Les points à retenir de la visite d’Emmanuel Macron à Mayotte

En visite à Mayotte ce lundi, Emmanuel Macron s’est rendu au conseil départemental pour échanger avec les élus sur la loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Après s’être rendu au Centre Hospitalier de Mayotte (voir par ailleurs), le président de la République a profité de l’occasion pour revenir sur différents dossiers propres au territoire.

Titre de séjour territorialisé

Concernant le titre de séjour territorialisé, dont la fin est demandée de longue date par les Mahorais, Emmanuel Macron a reconnu qu’il s’agissait d’une « anomalie », après que les élus ont rappelé ce qui est considéré sur le territoire comme une injustice. Mayotte est en effet le seul département français appliquant la territorialisation du titre de séjour. « Je ne vais pas vous dire que c’est un dispositif fréquent dans la République », reconnaît le chef de l’Etat. Néanmoins, cette mesure n’est pas à l’ordre du jour dans la loi de programmation, et le président préfère mettre en avant les autres changements prévus, comme le retrait des visas aux parents d’enfants délinquants. « Le texte de loi va permettre de lutter plus efficacement contre l’immigration clandestine et les déclarations frauduleuses de paternité », précise-t-il. Annoncée, y compris par écrit, en 2024 à l’issue des barrages par Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur et des Outre-mer, et Marie Guévenoux, alors ministre déléguée aux Outre-mer, la fin du titre de séjour territorialisé est donc pour l’instant à mettre de côté. Questionné plus tôt à Tsingoni ce lundi, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, qui accompagnait le chef de l’Etat, a indiqué : “Je sais que c’est un sujet, mais pour le moment le ministre de l’intérieur ne bouge pas. Moi je parle franchement. On ne peut pas bouger”. En cause notamment la configuration de l’Assemblée nationale.

Les points à retenir de la visite d’Emmanuel Macron à Mayotte
Emmanuel Macron échange avec un habitant de Tsingoni ce lundi.

Piste longue en Grande-Terre

Alors que les élus mahorais se sont mis d’accord le 17 avril pour demander à ce que la piste longue soit construite en Petite-Terre, conformément à la promesse effectuée par le président en 2019, Emmanuel Macron est revenu sur cette promesse et a reconnu “un échec”. « Si je veux faire plaisir à la majorité, je peux réitérer cette promesse. Mais ce n’est pas l’idée que je me fais de la sincérité et de la responsabilité qui est la mienne », déclare-t-il, avant d’affirmer que la seule façon de faire une piste longue à Mayotte est de la faire sur Grande-Terre. Pour expliquer cette décision, il est revenu sur le risque de submersion à Pamandzi, et sur le fait qu’un projet là-bas impliquerait une fermeture de l’aéroport pendant un an et demi. La parole d’un président ne suffit pas si tous les rapports disent que c’est une bêtise, que ça coûte des milliards, que c’est dangereux, qu’il y a un risque de submersion et qu’à la fin on ne fait rien”, développe Emmanuel Macron auprès de la presse locale. Devant les élus, il indique qu’il souhaite qu’un plan de revitalisation économique de Petite-Terre soit soumis “dans les mois qui viennent” et que les travaux à Bouyouni-M’tsangamouji puissent commencer avant la fin de son mandat, s’alignant sur la demande en préambule du président du conseil départemental, Ben Issa Ousseni : “Notre souhait serait aussi que vous posiez la première pierre de la piste longue avant la fin de votre mandat”. Une issue qui n’a pas plu au Collectif citoyen Mayotte 2018, venu manifester après la réunion au conseil départemental, après avoir milité activement ces dernières semaines pour une piste convergente à Pamandzi.

Convergence sociale

Alors que de nombreux reproches ont été faits à l’encontre de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte sur l’absence de calendrier clair à propos de la convergence, prévue pour 2031, le président de la République a souhaité en clarifier les premières étapes. “Dès 2026, il y aura des éléments de convergence avec le déploiement de la protection universelle maladie, l’automatisation du déploiement de la complémentaire santé solidaire pour certains publics”, annonce Emmanuel Macron au conseil départemental. Le chef de l’Etat a affirmé que les travaux devaient se mettre en place rapidement pour que tout ce qui puisse converger au 1er janvier 2026 le fasse, puis “qu’on aille au plus vite possible pour que tout soit parachevé à horizon 2031”.

Les points à retenir de la visite d’Emmanuel Macron à Mayotte
Les membres du Collectif citoyen de Mayotte 2018 ont manifesté leur colère après que le président de la République a affirmé que la piste longue ne se ferait pas à Pamandzi.

Opération “Uhura wa shaba

Interpellé par l’ensemble des élus sur la problématique de l’immigration clandestine, le président a acté que l’immigration avait changé ces dernières années, davantage en provenance de la région des Grands Lacs. “C’est pourquoi nous lançons maintenant une opération qui sera dénommée « Uhura wa shaba », donc mur de fer”, annonce Emmanuel Macron qui est monté à bord d’un intercepteur durant sa visite (voir par ailleurs). En 2024, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, avait déjà prévu de déployer un rideau de fer maritime, pour barrer la route aux kwassas. Similaire, cette opération qui revêt cette fois un nom mahorais, va consister a davantage anticiper les arrivées, en agissant dès la Tanzanie, d’où partent les barges, en misant davantage sur les renseignements, de nouveaux radars et intercepteurs, afin “d’arriver véritablement aux 35.000 retours”.

Des “éléments structurels” pour l’eau

Le président de la République a été interpellé sur la question de l’eau, autant pendant sa déambulation à Tsingoni (voir par ailleurs) que pendant la réunion au conseil départemental. “Le sujet de l’accès à l’eau est grave. Les Mahorais souffrent énormément du manque d’eau”, a martelé la députée de la 2e circonscription de Mayotte, Anchya Bamana (Rassemblement National, RN). Si la situation s’est stabilisée depuis le cyclone qui a endommagé différents sites de traitement et de distribution, les tours d’eau restent plus lourds qu’avant Chido : 36 heures de coupure sur une plage de 72 heures, contre 30 heures de coupure avant. Emmanuel Macron a rappelé que des “éléments structurels” étaient programmés, avec une échéance à fin 2026 pour l’usine de dessalement d’Ironi Bé, et une échéance à 2030-2031 pour la troisième retenue collinaire de l’Ourovéni. En attendant, il a confirmé qu’au niveau des remplissages actuels, la situation était “meilleure que ce qu’on avait connu il y a deux ans”.

La place de Mayotte dans la région

Alors qu’il s’apprête à présider le cinquième sommet de la Commission de l’Océan Indien (COI) à Antananarivo (Madagascar) le 24 avril, Emmanuel Macron a assuré qu’il allait plaider pour que Mayotte puisse bénéficier des programmes de la COI en termes de sécurité alimentaire et coopération régionale, un plaidoyer “légitime” au regard du fait que la France finance 40% de ces programmes. “Je veux qu’on soit pleinement respecté. Il y a plusieurs années, on avait déjà pris cet engagement avec le président Azali que dans les programmes, progressivement, était intégrée Mayotte. Ça n’a pas été une réalité. On ne peut pas laisser s’installer cette situation. On a envie que Mayotte puisse bénéficier des programmes qu’on contribue à financer, c’est normal”, développe le chef de l’Etat auprès de la presse locale. Il a également insisté sur les infrastructures, comme le port, qui peuvent jouer un véritable rôle pour renforcer la place de Mayotte dans la région du canal du Mozambique “en train de se développer” avec des “perspectives en termes d’hydrocarbures qui sont inédites”. Il soutient le projet de faire de Mayotte un “hub logistique” et médical qui aura l’avantage de proposer des pratiques aux meilleurs standards internationaux. “Nous sommes en train de travailler avec nos plus grands groupes, je pense à Total Energies”, ajoute-t-il. L’idée de faire de Mayotte une base arrière de Total pour le personnel de ses exploitations de gaz au Mozambique n’est pas nouvelle, mais stagne depuis les attentats djihadiste au Nord du pays en 2021 qui ont entrainé la suspension du projet gazier.

Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes

À la Une