Au dispensaire de Kahani, on soigne les patients dans le noir

Ce n’est que quatre jours après le passage du cyclone Chido que le personnel du dispensaire de Kahani, à Ouangani, ont enfin pu accéder à des groupes électrogènes. L’établissement subit également des coupures d’eau et des pénuries de médicaments.  

“Le soir, on s’occupe des patients avec les frontales pendant deux heures, puis on doit coincer des lampes de poches entre notre cou et notre épaule pour continuer quand elles n’ont plus de batterie”. Cette scène ubuesque, c’est une infirmière du dispensaire de Kahani qui nous la décrit, ce vendredi matin. Là-bas, le générateur de secours est tombé en panne le jour du cyclone, samedi dernier. “On chargeait les lampes frontales avec les ordinateurs portables qui avaient encore de la batterie”, décrit Sarah*, une autre infirmière de l’établissement de santé situé dans la commune de Ouangani. Ce n’est que mercredi, soit quatre jours après le passage de Chido, que deux petits groupes électrogènes ont été amenés. Si cela a pu permettre de brancher des lampes et des appareils médicaux, ce n’est pas suffisant pour les besoins de l’établissement, qui a mis en place des cycles d’alimentation en attendant que le véritable générateur adapté soit fini d’installer.  

Le dispensaire n’est pas non plus alimenté continuellement en eau, subissant de nombreuses coupures. Les soignants s’en sont résolus à récupérer de l’eau de pluie, et font des réserves dès qu’elle revient un peu au robinet. Pendant ce temps, la citerne d’eau potable fuit depuis la tempête. Un médecin a même tenté de la reboucher avec un fruit à pain, illustration du manque profond de moyens dont le dispensaire dispose.  

“30 secondes d’autonomie” 

Côté communication, le personnel n’a pu véritablement établir le contact avec le Centre Hospitalier de Mayotte que mardi soir, ne possédant qu’un téléphone satellite avec “30 secondes d’autonomie”, nous indique-t-on. Ce vendredi matin, les membres du personnel ayant du réseau avec Orange s’occupent de faire le lien. “La police municipale n’est toujours pas venue nous voir”, indique Adrien Cussac, médecin chef du dispensaire, ce vendredi matin.  

Un véritable isolement ressenti par l’ensemble de l’équipe, dont la plupart travaille chaque jour depuis le passage du cyclone. Ce jour-là, la permanence de soin transformée en accueil d’urgence a immédiatement été inondée au moment de la tempête. “Le premier patient arrivé était un père qui s’est profondément blessé au pied en allant chercher ses enfants. Il s’est effondré devant nous. À peine pris en charge, il est reparti à la recherche de ses enfants”, raconte le médecin chef, présent chaque jour à son poste depuis la catastrophe. “Nous n’avons pas eu de mort ici. Nous avons pu assurer la médecine aiguë. Désormais, la médecine classique reprend, mais nous avons beaucoup de personnes qui se blessent en reconstruisant leur case avec les tôles ou les clous”, ajoute celui qui a réorganisé le service en suivant les protocoles de gestion de flux de Médecins Sans Frontière. Pour l’heure, il n’y a pas de cadre administratif pour l’épauler et le dispensaire n’a pas assez de médicaments pour tout le monde, notamment d’antibiotiques.  

Une cellule de crise le jeudi avant Chido

Adrien Cussac affirme que c’est grâce à une cellule de crise organisée par des urgentistes le jeudi pendant la nuit, avant le cyclone, qui permet encore au dispensaire de tourner. “Du matériel, des médicaments, un urgentiste et un réanimateur ont été envoyés dans chaque dispensaire la veille du cyclone”, indique celui qui attend une première livraison de médicaments depuis le passage de Chido ce vendredi. Le stockage de pharmacie générale à Longoni ayant subi des dégâts, ils n’ont pas pu être ravitaillés avant. 

Si le flux n’est pas si important que cela au dispensaire, les conditions actuelles de travail rendent la mission du personnel extrêmement difficile. Certains patients ont dû être renvoyés à domicile, faute de matériel, même si un suivi reste assuré.  

Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.

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