"Il y a une richesse culturelle qui vient de la tradition, que ce soit en couture ou en bijouterie, il existe un patrimoine exceptionnel à Mayotte. Ces formations permettent en quelque sorte de les remettre au gout du jour." Ravie d'accueillir ces deux nouveau CAP dans son établissement, la principale du collège de M'tsangamouji Maryse Vérité voit dans leur développement et leur réussite un véritable défi. "La réussite sera bien sûr de voir ces jeunes passer de la formation au monde du travail. C'est différent des formations du bâtiment pour lesquelles il y a un réel besoin de main d'œuvre sur l'île, ici il va falloir créer ce besoin."
Le défi également est de faire vivre ces deux CAP, qui en sont à leurs débuts. Venus de toute l'île, les 25 élèves de couture et les 24 élèves en art du bijou ont été recrutés grâce à une information relayée l'an dernier par tous les professeurs principaux de classes de 3e. Après les difficultés d'acheminement du matériel à la rentrée, il faut maintenant trouver des entreprises pour accueillir les jeunes en stage 4 semaines à la fin de l'année et 8 semaines l'an prochain. "Les élèves de couture partiront en stage par demi groupes, un en avril et un en juin, ainsi il y a deux fois moins d'entreprises à trouver", explique Mme Vérité. La même solution devrait être appliquée pour les élèves bijoutiers.
Afin de promouvoir ces sections et de valoriser le travail effectué par les élèves auprès de leurs familles, l'établissement prévoit une manifestation pour la fin de l'année, avec un défilé pour lequel les deux classes travaillent déjà. Les deux enseignantes de la section couture, Mmes Martin et Vasquez, ont déjà commencé à rechercher les tissus pour les modèles qui seront confectionnés cette année en vue du défilé. Les "mannequins" seront recrutés parmi les élèves du collège avec l'aide des autres enseignants.
Création de patrons, coupe, confection, retouches et sur-mesure
"Nous travaillons avec des tissus locaux et bien entendu sur des modèles estivaux", précise Sylvie Martin. "Elles apprennent la création de patrons, la coupe et la confection, ainsi que les retouches est le sur-mesure. Il n'y a pas de travail dans le prêt-à-porter ici, donc il est logique de les faire travailler sur la fabrication et le suivi, elles font aussi de la broderie." L'enseignante appelle de ses vœux la mise en place d'un bac pro pour permettre aux élèves de poursuivre leur formation sans se risquer en Métropole. Un souhait partagé par les 24 jeunes femmes de la section… et l'unique garçon.
Fils de couturier, le jeune homme est parfaitement à l'aise au milieu des machines à coudre. Il tient à poursuivre en bac pro, jusqu'au BTS, une bonne occasion de partir dans l'Hexagone, mais pour mieux revenir ici installer son entreprise de couture. Ses camarades sont partagées entre le désir d'aller voir ailleurs et la certitude de mieux réussir en poursuivant leurs études sur Mayotte, mais toutes souhaitent poursuivre après le CAP et pour beaucoup travailler ensuite dans l'île.
Quelques salles plus loin, les 24 élèves de la section art du bijou dessinent, découpent et scient. Eux aussi présenteront leur travail en fin d'année en confectionnant des bijoux qui s'accorderont aux tenues des apprenties couturières. Dans l'atelier où ils passent deux journées de 8 heures par semaine, ils travaillent sur du maillechort et du laiton, des métaux similaires à l'argent et l'or. "Cette année nous leur apprenons à maîtriser les bases du métier : le découpage de motif, le perçage, la soudure… Ils apprennent à manier tous les outils, doivent être capables de reproduire une forme et maîtriser les différentes notions du bijou homme, femme et enfant. Pour l'instant nous travaillons sur des modèles plats, quand ils auront acquis de la maîtrise nous passerons au volume avec les bagues, les broches, etc."
Dessin d'art, dessin technique et histoire de l'art
Bijoutier de formation, leur enseignant M. Lardo estime qu'en fin de CAP les élèves auront le niveau pour travailler en atelier de bijouterie. Tortues, fleurs d'ylang, cartes de l'île, la classe travaille sur le thème de la nature, de Mayotte. "Les garçons sont plus appliqués, plus minutieux", constate leur professeur d'arts appliqués Mlle Delattre. "Les filles sont plus impatientes, elles attendent de passer à la création, de se confectionner leurs bijoux."
La création véritable, ce sera plutôt pour la deuxième année, mais les deux enseignants découvrent avec plaisir que nombreux sont les élèves qui ont un certain potentiel artistique. Quand ils ne sont pas en atelier, ils suivent des cours de dessin d'art, de dessin technique et d'histoire de l'art, en plus des cours d'enseignement général.
"La manière de travailler en Europe est différente de celle de Mayotte", explique M. Lardo, "les outils ne sont pas les mêmes. Ici il n'y a qu'un seul grand type de bijou, ils le verront durant leurs stages, moi je les ouvre à ce qui se fait ailleurs. C'est une bonne chose que les stages se déroulent en avril, ce sera l'approche de la saison des mariages, ils seront plongés dans une ambiance de travail."
Pour la deuxième année, la principale envisage de faire venir des intervenants pour travailler avec les jeunes des deux sections sur la recherche d'emploi et la création d'entreprise. S'il a lieu, le développement touristique de l'île devrait leur offrir un marché.
Hélène Ferkatadji
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