Après avoir été donnés au niveau national, les résultats des évaluations des élèves font l’objet d’un affinage par département, en ce début novembre. A Mayotte, les chiffres du premier degré en français et mathématiques restent relativement stables par rapport à 2023. L’académie pointe du doigt les conséquences de la crise de l’eau et des barrages, tandis que l’écart important de niveau demeure avec l’Hexagone.
Légère baisse en lecture
Dans les résultats des évaluations réalisées en septembre (voir encadré), le pourcentage d’élèves sachant lire à l’entrée au CE1 à Mayotte a légèrement baissé cette année par rapport à 2023. A la rentrée 2024, 52% savent lire plus de dix mots par minute en entrant au CE1, ce taux était de 53% l’année dernière. Le rectorat explique cette légère baisse par deux facteurs. Il y a d’abord l’aggravation de la crise de l’eau de 2023, « les installations de cuves ont parfois pris plus de temps que prévu et les coupures d’eau ont pu être plus longues que ce que les cuves permettaient de contenir, ce qui a provoqué régulièrement des fermetures intempestives des écoles ». A partir de janvier, la crise sociale et les barrages ont également contraint la plupart des établissements à fermer pendant plusieurs semaines, « l’installation d’une continuité pédagogique a souvent été complexe à mettre en place », justifie l’administration. Des perturbations qui ont eu « un impact fort sur les apprentissages des élèves, les professeurs peuvent difficilement faire progresser les élèves lorsque ceux-ci ne sont pas en classe ».
Sur le sujet de la lecture, le rectorat défend également l’utilisation du manuel Néo arrivé dans une partie des classes en 2022. « Le travail des enseignants avec ce nouveau manuel a permis de conserver un taux d’élèves lisant plus de dix mots par minute à l’issue du CP supérieur à 50% », promeut-il.
Des progrès en mathématiques
En mathématiques, les résultats s’améliorent chaque année depuis cinq ans. L’écart des résultats avec l’Hexagone reste très important, mais il s’est considérablement réduit depuis 2020, année particulière avec la crise du Covid-19. Les élèves sont de plus en plus nombreux à maîtriser les nombres jusqu’à 100 dès leur arrivée au CE1. Cette année, ils sont 45% à les maîtriser de façon satisfaisante en entrant au CE1. En 2023, ils étaient 43% et 36% en 2021. Au niveau national, ils sont 66% à maîtriser cet exercice.
Depuis la rentrée 2023, les élèves de CM1 sont également évalués à la rentrée. L’académie de Mayotte enregistre également une légère hausse en mathématiques des classes de CM1, pour autant les résultats sont contrastés. D’un côté, les exercices portants sur des résolutions de problèmes sont « alarmants », affirme le rectorat. Par exemple, pour le problème suivant : « Un roman policier coûte 5 euros. Fatou a 35 euros. Combien de romans policiers Fatou peut-elle acheter ? », moins de 10% des élèves de Mayotte ont la bonne réponse alors qu’ils sont 60% au niveau national. En revanche, les résultats sont satisfaisants en calcul mental avec un taux de réussite sur les questions portant sur les tables de multiplication de 38% à Mayotte, taux supérieur à celui obtenu dans l’Hexagone à savoir 34%.
Un écart important avec le national
En début de CP, les résultats restent très fragiles à Mayotte, les élèves ne disposent pas des attendus nécessaires à l’entrée de l’école élémentaire. Ainsi, la plupart débutent leur scolarité à l’école élémentaire avec un retard considérable sur les élèves de l’Hexagone, mais aussi sur les élèves de l’académie de Guyane que l’on compare souvent à celle de Mayotte, étant donné certaines caractéristiques similaires (plurilinguisme, difficultés sociales, taux d’immigration). Un des exercices de français teste la compréhension des enfants, ils doivent montrer qu’ils comprennent des phrases qui leur sont dites, 84% des élèves français ont des résultats satisfaisants à cet exercice au niveau national. À Mayotte, ils ne sont que 31% et 49% en Guyane, académie qui a le taux de réussite le plus faible après Mayotte. « Cette très faible compréhension de la langue française après trois années d’école nuit profondément à l’apprentissage de la lecture au CP », analyse le rectorat.
Il l’explique par le faible taux de scolarisation des élèves de Mayotte à l’école maternelle. En éducation prioritaire, dans l’Hexagone de nombreuses écoles accueillent les élèves dès 2 ans en toute petite section (TPS). Les recherches montrent en effet l’importance d’une scolarisation précoce pour la réussite scolaire ultérieure. Pour cette raison, une loi de 2019 a rendu l’instruction obligatoire dès trois ans pour tous les enfants vivant sur le territoire national. À Mayotte, selon une projection statistique menée localement, près d’un enfant sur deux ne serait pas scolarisé à trois ans et plusieurs centaines d’enfants ne seraient toujours pas scolarisés à 4 ans. « Cette absence de scolarisation pendant les premières années de l’école maternelle nuit profondément au système scolaire de Mayotte », estime le rectorat. Elle conduit à « avoir un nombre extrêmement important d’élèves en difficulté à l’école élémentaire puis au collège », rendant difficile leur prise en charge par les enseignants tout en poursuivant un enseignement ambitieux avec les autres.
Des évaluations annuelles
Le ministère de l’Éducation nationale organise à chaque rentrée scolaire des évaluations nationales des acquis des élèves en français et en mathématiques. Comme chaque année, toutes les écoles de l’académie de Mayotte ont participé à ces évaluations qui se sont déroulées entre le 9 et 20 septembre. Les résultats permettent aux professeurs de connaître précisément le niveau des élèves et d’adapter en conséquence les enseignements à leurs besoins. Au niveau académique, cela permet de situer Mayotte par rapport aux autres académies et au niveau national et ainsi d’adapter la politique éducative sur le territoire.
Une université en pleine structuration
La Cour des comptes a publié un rapport sur l’enseignement supérieur et la recherche dans les Outre-mer, avec un cahier spécialement dévolu à chaque territoire. Le cas de Mayotte est évidemment difficilement comparable aux autres, l’offre de formations y est très récente. A titre d’exemple, il n’y avait que 101 étudiants en 2002-2003, contre 2.813, vingt ans plus tard. C’est d’ailleurs ce qui se dégage du cahier réalisé par le Chambre régionale des comptes La Réunion-Mayotte. Devenue Université de Mayotte au 1er janvier 2024, l’établissement de Dembéni doit encore se structurer. « L’établissement a indiqué être en train d’élaborer un schéma directeur de formation initiale et continue pour la période 2024-2040 tenant compte de la démographie étudiante, des contraintes de locaux, des schémas régionaux d’enseignement supérieur ainsi que des priorités du territoire en termes d’orientation et d’insertion », ont relevé la Chambre, qui font aussi de la consolidation des fonctions support et du pilotage administratif de l’établissement une priorité.
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.