Comores : Baisse de salaires controversée à la télévision nationale

Le service juridique soutient une décision qui veut rétablir l’égalité dans le traitement des salaires, pendant que le syndicat national des journalistes comoriens, dénonce une mesure inacceptable rappelant que la situation salariale au sein de la télévision nationale était déjà précaire.

Trois mois après sa prise de fonction, le nouveau directeur général de l’Office de radio et télévision des Comores (ORTC), Hablani Assoumani, partisan du parti au pouvoir, fait déjà parler en raison de ses décisions qui ne font pas l’unanimité parfois. Après la suspension d’une trentaine d’agents recrutés en 2022, il s’attaque aux salaires. Des responsables de la télévision nationale que nous avons interrogés, à l’instar du conseiller juridique de la direction refuse l’emploi du terme de « ponction ». Cette mesure vise d’après lui, à fixer tout simplement de façon équitable les salaires des agents, dont certains ont confié à Flash Infos avoir découvert la diminution de leurs émoluments au moment du paiement.  » Je n’ai pas été notifié. C’est en se rendant à la banque pour récupérer le salaire d’octobre que je me suis rendu compte de ce qui m’est arrivé. Je connais d’autres collègues à qui on a diminué 40 euros voire 100 euros« , a fait part un journaliste, mais qui par peur de représailles a préféré l’anonymat. Généralement, au sein de l’Office de radio et télévision des Comores, les recrutements ne suivent pas de règles. Chaque directeur embauche à sa guise, et fixe les salaires par copinage parfois, faisant exploser la masse salariale. Cette pléthore d’agents, couplé au taux de chômage élevé du pays, fait que personne n’ose dénoncer une injustice subie, surtout au sein de l’ORTC. « Personne n’aime prendre le risque de perdre son boulot. Il n’y a jamais eu non plus un élan de solidarité. Chacun espère trouver un arrangement pour son compte. Résultat, chaque direction se sert de cette faiblesse pour prendre les mesures qu’il lui chante car il est sûr qu’aucun mouvement interne ne lèvera le petit doigt« , a détaillé un autre agent. Dans une tribune intitulée « ma part de vérité », l’ancien directeur de l’information, Toufé Maecha, avait décrit un climat de peur. « Il suffit d’éternuer pour se voir privé d’une partie de son salaire« , rapportait celui qui y a passé quinze mois avant de rendre la démission.

Contexte économique difficile

Jusqu’alors, on ignore combien d’employés sont touchés par ces ponctions. Nous avons essayé d’en savoir un peu plus auprès du Directeur général, sans succès, il se trouverait à l’étranger nous dit-on. Le président du Syndicat national des journalistes comoriens (SNJC), Ahmed Bacar, a exprimé son opposition à toute réforme qui risque d’aboutir à la baisse des salaires des journalistes dans un contexte économique aussi tendu comme celui qui prévaut en ce moment. « Tout doit tenir compte de leur situation précaire et leurs statuts financiers. Qu’il n’y ait pas des inégalités pour des raisons partisanes« , a réclamé le patron du syndicat. Selon nos informations, le nouveau directeur de l’ORTC, qui n’a jamais caché sa proximité avec le parti au pouvoir, la convention pour le renouveau des Comores (CRC), a annoncé sa décision lors d’une assemblée générale, qui s’est tenue, le samedi 14 septembre. A cette occasion, il a invité les employés à se rendre à l’office national des examens et concours (Onec) pour authentifier leurs diplômes, car les salaires allaient tenir compte d’une grille indiciaire de la fonction publique. Le consultant juriste de l’ORTC s’est justifié. « Depuis longtemps, à l’ORTC, les salaires sont fixés d’une façon arbitraire et discrétionnaire par le directeur général. Cela causait beaucoup d’injustice dans le traitement des agents. Ainsi, pour mettre fin à cette macabre cette situation, la nouvelle direction générale a décidé de mettre en place une grille salariale. En application de cette grille, il y a des agents qui ont bien évidemment vu leurs salaires augmenter comme il y en a qui ont diminué« , reconnaît maître Ibouroi Ascandar, qui a ajouté que la mise en place de cette nouvelle mesure avait été soutenue techniquement par les experts de la fonction publique comorienne. Le juriste a toutefois refusé de dévoiler le salaire minimal après l’entrée en vigueur de cette décision, évoquant un secret professionnel.  » Comme dans toute grille salariale, les agents diplômés ne sont pas traités de la même manière avec les non diplômés. Mais je vous rassure que cette grille a été établie en fonction de la subvention que bénéficie l’ORTC de la part de l’État. Toute œuvre humain est perfectible, la direction générale cherche les voies et moyens pour améliorer en fonction de ses moyens, les conditions de ses agents« , a-t-il défendu.

Salaires de moins de 100 euros

En dépit de cet argumentaire, certains employés se demandent comment ils vont vivre avec des salaires ponctionnés à un moment où l’inflation aux Comores va crescendo. « On a annoncé un paiement sur la base de l’expérience, toutefois les salaires de beaucoup d’agents ont été réduits en miettes. Nous ignorons sur quelles bases, ils les fixaient. Il y a des agents avec 10 ans d’expérience qui gagnent désormais 120 euros. Il y a d’autres techniciens qui se retrouvent avec moins de 100 euros « , a témoigné un journaliste. A l’en croire, ceux qui osent demander des explications se font menacer de licenciement. A noter que cette mesure touche tous les employés, aussi bien à Anjouan qu’à Mohéli. Une ancienne journaliste de la télévision nationale y voit dans cette mesure un règlement de compte pur et simple. « Le nouveau directeur veut juste punir ceux qui n’étaient pas dans son camp quand il y avait un autre responsable à la tête de l’institution. Il a d’ailleurs réhabilité ceux qui étaient déchus et promu quelques fidèles à lui. À l’ORTC, le directeur nouvellement nommé avantage les siens. C’est devenu une routine », résume notre interlocutrice qui a cité l’exemple de la trentaine d’agents recrutés sous l’ancienne direction suspendus depuis le mois d’octobre, car leur procédure violait la législation du travail. Face à toutes ces démarches devenues le propre de chaque nouveau directeur, dans le but de déstabiliser les reporters de l’ORTC, le syndicat appelle les journalistes à s’unir.  » Car le manque de solidarité entre eux renforce la position de la hiérarchie. Que les journalistes sachent que le syndicat est là pour les soutenir. Mais que s’ils doivent nous faire part de leurs problèmes« , a plaidé Ahmed Bacar.

Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
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