Deux communes du sud de Mayotte, Kani-Kéli et Bouéni, ne vont plus bénéficier du dispositif quartiers prioritaires de la politique de la Ville selon la nouvelle carte présentée par la préfecture de Mayotte, le 7 octobre. Une annonce qui ne passe pas auprès des maires, en colère de perdre un soutien financier important.
Avec stupeur, les maires de Kani-Kéli et Bouéni ont appris, le 7 octobre, que leurs communes ne vont plus bénéficier du dispositif quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Les 17 édiles de Mayotte étaient réunis à l’occasion du comité territorial de la politique de la ville organisé par la préfecture pour présenter les quartiers prioritaires retenu à Mayotte par Paris.
Au nombre de 36 actuellement, il passerait à 28 à partir de janvier 2025, date d’effet de la nouvelle géographie prioritaire. Au total, six villages sont sortants, M’tsangadoua, Bouéni, Chiconi, Kani-Kéli, Choungui et Chirongui et quatorze sont entrants (lire l’encadré). Cette nouvelle carte n’est pas encore définitive. Les services de l’État déclarent être encore à ce jour « dans une phase de consultation des élus ».
« Un choix d’abord dommageable pour la population »
Abdou Rachidi, le maire de Kani-Kéli, demande au préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville de « revoir sa copie » car il est « inadmissible » que la commune sorte du dispositif. Lui et Mouslim Abdourahaman, le premier magistrat de Bouéni, lui ont adressé, chacun de leur côté, un courrier. « La fin du QPV aura de graves conséquences à Kani », estime le premier. « Cela va pénaliser la jeunesse ». Dans le cadre du QPV, la municipalité bénéficie d’aides financières pour mettre en place des animations auprès des jeunes et des personnes du troisième âge. De même, des fonds sont attribués pour prévenir la délinquance avec le conseil local et intercommunal de sécurité et de la prévention de la délinquance (CLSPD). « Nous risquons de perdre tous ces moyens », alerte l’élu de la commune la plus au sud de Mayotte. En effet, le dispositif quartier prioritaire de la ville offre au territoire des leviers importants en matière de lutte contre l’oisiveté, de prévention de la délinquance, d’éducation, de renouvellement urbain et d’insertion.
« C’est un choix d’abord dommageable pour la population », déclare Abdou Rachidi. « Nous sommes une commune rurale, en proportion, il y a autant de délinquance à Kani-Kéli qu’à Mamoudzou, si l’État nous lâche, on est cuit. Cela provoquera des débordements, ils vont s’amplifier. » Grâce au QPV, la commune touche entre 80.000 et 90.000 euros de subventions chaque année. Une somme similaire est perçue par la municipalité voisine, Bouéni, financée à hauteur de 87.000 euros. « C’est énorme pour une petite ville comme Bouéni. Il permet le recrutement d’emplois aidés, par exemple chargé de mission ville, adultes-relais », affirme son maire, Mouslim Abdourahaman, qui s’inquiète d’être contraint de les licencier au début d’année 2025.
Pour actualiser les zones reconnues quartier prioritaire, faute de données fiscales disponibles, tout comme la Guadeloupe, la Guyane et Saint-Martin, les services de l’État se sont appuyés sur les indicateurs socio-démographiques de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ont été pris en compte ; la part des personnes sans emploi, celle de non-diplômés, de logements sans accès intérieur à l’eau courante, non équipés en électricité, classés en habitation de fortune et la part de la population du village dans la population de la commune. Pour obtenir une connaissance plus précise et actualisée des territoires, quatre variables complémentaires ont été intégrées à la méthode grâce à la data-science. Il s’agit de la densité de la population, du taux de croissance de la population, de la part d’habitat informel et de la part d’équipements culturels et sportifs.
Souhait d’intégrer Hajangua
Moudjibou Saïdi, le premier magistrat de Dembéni, se dit de son côté « déçu » qu’Hajangua ne soit pas reconnu comme QPV aux côtés de Dembéni, Tsararano et Iloni qui le sont. Selon lui, la localité en aurait besoin à la suite des événements récents qui l’ont secouée. « Depuis presqu’un an, nous y avons enregistré une hausse des actes malveillants. Nous avons assisté à un meurtre à Hajangua en août dernier, un jeune y a aussi été séquestré et est devenu tétraplégique. Moi, je souhaite qu’on encadre la jeunesse de ce village, qu’on l’insère. » Un encadrement et une insertion que la mairie ne peut assurer seule selon l’édile.
Les élus de Mayotte exclus de la nouvelle géographie des quartiers prioritaires espèrent donc que, d’ici janvier 2025, le préfet « saura [les] comprendre » et changera d’avis.
Quatorze villages entrants
Dans la nouvelle carte des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) -elle n’est pas encore définitive- les deux villages de M’tsahara et Tsingoni deviennent des poches de pauvreté, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus des QPV, mais peuvent bénéficier de crédits politique de la ville.
Par ailleurs, quatorze nouveaux villages sont entrants. A Mamoudzou, cela concerne Tsoundzou I, Tsoundzou II, Vahibé, Passamaïnty. Pour Bandrélé et Koungou, il y a trois villages. Dapani, Bambo-Est et Hamouro pour la première commune. Trévani, Majicavo-Lamir et Kangani pour la deuxième. A Chirongui, les villages de M’ramadoudou et Malamani, Mangajou dans la commune de Sada et Sohoa dans celle de Chiconi complètent la liste.
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.