L’opération de décasage du quartier informel de Mavadzani, à Majicavo-Koropa, dans la commune de Koungou, a commencé le lundi 2 décembre. Une semaine et demie après, plus une case ne tient debout. Reportage.
Le vide a remplacé ce qui était encore une ruelle de tôles bruyante, il y a deux semaines. Les maisons de fortunes ont laissé place à de la terre tassée, dans laquelle on devine les débris de la vie quotidienne de celles et ceux qui y demeuraient. Les bulldozers, dont on perçoit encore les empreintes ce mercredi, sont venus à bout des 468 cases informelles de Mavadzani, cible de l’opération de décasage lancée le 2 décembre à Majicavo-Koropa, dans la commune de Koungou. Si ce jour-là, le ballet des pelleteuses rythmé par le bruit de la ferraille était soigneusement encadré par les gendarmes, les forces de l’ordre ont déserté le site une semaine et demie après, comme tout le reste. « On a vu les derniers camions avant-hier », nous lance un homme, sur les hauteurs du bidonville désossé, en train de ramener du fourrage qu’il vient de ramasser pour les animaux. La préfecture confirme que toutes les cases numérotées ont été détruites : « On est désormais sur la remise en état du site ».
En contrebas, à Massimoni, aux abords des cases modulaires blanches où ont été relogés une partie des habitants, c’est le calme aussi. Seuls quelques riverains viennent laver leur linge et faire leur toilette devant la résidence. Séparé par la grille de l’enceinte, un groupe de femmes discute. L’une d’elles, Asma, habite depuis le début des démolitions dans un des studios inaugurés en octobre dernier avec sa sœur. « C’est un peu petit, mais ça va, on est bien ici », décrit celle qui vivait dans le quartier informel depuis 2015. Peu loquace, elle nous rattrape néanmoins pour nous indiquer que la chaleur dans les logements est difficilement supportable. « On n’a pas de climatisation ou de ventilateur. La nuit, on doit ouvrir les fenêtres, mais du coup il y a beaucoup de moustiques. » En échange d’un petit loyer, entre 50 et 150 euros, une vingtaine de personnes ont été relogés ici, comme Asma, pour une période d’au moins dix-huit mois. Sur les 156 familles auxquelles une proposition d’hébergement a été faite par les services de l’État, 52 ont été relogées à ce jour.
« Je veux rester à Majicavo »
Kalix, que nous avions rencontré peu avant le début de l’opération, a perdu sa maison, tout comme sa mère, qui vivait dans celle attenante. Cette dernière a été relogée à Massimoni. Mais lui, sa femme et leur bébé n’ont pas eu de place dans la résidence. « On m’a proposé un hébergement à Handréma (N.D.L.R. commune de Bandraboua). Mais je ne pouvais pas y amener toutes mes affaires, et je veux rester à Majicavo pour les formations », explique celui qui nous confiait rêver de devenir graphiste. Alors, il reste vivre dans le nouveau logement de sa mère avec sa famille et son bébé, tandis que sa femme est hébergée par une cousine à Kawéni, à Mamoudzou. « Je me sens bizarre. C’est dur de voir mon fils triste sans sa maman », dit-il, regrettant que son foyer doive vivre séparé pour le moment.
Certains anciens résidents de Mavadzani ont accepté de partir vers d’autres villages. « Ma voisine est partie à Tsingoni, et j’en connais un qui est allé à Dzoumogné », liste Asma, qui nous confie aussi que certains n’ont pas accepté la proposition de relogement faite par la préfecture, sans pour autant savoir où ils sont partis. Kalix, lui, a des anciens voisins partis pour M’tsamboro : « ils ne sont pas très bien, car c’est loin d’ici. Mais ils n’ont pas le choix ».
Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.