façon plus directe et plus efficace » à l’exécutif, assure-t-il. « Mayotte sera une priorité dans les semaines qui viennent ». Cela doit « se traduire de façon concrète » avec une « évolution dans la vie quotidienne de nos concitoyens », précise Dominique Sorain.

Des concitoyens qui l’ont accueilli avec entrain au barrage du Four à chaux, vendredi midi. « Il était vraiment à l’écoute », salue une manifestante. Le préfet lui-même s’est dit « très marqué » par ces échanges. « Les gens parlaient avec leurs tripes (…) Ce n’est pas normal qu’on ait peur, qu’on risque d’être attaqués », reconnaît-il.

« Pas de conditions » aux négociations

Il promet avant la fin du mois d’avril un « plan pour l’avenir de Mayotte qui ne doit pas être un énième plan ». D’ici là, au programme : « un travail intense de rencontres, de contacts [à Mayotte] de façon à ce que ça puisse être arbitré au plus haut sommet de l’État (…) Notre ambition serait d’avoir un référentiel commun entre l’État, les élus et les différents partenaires ». Si le préfet n’évoque aucune enveloppe budgétaire spécifique pour Mayotte, il assure : « On n’est pas dans une logique de rabais ». Le représentant de l’État « ne pose pas de conditions » de levée des barrages pour avancer sur ce plan d’actions.

Alors qu’une partie de la presse nationale s’est fait l’écho de l’éventualité d’un changement de statut de l’île, Dominique Sorain se veut rassurant : la départementalisation n’est pas remise en cause. S’il y avait une évolution, « ça ne serait qu’à la demande des élus », poursuit le désormais ex-directeur de cabinet d’Annick Girardin, la ministre des Outre-mer. « C’est moi au cabinet qui suivais depuis plusieurs semaines le dossier mahorais ».

Questionné sur les « décasages » intervenus ces derniers jours, Dominique Sorain souligne que « les habitants n’ont pas à se faire justice eux-mêmes ». Mais « quand des personnes sont en situation irrégulière dans un territoire, elles n’ont pas vocation à y rester », précise-t-il également. « ll faut que le gouvernement comorien réadmette ses ressortissants. La situation n’est pas acceptable ».

Ces mêmes propos ont sans doute été tenus samedi à l’intersyndicale et au collectif à l’origine du mouvement social contre l’insécurité. Le préfet les a rencontrés trois heures. « Même si le collectif et l’intersyndicale reconnaissent la volonté du délégué de dialoguer, rien ne peut aujourd’hui garantir que nos 101 mesures aboutiront. Par conséquent, la population doit rester vigilante concernant la question du statut, de la sécurisation et du développement de Mayotte. Le collectif et l’intersyndicale prendront le temps de la concertation de la base pour convenir de la suite à donner aux actions », informent les organisateurs dans un communiqué, en marge de l’entretien.

Dimanche, une seconde réunion, qui a duré plus de sept heures, s’est tenue entre la délégation du gouvernement, l’intersyndicale et le collectif. « Le dialogue a avancé sur de nombreux sujets notamment la sécurité avec la lutte contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal, la création d’un service spécialisé pour lutter contre les réseaux, etc. », a indiqué la préfecture sur sa page Facebook.

« Trop c’est trop »

La réunion s’est sans doute tenue dans une ambiance pesante, alors que dans la nuit de samedi à dimanche, l’un des leaders de la grève générale, Fatihou Ibrahime, a publié un communiqué pessimiste : « Je suis fatigué d’aller et venir à Mamoudzou sans rien de concret et cela me coûte cher en carburant pour rien au final. Je refuse d’entrer dans le système du politiquement correct dans lequel on veut me faire entrer contre mon gré. Je refuse de devenir celui qui comme les autres, tente à chaque fois de noyer le poisson face aux regards parfois inquisiteurs mais ô combien justifiés, de ceux qui sont tout autant fatigués (si ce n’est plus) mais qui ont besoin que les choses changent réellement à Mayotte (…) Demain, il y a intérêt à ce que nos négociations avec le délégué du gouvernement aboutissent, sinon je romps avec le silence de ces derniers jours et je dis tout, comme je le pense. Advienne que pourra car trop c’est trop. »

Le CV du nouveau préfet

Dominique Henri Sorain, né en 1955 à Caudéran (Gironde), est diplômé d’une licence de Droit obtenue à Bordeaux et a été décoré Chevalier de la Légion d’honneur, Officier de l’Ordre national du mérite et Chevalier du Mérite agricole, nous apprend la préfecture de Mayotte. Il a successivement été attaché d’administration centrale au ministère des Finances, administrateur des Affaires maritimes, administrateur civil au ministère de l’Agriculture, directeur départemental de l’agriculture et de la forêt de Dordogne, directeur des pêches maritimes et de l’aquaculture au ministère de l’Alimentation, de la pêche et des affaires rurales puis secrétaire général au ministère de l’Agriculture et de la pêche. En 2009, il devient préfet des Vosges et est titularisé en 2010. En 2011, il devient préfet de l’Eure puis en 2014, préfet de La Réunion. En 2017, il est directeur de cabinet de la ministre des Outre-mer avant d’atterrir en 2018 à Mayotte en tant que préfet et délégué du gouvernement.

Les nouveaux engagements du préfet

Sur la page Facebook de la préfecture de Mayotte, le nouveau préfet détaille les engagements d’ores et déjà pris en termes de sécurité : « Le préfet met en place des mesures d’application immédiate : Renforcement des patrouilles de police et de gendarmerie sur la voie publique ; Patrouilles de police et de gendarmerie aux abords des établissements scolaires les plus sensibles, et dans les transports scolaires ; Application des décisions judiciaires d’expulsion et de destruction de l’habitat illégal dès la fin de la trêve cyclonique le 15 avril prochain ; Création d’un groupe d’enquête spécialisé dans la lutte contre les filières d’immigration clandestine (composé de police, gendarmerie, douanes et finances publiques) ».

 

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