De nombreux Mahorais travaillant à Mamoudzou sont piégés chaque jour dans les embouteillages. Manque de sommeil, conséquences sur la vie sociale et la santé, plusieurs automobilistes nous racontent leur quotidien dans un article que vous pouvez retrouver dans le dernier Mayotte Hebdo, « Mobilité : désengorger Mayotte par tous les moyens ».
Plus de quatre heures pour aller au travail : c’est le « cauchemar » récurrent que vivent bon nombre de Mahorais, coincés dans les embouteillages. C’est bien le mot employé par les automobilistes qui doivent se lever avant le soleil pour espérer ne pas être en retard à leur prise de poste. « Je me réveille à 2h50 du matin pour partir de chez moi à 3h30. J’arrive généralement aux environs de 4h20. Partir plus tard n’est plus envisageable car la dernière fois que je suis partie à 4h, je suis arrivée à 7h05 », décrit Yousra*, qui part de Chirongui pour travailler à Mamoudzou. Même chemin de croix pour Charifa*, qui quitte elle aussi chaque matin Chirongui pour embaucher à M’tsapéré, dans un centre médical. Départ à 4h, arrivée à 5h30, sieste jusqu’à 8h et le début du service pour tenter de rattraper le sommeil perdu. « Je sens ensuite que j’ai moins d’attention, parfois j’ai l’impression de faire un burn-out », déplore l’éducatrice spécialisée. Un état de fatigue qui a déjà failli coûter la vie à Hidaya, ingénieure en informatique à la Ville de Mamoudzou, qui habite également Chirongui. « Une fois, je me suis endormie au volant et j’ai fait une sortie de route », raconte celle qui a également constaté que l’impatience provoquée par les bouchons en conduisait certains à adopter des comportements dangereux sur la route, voulant doubler la voiture précédente à tout prix. Une situation encore pire depuis l’installation des nouveaux feux tricolores dans Mamoudzou selon Nourdine, qui doit traverser l’enfer de Kawéni aux heures de pointe après avoir quitté M’tsangamouji à 4h30.
« Je ne vois pas mes enfants le matin »
Ce sommeil amputé néfaste pour la santé, tous les conducteurs qui se livrent à nous en témoignent. Mais les dégâts sur le corps ne s’arrêtent pas là. La position assise et la crispation prolongée sur l’embrayage et la pédale de frein ont des conséquences sur les muscles et les articulations. Yousra, elle, souffre de discarthrose, une affection fréquente des disques articulaires présents au niveau du dos. Hidaya, elle, souffre également du dos lors des journées rythmées par les bouchons.
Mais c’est surtout une vraie souffrance psychologique pour beaucoup. « Ma vie personnelle s’est réduite à de l’anticipation : je pars tôt pour rentrer tard ! Je ne vois pas mes enfants le matin », dresse comme bilan la première interrogée. « Moi, j’ai renoncé à tous les loisirs sur Mamoudzou, je ne vais pas à certains événements à cause des embouteillages », explique de son côté Razanti, qui a l’habitude de partir à 4h20 de Tsimkoura, dans la commune de Chirongui, pour être à 7h devant ses élèves à Mamoudzou. À cela s’ajoute que dans la file d’attente incessante des voitures, la peur des agressions est inévitable. « J’ai été victime à plusieurs reprises de caillassages », raconte Yousra. Si la conductrice de Tsimkoura n’a, elle, jamais été agressée alors qu’elle était au volant, la crainte reste omniprésente. « J’ai très souvent peur des caillassages. J’ai déjà vu cela arriver à quelques voitures devant moi. Heureusement qu’à chaque fois j’ai su manœuvrer rapidement », relate-t-elle.
« J’ai vite abandonné l’idée du bus »
Face à cette situation, beaucoup ont essayé d’opter pour le bus. « Je suis moins crispée sur l’embrayage et au moins je peux commencer à travailler pendant le trajet », met en avant Hidaya, qui a su tirer parti de cette méthode, couplée avec du télétravail. Mais l’essai n’est pas fructueux pour tout le monde. « J’ai tenté les navettes de la Cadema. Mais les bus n’arrivaient pas forcément aux horaires indiqués et souvent ils étaient remplis en plus d’être la cible principale des caillasseurs, donc j’ai vite abandonné l’idée », regrette Yousra, qui a décidé de passer le permis moto pour pouvoir pratiquer l’inter-files. Charifa, elle, ne voulant pas déménager de sa maison dont elle est propriétaire, réfléchit à reprendre un emploi dans le Sud, plus proche de son domicile : « J’adore mon métier, mais j’ai même pensé à changer de boulot, car je n’en peux plus de subir ça ».
*Prénoms d’emprunt.
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Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.