Le quartier de Mavadzani commence à disparaître sous les pelleteuses

Prévu depuis plusieurs mois, le décasage de Mavadzani, sur les hauteurs de Majicavo-Koropa, dans la commune de Koungou, a commencé ce lundi 2 décembre. Les démolitions de ce quartier informel qui vont durer entre deux et quatre semaines se sont passées dans le calme ce premier jour.

Les pelleteuses s’activent ce lundi matin sur les hauteurs de Mavadzani. Le décasage de ce quartier informel du village de Majicavo-Koropa, dans la commune de Koungou, a commencé vers 8 h. Il y a un an, en novembre 2023, ce sont 466 cases qui ont été numérotées, indiquant qu’elles allaient être détruites. « Nous avons mené des enquêtes sociales auprès de 236 familles », relate Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l’habitat insalubre à la préfecture de Mayotte, présente pour le début de l’opération. Une solution de relogement a été proposée à 156 d’entre elles. Si 33 foyers avaient déjà accepté l’hébergement proposé ce lundi en début de matinée, ils étaient 46 après le passage de 13 d’entre eux à la permanence sociale, installée à proximité du quartier depuis mercredi dernier. « Cela fait environ un tiers de personnes qui ont accepté, ce qui est supérieur à d’habitude, donc tant mieux », commente celle qui travaille sur l’ensemble des dossiers de ce type. Une satisfaction pour le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, également sur place ce lundi. « L’objectif premier est de lutter contre l’habitat indigne », appuie-t-il, rappelant que ce sont généralement « les personnes les plus vulnérables qui en souffrent, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les mineurs isolés ». Cette opération permet donc selon lui « de les mettre à l’abri ».

Lutter contre la « violence des bangas »

François-Xavier Bieuville voit également dans ce décasage une façon de lutter contre l’insécurité. Il décrit le quartier de Mavadzani comme « une poche d’insécurité comme un certain nombre de quartiers à Koungou ». Une situation qui génère « un certain nombre d’exactions. On a ce que j’appelle la violence des bangas, des personnes qui descendent sur la route, qui font un barrage, qui volent des téléphones ».

Ce lundi matin, au premier jour de la démolition, un calme étonnant règne sur le site, seuls les sons de tractopelles se font entendre. Une ambiance très différente de celle de précédents décasages, en particulier celui de Carobolé en septembre 2021, durant lequel la mairie de Koungou avait été incendiée. Là, à Mavadzani, presque tous les habitants ont quitté leurs lieux de vie. Un calme permis grâce au renfort de deux escadrons de gendarmes mobiles, soit 144 militaires de plus. « Ils ont procédé à la sécurisation de la zone », explique Lucien Barth, commandant de la gendarmerie de Mayotte, venu sur le terrain ce lundi. « Au cours des dernières semaines, nous avons conduit beaucoup d’actions de sécurisation afin de prévenir toutes les actions d’exactions, de freinage de cette opération ou de vengeance de la part de délinquants qui voudraient éviter qu’elle ait lieu. » Les forces de l’ordre seront présentes 24h/24h jusqu’à la fin du décasage pour assurer leur mission. Les pouvoirs publics expliquent également ce bon déroulement par l’amélioration de la situation sécuritaire sur le territoire au cours des derniers mois. « Cela fait pratiquement neuf mois que je suis ici et Mayotte avance, l’île s’est apaisée sur le plan de la sécurité, on note une baisse de la délinquance générale. Nous avons encore des faits spectaculaires mais ils sont moins nombreux », se félicite François-Xavier Bieuville.

« C’est très compliqué d’aller habiter en Petite-Terre »

En descendant à travers le quartier, les mains sont nombreuses pour désosser les cases de fortune et dégager les morceaux de tôles. Le long du chemin escarpé, les habitations que l’on pouvait encore observer debout la veille ne sont plus que des tas de décombres, dans lesquels on devine plusieurs objets du quotidien, tels que des cartables, des chaussures, ou encore des ustensiles de cuisine. Des poules laissées derrière courent sur les restes des maisons de leurs anciens propriétaires. Après une marche rythmée par les signaux sonores des camions de chantier, les services de l’État arrivent aux logements d’urgence récemment inaugurés à Massimoni, en aval du bidonville. Là, une vingtaine de personnes ayant perdu définitivement leurs cases lundi matin ont trouvé un nouveau toit, pour au moins dix-huit mois, en échange d’un loyer allant de 50 à 150 euros par mois. « On a proposé cette solution à des personnes solvables », précise Psylvia Dewas, ajoutant que des hébergements gratuits mais pour des périodes plus courtes ont été proposés à d’autres. Le préfet a souhaité se rendre auprès des nouveaux locataires pour savoir comment se passaient leurs installations. « Nous n’avons pas l’électricité », se plaint l’un d’eux. Cette dernière a en effet dû être coupée pendant les travaux de démolition. Kalix, qui récupérait les clefs de son nouveau logement provisoire vendredi dernier, a commencé à installer ses affaires. « Pour l’instant, ça se passe bien », confie-t-il avant de se rendre à la permanence sociale pour finaliser ses démarches.

C’est là-bas que se rend ensuite le personnel de la préfecture présent ce lundi. Nous y rencontrons Nourdati Ahamadi, une habitante en difficulté face à la proposition de logement qui lui a été faite. « On m’a attribué une habitation en Petite-Terre ; mais c’est très loin pour mes enfants. J’en ai six, un est scolarisé au lycée de Mamoudzou Nord, un autre au collège de Majicavo et les autres sont à l’école de Koropa 3. C’est très compliqué d’aller habiter à Petite-Terre. » Par ailleurs, cette mère de famille sans emploi affirme devoir payer 200 euros de loyer, « pour moi c’est très difficile, car je suis célibataire, ce prix est très cher au vu de ma situation ».

Partir construire ailleurs

Certains habitants en situation régulière ont donc décidé de partir construire ailleurs, comme ceux en situation irrégulière, qui n’ont pas d’autres choix. Vendredi, ils étaient ainsi plusieurs à commencer à démolir leur maison de leurs propres mains, pour ne pas perdre la tôle et le bois sous les coups des engins de chantier. Pour éviter qu’un autre bidonville s’installe ailleurs, le préfet entend avoir recours aux opérations de flagrance. Lorsque la construction d’une nouvelle case de fortune est constatée, les forces de l’ordre ont 96 heures pour intervenir et la détruire, sans avoir à passer par les démarches prévues par la loi Elan.

Dans le cas de Mavadzani, la Ville de Koungou a acquis les treize hectares du site en recourant à la déclaration d’utilité publique (DUP) Vivien, qui permet d’exproprier les propriétaires pour raisons sanitaires. Cette loi a ainsi pour but de responsabiliser les propriétaires de terrains insalubres, notamment en retirant des indemnités qui leur sont versées le coût de la remise en état du site. La Ville de Koungou, une fois le foncier maîtrisé grâce à cette DUP, a pu demander à la préfecture d’enclencher la loi Elan pour procéder au décasage.

Les démolitions devraient être terminées au plus tard pendant les vacances de Noël, selon les prévisions des services de l’État. Vers lundi midi, une centaine de cases avaient déjà été détruites. Le terrain vierge doit à l’avenir servir à la construction de logements, projet piloté par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Si aucune date ne peut encore être donnée concernant la pose de la première pierre du chantier, la préfecture assure que les procédures iront vite, le foncier étant déjà maîtrisé. Pour convaincre de leur volonté de construire, les membres de la préfecture se sont ensuite rendus à la cérémonie du premier coup de pelle de Carobolé, à Koungou (voir par ailleurs), où plus de trois ans après le décasage, les travaux commencent.

Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.

Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.

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