Abdul-Karim Ben Saïd, directeur du musée de Mayotte, témoigne des dégâts subis par les monuments historiques après le passage du cyclone Chido et de la tempête tropicale Dikeledi.
Flash Infos : Le cyclone Chido, puis la tempête tropicale Dikeledi, ont frappé Mayotte en moins d’un mois. Quel est l’état actuel du musée et des infrastructures qui l’entourent ?
Abdul-Karim Ben Saïd : Sur la question des infrastructures, il y a deux choses à évoquer. Deux bâtiments classés monuments historiques sont mobilisés pour le projet musée, l’ancienne caserne de Dzaoudzi et la résidence des gouverneurs. Ensuite, deux bâtis nous accueillent administrativement et accueillent nos conservations. Les deux monuments historiques ont perdu leurs toits comme bon nombre à Mayotte. Il s’agit de bâtiments anciens qui n’étaient sans doute pas conçus pour affronter ces deux tempêtes. La perte de ces toits fragilise les deux bâtiments qui sont anciens, l’un datant de 1844 pour la résidence des gouverneurs et l’autre de 1845 pour l’ancienne caserne.
FI. : Le bâtiment principal a été fragilisé par les tremblements de terre liés au volcan Fani Maoré il y a plusieurs années. L’a-t-il été davantage après le cyclone
A.-K. B. S. : Les bâtiments n’étaient pas construits pour recevoir autant d’intempéries. Il y a fort à parier qu’il y a des effets, mais je ne saurais dire à quel point. Une expertise, qui se fera prochainement, nous dira ce qu’il en est de la caserne et de la résidence des gouverneurs à Dzaoudzi. Pour la caserne, des travaux de mise aux normes devaient commencer ce mois de janvier, pour rouvrir d’ici un an. Mais suite au cyclone Chido, on doit attendre une expertise. Le toit, qui n’était pas concerné par les travaux, s’est envolé. Le bâtiment est soumis à la pluie. Ce sont des bâtiments faits de chaux. Nous sommes donc en train de le couvrir d’une bâche. Malheureusement, la bâche n’a pas tenu lors de Dikeledi. L’entreprise choisie pour couvrir les monuments de bâche travaille encore là-dessus, au moins pour éviter que les bâtiments historiques ne soient exposés à l’eau. En attendant une expertise qui doit arriver la semaine prochaine, eux aussi sont bloqués à La Réunion du fait du contexte actuel. Ce n’est qu’à partir de cette expertise que nous saurons comment prendre en compte ces éléments nouveaux.
F.I. : Comment ces bâtiments ont pu tenir face à ces deux tempêtes cycloniques ?
A.-K. B. S. : Disons que ce sont des bâtiments “costauds” parce qu’ils ont pu résister à deux phénomènes auxquels ils n’étaient pas du tout habitués. Je pense qu’ils ont plutôt bien résisté. Maintenant, il faudrait ne pas laisser ces bâtiments à découvert
F.I. : Y a-t-il des parties du patrimoine culturel qui sont définitivement perdues ?
A.-K. B. S. : Pour le patrimoine du musée, le lendemain de la tempête Chido, j’étais à Dzaoudzi pour constater l’état des collections. Tout de suite, nous avons enclenché une opération de sauvetage de ces dernières. Une partie était dans l’eau, pas entièrement, mais en partie. Nous avons donc effectué une opération de mise hors d’eau. Il reste deux opérations pour finaliser l’ensemble du sauvetage. Mais 98% du patrimoine qui était sous l’eau s’en est sorti. Dans la caserne, une partie de notre réserve a été victime de Chido. Sauvées et transportées dans nos bureaux. Aujourd’hui, tous nos bureaux sont transformés en réserves. On n’a plus de bureaux aujourd’hui. C’est ce choix qu’on a effectué pour sauver nos collections. Actuellement, nous avons aussi le Bouclier Bleu, une association qui notifie les dégâts et qui aide les collectivités à sauver leur patrimoine. Ils sont venus nous prêter main-forte pour la mise hors d’eau. Nous procédons maintenant à la phase de sauvegarde.
F.I. : Est-ce que des fonds spécifiques vont être débloqués pour soutenir la reconstruction du musée et protéger son patrimoine ?
A.-K. B. S. : Il n’y a pas de fonds particuliers qui ont été débloqués. Des missions de l’UNICEF vont aussi venir observer l’état du bâtiment et peut-être nous aider. Je l’espère en tout cas. En tout état de cause, il y a déjà une convention qui existe entre nous et l’État. J’espère aussi que la Fondation de France pourra nous soutenir. Mais pour l’instant, on sait qu’ils ont récolté 34 millions d’euros. Je ne sais pas non plus comment le département va répartir ces aides. Mais j’ose espérer qu’on puisse nous aider à restaurer la résidence des gouverneurs, par exemple. Mais j’attends que le département se positionne. J’en ai fait la demande, mais on verra bien par rapport aussi aux urgences du territoire.
F.I. : Au vu de ce que vous observez, pensez-vous qu’une date de réouverture du musée soit envisageable ?
A.-K. B. S. : Je ne serais pas en mesure de le dire parce que ça dépend du maître d’œuvre. À l’issue des expertises, il y aura sans doute des observations. Une mise aux normes est déjà en cours, mais avec l’absence de toit, le chantier doit être totalement ré-évalué. Aujourd’hui, on ne peut plus construire sans prendre en compte les normes anticycloniques et antisismiques. On a connu Feliksa en 1995, Chido va nous pousser à penser autrement.
Propos recueillis par Nadhuir Mohamady
Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.