La réunion d’étape jeudi à Matignon entre le Premier ministre et les élus de Mayotte était très attendue par la population mahoraise. À l’issue de cette rencontre, Édouard Philippe a annoncé quelques avancées pour Mayotte telles que la création d’une agence régionale de santé et d’un rectorat de plein exercice sur le territoire, qui ont satisfait les élus.
« Pour une fois, on a senti qu’on prenait nos problèmes en considération », a déclaré le sénateur Abdallah Hassani à l’issue du premier point d’étape de l’élaboration du plan d’action pour Mayotte à laquelle ont notamment pris part jeudi matin le Premier ministre et les élus mahorais à Matignon.
Cette réunion cruciale est intervenue deux mois après le début du mouvement social et a mis en présence le Premier ministre, Édouard Philippe, entouré de quatre ministres d’importance à savoir Jean-Michel Blanquer (Éducation nationale), Agnès Buzyn (Santé), Élisabeth Borne (Transports) et bien sûr Annick Girardin (Outre-mer), ainsi que les quatre parlementaires de Mayotte (les deux sénateurs, Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani, et les deux députés, Mansour Kamardine et Ramlati Ali). Le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, ainsi que deux conseillers départementaux (Ben Issa Ousséni, chargé des Finances et Issa Issa Abdou, chargé de l’Action sociale) étaient également de la partie. Le président de l’association des maires, Saïd Omar Oili, ainsi que les maires de Tsingoni et de Mamoudzou complétaient l’équipe locale. Le préfet et délégué du gouvernement, Dominique Sorain, s’était également déplacé.
Mayotte dans la loi asile et immigration
À l’issue de la rencontre qui a duré plus de deux heures, le Premier ministre a pris la parole face aux caméras et a annoncé quelques mesures d’ores et déjà actées par le gouvernement. Édouard Philippe a rappelé que suite à la visite d’Annick Girardin en mars dernier, les actions contre l’immigration clandestine ont été renforcées et que « des amendements répondant à la situation spécifique de Mayotte sont examinés dans le cadre du projet de loi sur une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif : je pense en particulier au contrôle des documents des étrangers dans les véhicules de transport ou aux sanctions pour fausse attestation ». Le Premier ministre a rassuré : les actions se poursuivront « tant sur le plan opérationnel que diplomatique ».
Sur la question de la crise diplomatique entre la France et les Comores, le Premier ministre est resté vague : « L’immigration est évidemment au coeur de nos échanges diplomatiques mais, ce matin, nous avons aussi convenu qu’un dialogue approfondi avec l’Union [des Comores] doit contribuer au développement des services publics et de l’économie de l’archipel. Je pense aussi à la coopération sanitaire qui fait l’objet d’une mission. » Un représentant du ministère des Affaires étrangères était d’ailleurs présent à la réunion, a confirmé le sénateur Hassani Abdallah qui s’est déclaré satisfait des positions prises par le Premier ministre durant la réunion : « Il a réaffirmé l’appartenance de Mayotte à la nation française (…) Le statut de Mayotte ne sera jamais touché (…) Il n’y a pas d’ambiguïté ». Concernant les crispations autour des reconduites à la frontière, pour le sénateur, « on ne peut pas aller plus vite que la musique (…) Les négociations vont se poursuivre ». Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a d’ailleurs rencontré jeudi son homologue comorien.
Un rectorat de plein exercice
Les mesures majeures annoncées par Édouard Philippe concernent l’évolution de l’organisation de l’État à Mayotte et de ses services. L’exécutif s’achemine vers une volonté de prises de décisions déconcentrées, en local, afin « que les réponses soient le plus adaptées à la situation du territoire ». Ainsi, selon le Premier ministre, « nous allons poser les bases d’une agence régionale de santé (ARS) de Mayotte et créer un rectorat de plein exercice pour Mayotte. De même, Pôle Emploi va renforcer l’autonomie de sa direction basée à Mayotte ».
En matière d’éducation, « le besoin de rattrapage des équipements scolaires est incontestable, en particulier dans le secteur primaire. Nous allons donc bâtir dans les prochaines semaines un plan pour accélérer le rythme des constructions de classes », a encore dévoilé Édouard Philippe.
Des annonces saluées par les élus en présence et par le syndicat des enseignants du premier degré, le SNUipp-FSU Mayotte, récemment exclu de l’intersyndicale. Le syndicat a déclaré par voie de communiqué « rester dans l’attente de précisions sur les moyens qui seront alloués au nouveau rectorat de Mayotte, sur les échéances et le volume de constructions de nouvelles salles de classe » et constater « que le gouvernement n’a pas encore répondu aux autres revendications concernant l’augmentation des moyens humains notamment à travers la généralisation des REP+ (réseaux d’éducation prioritaire renforcés, NDLR) dans tout le département, l’augmentation du taux d’indexation des salaires ou d’autres mesures indemnitaires, etc. »
Instauration de la CMU
Sur le volet santé, le Premier ministre a annoncé l’instauration prochaine de la couverture maladie universelle (CMU), une avancée notable pour le département.
S’agissant des infrastructures, « le gouvernement va soutenir le développement d’un transport en commun en site propre sur la Grande-Terre et la réalisation du contournement de Mamoudzou », a-t-il encore promis. Du côté de l’aérien, « une mission sur les capacités de développement de l’aéroport de Mayotte, sur les moyens de favoriser la concurrence et d’abaisser les prix des billets d’avion » est prévue.
Ce « débat franc » a plu aux élus de Mayotte, a soutenu le sénateur Abdallah Hassani qui se réjouit des annonces, notamment celles ayant trait au rectorat et à l’ARS de plein exercice. Sur la question du calendrier, le sénateur a déclaré qu’il n’en avait pas été fait mention dans la réunion mais que « ce n’est qu’un point d’étape dans le processus. Les discussions vont se poursuivre ici [à Paris] et à Mayotte, avec la délégation [interministérielle] ». Ainsi, les élus sont-ils relativement satisfaits, sauf sur les enjeux du port de Longoni et de la piste longue de l’aéroport. Ils devraient rencontrer l’intersyndicale et le collectif à leur retour sur Mayotte afin de leur faire un compte-rendu du point d’étape.
Les non-invités se rebiffent
Quatre membres de l’intersyndicale et du collectif (Djoumoy Djoumoi (CFE-CGC), Salim Nahouda (CGT Ma), Ousséni Balahachi (CFDT), et un membre de l’association des Familles de France) s’étaient déplacés à Paris pour suivre la réunion mais n’ont pas pu assister aux échanges. « Ils se sentent écartés mais dès le début, Édouard Philippe a dit qu’il s’adresserait aux élus », a expliqué le sénateur Abdallah Hassani. Le président de l’association des maires a déclaré à l’AFP regretter que le Premier ministre ne les ait pas conviés toutefois. Autre déçu : le député européen Younous Omarjee, très investi sur les problématiques ultramarines, qui a tweeté à l’adresse d’Annick Girardin : « Dommage que vous n’ayez pas eu le réflexe européen en oubliant d’inviter le député européen des Outre-mer et de Mayotte. L’avenir de Mayotte et les solutions sont pourtant inséparables de l’engagement de l’Europe. »
La ministre des Outre-mer à Mayotte mi-mai
Annick Girardin, la ministre des Outre-mer, devrait se rendre à Mayotte vers le 15 mai pour présenter aux Mahorais le plan d’action pour Mayotte.
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