Au lendemain de Chido, les agriculteurs ont découvert avec effroi les ravages causés sur leurs exploitations. Ange Dusom, président du syndicat des Jeunes Agriculteurs (JA) Outre-mer, fait le point sur la réponse de l’État qui tarde à venir et sur les besoins du secteur.
Flash Infos : Les exploitations agricoles ont été ravagées durant le cyclone Chido, le 14 décembre dernier. Est-ce-que votre syndicat des Jeunes Agriculteurs (JA) a pu dresser un bilan des pertes ?
Ange Dusom : Le cyclone n’a épargné aucune culture. J’ai été dans la commune de Dembéni, chez Corinne Avice, tous les régimes de bananes étaient au sol. Plus une culture est haute, plus elle a été impactée. Donc ce qui a été le plus épargné ce sont les cultures relativement basses ou celles qui étaient à un stade de production relativement bas. Le manioc, les boutures sont cassés, mais les racines sont restées, donc on peut peut-être les récupérer. Il aurait fallu néanmoins avoir dans l’urgence l’importation de certaines boutures pour replanter assez rapidement.
F. I. : Est-ce qu’on sait déjà si la tempête tropicale Dikeledi a aggravé la situation ?
A. D. : Pour l’instant, c’est compliqué de faire un bilan. On sait déjà que des agriculteurs ont perdu leurs animaux avec des glissements de terrain. Avec les toits abîmés, l’eau a pu rentrer et les animaux ont été plus exposés. Il y a eu des morts aussi bien chez les petits animaux que chez les bovins.
F. I. : Quelle aide ont reçu les agriculteurs concrètement pour l’instant ?
A. D. : Pour l’instant, concrètement, le seul matériel que les agriculteurs ont reçu est du matériel qui a permis de déblayer les pistes. C’est du matériel que le syndicat a négocié avec le syndicat JA-FNSEA. Cent tronçonneuses ont été mises à disposition des groupements, à des agents du conseil départemental et à des sapeurs pompiers pour déblayer les pistes. Ce n’est pas une aide de l’État, je le précise. En effet les tronçonneuses étaient un besoin d’urgence, car on ne pouvait pas avoir accès aux exploitations. Depuis, au moment où je vous parle, jusqu’à aujourd’hui, les agriculteurs n’ont pas reçu une aide liée au cyclone Chido. Pour l’instant ce ne sont que des réunions et des réunions. Le bilan économique global n’a pas encore été fait un mois après. C’est à la Chambre d’Agriculture de le faire.
F. I. : Quelles sont les priorités actuellement selon votre syndicat ?
A. D. : Les agriculteurs n’attendent pas pour rebâtir, ils le font déjà avec les moyens du bord. Ce qui est urgent est que les aides qui étaient déjà dues avant Chido soient payées. Ce sont des aides, qui certaines devaient être payées l’année dernière, qui ne sont toujours pas payées. Ça devrait être la première chose à faire. Les infrastructures, il faut les retaper, or il n’y a pas assez de matériel sur le territoire. Il nous faut donc des bâches pour les serres et les bâtiments.
F. I. : Est-ce que selon vous, le projet de loi d’urgence pour Mayotte apporte une réponse satisfaisante aux problématiques des agriculteurs ?
A. D. : J’ai lu les vingt-deux articles du projet de loi d’urgence pour Mayotte. Sur ces vingt-deux articles, il n’y a pas grand chose pour le monde agricole, pour ne pas dire rien. Maintenant, c’est à la Chambre d’agriculture, au conseil départemental, aux organismes professionnels de faire des amendements pour les envoyer aux parlementaires.
F. I. : Dans quel état d’esprit sont les agriculteurs aujourd’hui, un mois après le passage du cyclone ?
A. D. : Pour certains, ce qu’ils ont mis quinze ans à construire est tombé au sol en seulement quelques heures. Ça casse le moral, c’est sûr, surtout pour ceux qui venaient de finir de payer leur emprunt et qui avaient des salariés. Il y a eu le choc de perdre son outil de travail. Comment repartir ? Après l’état de choc, il y a eu l’impatience face aux réponses de l’État, qu’on attend encore aujourd’hui.
Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.