Le sénateur Saïd Omar Oili qui siège désormais avec les Socialistes au sein de la Chambre haute a tenu une conférence de presse, ce lundi 28 avril, pour donner son avis sur le projet de loi de programmation pour le développement de Mayotte. Le texte sera débattu au Sénat le 19 mai.
Transparence
Saïd Omar Oili demande plusieurs documents au gouvernement pour discuter du projet de loi. Le premier concerne « le rapport de mission inter inspection de l’état des lieux des dommages liés à Chido et les propositions pour la refondation. » Il souhaite aussi obtenir le bilan des reconduites à la frontière 2024, « alors que dans le texte on évoque qu’un bilan partiel de l’opération Place nette. Selon mes informations, le bilan est très inférieur aux années précédentes », souligne-t-il. Il demande également le bilan complet du contrat de convergence. Le sénateur dénonce le fait de n’avoir « reçu aucune réponse » à la suite de ses demandes tandis qu’il doit « donner son avis sur un texte qui va engager Mayotte pour les années à venir ».
Financements
Le texte est composé de deux parties, une première avec 34 articles qui « s’impose comme texte législatif » et une autre, qui est un rapport annexé. « Ce n’est pas normatif, mais c’est un texte d’intentions programmatiques sans portée juridique contraignante. Il n’aura une véritable portée que si les lois de finances suivent », considère le sénateur. Puisque pour l’instant, aucun financement n’est alloué à ces derniers, il craint que des projets d’aménagement ne soient pas mis en œuvre. Ses observations l’amènent à souligner qu’il faut « arrêter de raconter des histoires aux Mahorais et leur dire la vérité sur les textes qui les concernent directement ».
Lutte contre l’immigration clandestine
Alors que la suppression du titre de séjour territorialisé ne figure pas dans le projet de loi, le sénateur compte déposer un amendement en ce sens, il y a plusieurs mois il avait déposé une proposition de loi dans ce but. « Il y a unanimité de la classe politique ici pour le supprimer ». Pour qu’il soit adopté, il doit convaincre les sénateurs de la droite majoritaire au Sénat. Il dispose déjà du soutien de son groupe parlementaire Socialiste, Écologiste et Républicain, il s’agit du deuxième plus important en nombre de sénateurs « J’ai 62 sénateurs qui me suivent », clame-t-il. Tandis que la bataille pour l’adoption de l’amendement s’annonce périlleuse, le parlementaire demande « aux élus mahorais qui sont membres des Républicains ou de formations centristes d’intervenir auprès des groupes politiques au Sénat pour leur demander de soutenir cet amendement ».
Piste longue
Saïd Omar Oili ne lâche pas le morceau, il continue de mener bataille pour l’aménagement d’une piste convergente en Petite-Terre, il compte déposer un amendement en ce sens. Cela, malgré les déclarations du président de la République, le 21 avril, qui a affirmé qu’elle sera finalement aménagée à Bouyouni. « Je ne lâcherai pas ce combat car on nous raconte des histoires », insiste-t-il. Tandis que l’option de la piste longue en Petite-Terre est mise de côté à cause des risques de submersion marine et de nouvelles éruptions du volcan Fani Maore, Saïd Omar Oili a auditionné au Sénat des scientifiques du Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (Revosima). Ils ont expliqué que « la probabilité d’une nouvelle éruption est évaluée au minimum à 0,008 % sur les 100 ans à venir ». Un chiffre que reprend l’ancien maire de Dzaoudzi-Labattoir pour justifier la construction de la piste sur Petite-Terre. Interrogé pour savoir s’il ne continuait pas à s’entêter seul avec ce projet à la différence des autres parlementaires. « Je ne me sens pas seul dans cette affaire, répond-t-il, l’ensemble des élus du Département ont délibéré pour sa construction en Petite-Terre. Je trouve que je défends une cause juste, je ne dis pas ça parce que je suis Petit-Terrien. Nous avons besoin de cette infrastructure pour Mayotte pour développer ce territoire ».
Les expropriations
L’article pour faciliter les expropriations avait été retiré du projet de loi d’urgence pour Mayotte après l’opposition d’une majorité de députés en janvier. Une mesure semblable a été introduite dans le projet de loi de programmation pour le développement pour Mayotte, afin de faciliter les démarches de libération du foncier en vue de réaliser des projets d’aménagements jugés essentiels. « Sur ce sujet, tous les Mahorais sont contre », estime-t-il. Le but dissimulé de cet article selon lui est « d’exproprier les habitants à Bouyouni » pour construire la piste longue. S’ils refusent de quitter leur terrain, « demain, on fera porter le chapeau aux Mahorais de la non-réalisation de la piste longue », craint-il.
La Commission de l’Océan Indien
Le parlementaire a aussi abordé la question de la commission de l’Océan Indien (COI). Le 5e sommet de l’institution s’est tenu la semaine dernière, Emmanuel Macron a plaidé pour l’intégration de Mayotte en son sein, le président Azali Assoumani, lui, a exprimé son opposition. En revanche, un dialogue bilatéral entre la France et les Comores devrait s’ouvrir sur cette question. Le sénateur pense que ces déclarations ne font pas avancer l’intégration de Mayotte au sein de la COI. L’élu n’y croit pas. « Quand j’ai rencontré le président de la République au sujet de la loi Mayotte l’année dernière, je lui ai demandé « quelles sont vos relations avec Azali ? », il m’a répondu « excellentes, parce que nous sommes dans une zone de compétition, je ne veux pas perdre les Comores, si on les perd ce seront les Chinois ou les Russes qui vont venir », relate-t-il. Le sénateur pense donc que les positions d’Emmanuel Macron et d’Azali sur cette question au sommet de la COI sont juste « un coup de théâtre avec deux grands comédiens ». Surtout, Saïd Omar Oili juge que l’intégration de l’archipel à la COI ne résoudra pas tout. « Sur la coopération régionale, le problème principal, ce ne sont pas les actions diplomatiques mais les normes législatives françaises et européennes qui bloquent cette coopération. On ne peut pas importer du bois de Madagascar par exemple à cause des normes ».
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.