Cyclone Chido : dans le nord de Mayotte, la sensation d’être délaissés

Le nord de Mayotte porte les stigmates du passage de Chido, qui a ravagé l’archipel, le samedi 14 décembre. Six jours après, le moral est touché, alors que l’eau, la nourriture, l’électricité et le réseau de téléphonie manquent toujours.
« On est les plus touchés et on s’occupera de nous en dernier », regrette Zouhourya Mouayad Ben. Devant dormir sur la terrasse de sa voisine, la quatrième vice-présidente du conseil départemental de Mayotte, sillonne de long en large son canton de M’tsamboro depuis le passage du cyclone Chido, le 14 décembre, pour y connaître les besoins. Et ils sont nombreux dans cette partie de Grande-Terre d’autant plus isolée du reste que les communications y sont quasiment impossibles, ces six derniers jours. Sur les hauteurs, quelques abonnés Orange y captent des brides de réseau. Comme le reste de Mayotte, on y trouve un paysage désolé, une végétation autrefois luxuriante comme passée à la tondeuse, des toits en tôles jetés par terre par la force du vent. Parmi les communes de ce secteur, Acoua et Bandraboua présentent les plus gros dégâts. Le lycée du Nord, par exemple, dans le village de M’tsangadoua, a plusieurs de ses bâtiments éventrés, des morceaux de bois jonchent le sol. Les sapeurs-pompiers de Paris s’activent pour reboucher les toits, non pas pour la rentrée, mais pour accueillir des militaires. Ce sont les seuls, avec l’équipe qui déblaye le chemin vers la station de pompage de M’tsangamouji, que nous verrons, ce vendredi.
Car le sentiment qui prédomine de ce côté-ci de Grande-Terre, c’est l’abandon. « Il n’y a pas assez de nourriture », s’inquiète la vice-présidente du Département, qui a été un peu rassurée d’apprendre qu’une citerne d’eau potable a été apportée dans le centre du village d’Acoua. Tous les habitants croisés disent craindre d’arriver au bout de leurs provisions, quand une partie a déjà dû être jetée faute de réfrigérateur alimenté en électricité. Ahamadi Boura, qui tient un commerce et un restaurant à Handréma, montre des rayons vides dans l’un et les dégâts dans le deuxième. Du fait du manque s’informations et d’essence (la station-service de Dzoumogné était ouverte ce vendredi), les habitants du Nord ne savent s’il faut prendre la route pour faire leurs courses.
Pour ceux qui n’arrivent pas avoir de leurs proches dans le Nord, le mot d’ordre est d’aller au Coco Beach. Le restaurant d’Hamjago fait, en effet, fonctionner son groupe électrogène plusieurs fois par jour, et dispose de deux antennes Starlink pour une connexion Internet par satellite. 500 connexions sont assurées ainsi chaque jour. Un tableau sert même d’avis de recherche pour les familles inquiètes. « On a vu personne. Il n’y a pas assez de gendarmes, pas de pompiers. Heureusement qu’on a de la cohésion », fait remarquer Ronan Michanoud, l’un des cogérants et professeur d’EPS au lycée de Dzoumogné.

L’eau des rivières et des puits

Plus au sud, la commune de Tsingoni vit elle aussi l’isolement. Les habitants sans eau trouvent la parade en se rendant à la rivière Soulou, faisant remonter des souvenirs d’autrefois aux plus anciens. Alors que pour d’autres, c’est une vraie nouveauté. « C’est la première fois que je fais ça », concède Ilias, devant sa compagne Nathalie. Les jeunes époux nettoient leurs vêtements directement dans la rivière, les deux pieds dans l’eau. Bacari Soulaimana, 54 ans, a décidé lui aussi d’aller à la rivière pour y remplir des bidons. Comme beaucoup d’habitants de ce qui est considéré comme le grenier mahorais, il cultive son champ et possède quelques bœufs (une partie sont morts pendant le cyclone). « Il ne reste rien. Heureusement que j’y ai mis une voiture rouge, sinon, on ne pourrait même pas distinguer mon terrain de celui du voisin », explique le cinquantenaire. Dans d’autres communes, le problème de l’eau se règle avec les puits, c’est le cas dans le centre de M’Tsangamouji ou à Handréma. Dans ce dernier, la pompe du puits de la mosquée fonctionne à plein régime. Particulièrement touché, ce village a vu beaucoup de toits en tôles tombés ou des vieilles maisons SIM en briques s’écrouler en partie.
Sur la route de Mamoudzou, il y a un autre village qui partage ce sentiment d’abandon, c’est Vahibé. La partie la plus excentrée du chef-lieu n’a vu personne, même dans l’école primaire Vahibé 2 qui servait d’hébergement d’urgence et qui a été ravagée par le cyclone. Livrés à eux-mêmes, les réfugiés ont donc entrepris de retourner dans les bidonvilles où les cases sont réapparues, ces derniers jours. « Les gens ont peur. Des portes ont été forcées par des délinquants. Ils n’ont ni à manger ni à boire », raconte Bounyamine. Le lycéen de 17 ans a lui aussi rejoint le bidonville avec sa famille. Il vient rendre visite à ses amis restés à l’école. Ce sera l’un des seuls à le faire ce jour-là.

Peu de morts selon les habitants

Avec moins d’habitat précaire par rapport aux communes plus peuplées, les villages du nord comptent peu de décès, racontent ses habitants. Tout le monde a en tête la mort d’une fillette à Bouyouni. Pour Zouhourya Mouayad Ben, il y a eu deux morts dans le village d’Acoua. À Hamjago, l’un des gardiens de la mosquée confirme qu’il n’y a pas eu de cérémonie d’enterrement depuis deux semaines. Même à Vahibé, les habitants du bidonville disent qu’il n’y a pas eu de morts à leur connaissance.

Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.

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