En réponse à un référé de la Cour des Comptes préconisant de changer le statut du port de Longoni afin que l’Etat intègre sa gouvernance, la ministre chargée des Transports, Elisabeth Borne, a étayé les raisons pour lesquelles cette transformation demeure complexe. Explications.
Détaillant la gestion du port de Longoni, la Cour des Comptes ne mâche pas ses mots : « défaillante » et à la « gouvernance inadaptée ». Dans un rapport adressé à trois ministres (Transports, Action et comptes publics et Outre-mer) et paru le 21 décembre, la juridiction dresse un bilan aux allures de désastre de la délégation de service public (DSP) du port de Mayotte. L’instance demande donc à Elisabeth Borne, ministre chargée des Transports, de lui répondre sur la question d’un éventuel changement de statut du port de commerce qui permettrait à l’Etat d’intégrer sa gouvernance, à travers le statut de grand port maritime. Dans ce référé, la Cour des Comptes énumère les nombreuses difficultés de fonctionnement imputables à la fois au Département et au délégataire Mayotte Channel Gateway (MCG) : « dégradation des infrastructures portuaires susceptible de porter atteinte à la sécurité » et inaction du Département sur ces questions ; « acquisition de grues mobiles et de portiques motorisés (…) à un coût supérieur à celui prévu » d’où une augmentation des droits de port et des redevances d’occupation du domaine public ; obligations contractuelles non respectées telles que la transmission des rapports d’activité et comptes annuels, etc. De multiples manquements générant un nombre considérable de différends : 31 contentieux entre 2014 et fin 2017, note la Chambre des Comptes.
Passé cet amer constat, la juridiction recommande donc à l’Etat de s’associer à la gouvernance du port afin de remettre un peu d’ordre dans cette gabegie. Pour appuyer sa proposition, elle prend en exemple les organes de gouvernance des ports de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique ou encore de La Réunion au sein desquels siègent des représentants de l’Etat ou des membres nommés par l’Etat.
Un « non pour l’instant » argumenté
Dans sa réponse au président de la Cour des Comptes, Elisabeth Borne argumente longuement sur les différents obstacles qui empêchent pour le moment la transformation du port de Longoni en grand port maritime. Tout d’abord, le statut particulier du port de Mayotte – décentralisé – ne permet pas d’envisager « la présence de l’Etat dans les instances de gouvernance (…) en l’état actuel du droit ». Par ailleurs, créé dès l’origine sous le régime de port décentralisé, le port de Longoni ne peut bénéficier d’un transfert de propriété à titre gratuit puisque ce mécanisme est réservé aux seuls ports relevant de l’Etat et transférés par la suite aux collectivités locales. Cette cession « devrait s’effectuer dans un autre cadre que celui de la loi de décentralisation de 2004 et ne pourrait s’envisager que sur demande du Département ». En outre, la ministre rappelle que la mission interministérielle mise en place en 2017 étudie plutôt « les scénarii envisageables permettant d’établir un pilotage plus efficace du contrat de cession actuel ».
Elisabeth Borne souligne également que c’est au Département de signifier qu’il renonce à sa compétence portuaire au profit de l’Etat. Or, « nous n’avons pas connaissance de la position du Conseil départemental sur ce point, ni même s’il en a forgé une », constate-t-elle. Interrogé, le président du conseil portuaire, Bourhane Allaoui, a affirmé que le Département était « favorable » à la transformation du port de Longoni en grand port maritime et que ce changement « permettrait de minimiser les conflits que nous connaissons actuellement ». Le Conseil départemental n’a pourtant pas exprimé officiellement par écrit sa position auprès de l’Etat. « Mais s’il faut le faire, nous le ferons évidemment », a précisé Bourhane Allaoui.
Enfin, la ministre a réfuté l’argument de la Cour des Comptes prenant en exemple les ports des autres DOM : dans le cas de Mayotte, la transformation en grand port maritime supposerait la résiliation de la convention de DSP en cours entre le Département et MCG, convention qui arrive à échéance en 2028. « Sa résiliation risque d’entraîner d’importantes conséquences financières (…) et de donner lieu à de nouveaux contentieux d’indemnisation, qui viendraient s’ajouter à ceux, non encore résolus, relatifs à la précédente concession », argue la ministre, soulignant toutefois que la mission interministérielle évaluait actuellement « les conséquences d’une telle résiliation ». Malgré les nombreux obstacles soulevés par la ministre, « l’Etat continue à jouer pleinement son rôle, notamment à travers le contrôle de légalité exercé par le préfet », a affirmé Elisabeth Borne.
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