La circulation de la fièvre de Vallée du Rift, une maladie animale d’origine virale, se poursuit. Depuis fin novembre 2018, 60 foyers animaux ont été identifiés et 101 cas humains ont été signalés. La direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de Mayotte a annoncé qu’un arrêté est en cours de rédaction pour interdire l’exportation de viande et de lait cru.
« Nous ne voyons pas que des euros s’envoler, il s’agit également d’une année de reproduction qui tombe à l’eau en seulement deux mois. Ça touche l’affect ! », confie, la gorge serrée, Laetitia Vannesson, directrice de l’exploitation agricole du lycée de Coconi. En poste depuis quatre ans sur Mayotte, l’agricultrice vit sa première fièvre de la Vallée du Rift. Son premier avortement de vache remonte à la mi-janvier. « Nous avons alors procédé à des analyses de sang et avons contacté l’ARS dès (réception, ndlr) des premiers éléments. » Les symptômes chez les bêtes touchées par l’épidémie dans son élevage bovin, composée d’une vingtaine de vaches laitières, sont multiples : écoulements nasaux, absence d’appétit, déplacements difficiles, douleurs articulaires… Pendant un mois, cinq autres cas se manifestent. « Nous devons alors porter des gants, des lunettes et un masque lorsque nous sommes au contact de vaches contaminées et d’avortons pour éviter les projections sur les muqueuses. » En effet, la fièvre de la Vallée du Rift peut bel et bien se transmettre de l’animal malade à l’Homme. Depuis le 20 février, elle constate un retour à la normale mais poursuit tout de même des cures préventives de vitamines C et d’anti-inflammatoires. « À l’exception d’une ou deux vaches, la plupart d’entre elles sont redevenues jolies et ont retrouvé un bon poil. » Avant de préciser : « tant que nous serons encore en saison des pluies, il y aura un risque. C’est pourquoi je continue de les protéger avec des anti-parasitaires externes. »
27.000 euros de pertes
De plus, cette épidémie est catastrophique d’un point de vue financier. Elle évalue à 27.000 euros la perte de son chiffre d’affaires durant cette période. « J’ai transmis un dossier au préfet pour donner une idée du montant de l’indemnisation à accorder aux éleveurs. » Mais ce n’est pas tout, il faut également avoir en tête les conséquences dramatiques sur sa production laitière. « Avant, je produisais au minimum 85 litres par jour. Aujourd’hui, j’atteins à peine les 65 litres… » L’impact sur la lactation des vaches et la diminution du concentré – qui permet à la vache de produire davantage – sont en effet à prendre en compte, tout comme le travail supplémentaire de pasteurisation pour cailler le lait. « C’est grave pour la filière ! »
Communication auprès des grands cadis
Depuis l’apparition des premiers cas en novembre dernier, la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de Mayotte a recensé 60 foyers animaux identifiés (8 nouveaux la semaine dernière), dont 49 foyers bovins et 11 petits ruminants, pour 21 éleveurs impactés. Principalement localisés dans le centre et le nord-ouest de l’île (8 à Ouangani, 18 à Tsingoni…). « Il peut y avoir plusieurs animaux dans un seul et même foyer mais tous ne sont pas systématiquement contaminés », relativise Josette Mussard, de la DAAF. « Et les bêtes sont soignées et non pas abattues. » Toutefois, pour éviter un plus grand risque sanitaire, la direction générale de l’alimentation prépare un arrêt, dans le but d’interdire l’exportation de viande et de lait cru, qui devrait sortir dans la semaine, et un compte-rendu détaillé. « Nous allons également mener une campagne de communication (spots publicitaires et télévisuels) auprès des grands cadis au sujet de la consommation et de l’abattage pendant le ramadan (du 5 mai au 4 juin, ndlr). » Pour rappel, un arrêté d’interdiction de commercialisation du lait non traité thermiquement est déjà en vigueur depuis le 27 février.
Des hommes âgés d’une quarantaine d’années
En parallèle, la cellule de veille et d’urgences sanitaires de l’Agence régional de santé océan Indien signale à ce jour 101 cas humain de fièvre de la Vallée du Rift, près de 60 % des cas se situant à Chiconi et à Tsingoni. « Beaucoup de personnes ont des formes mineures de l’épidémie qui se traitent en ambulatoire et ne nécessitent pas d’hospitalisation », tempère Geneviève Dennetiere, la médecin-responsable de la plateforme depuis un an. Parmi les malades ayant pu être interrogés, près de 80 % déclarent avoir été « en contact proche avec des animaux ». Statistiquement, la plupart d’entre eux sont des hommes et ont entre 38 et 40 ans (même si cela va de 27 à 64 ans). La maladie se manifeste, bien souvent, par un syndrome grippal : forte fièvre, douleurs musculaires, maux de tête. « Ils récupèrent en seulement quelques jours mais une fatigue résiduelle peut se ressentir durant une à deux semaines », confie la spécialiste. Dans 3 à 4 % des cas, il peut y avoir, en théorie, des risques neurologiques, oculaires et hémorragiques. « Mais nous n’avons pas eu de tels cas pour l’instant sur le territoire. » Si le nombre hebdomadaire de nouveaux cas humains est en diminution « depuis une quinzaine de jours », la cellule reste en alerte. Même si la transmission interhumaine est impossible, l’épidémie peut courir encore un bout de temps en fonction de l’évolution de la maladie chez les animaux.
Recommandation pour se protéger de la maladie
« Il est important d’insister sur la prévention, surtout que lorsqu’on est encore fragile », confie Geneviève Dennetiere. Pour les éleveurs et les personnes en contact avec les animaux, il est indispensable de se laver avec du savon après contact avec des ruminants domestiques (bovins, ovins, caprins), de ne pas manipuler sans protection des animaux malades ou ayant avorté, ni les produits d’avortements ou les carcasses, de porter obligatoirement des gants, des lunettes couvrantes et surtout un masque pour l’abattage de tout animal. En effet, les animaux infectés peuvent ne présenter aucun signe alors qu’ils peuvent transmettre le virus. Pour l’alimentation, il est recommandé de faire bouillir le lait, de ne pas consommer de lait caillé sauf s’il a été bouilli puis caillé par ferments lactiques, de se laver les mains après découpe de la viande, de ne pas consommer de viande crue, de ne pas consommer la viande d’un animal malade. Pour se protéger des piqûres de moustiques, il est important d’éliminer les gîtes larvaires, de vider tous les récipients qui peuvent contenir de l’eau mais aussi d’utiliser moustiquaires et produits répulsifs.
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