A l’occasion de la journée mondiale de l’accident vasculaire cérébral (AVC), ce mardi 29 octobre, le service de soins de suite et de réadaptation (SSR) de l’hôpital de Petite-Terre a organisé des conférences et ateliers pour présenter comment les patients sont accompagnés à Mayotte et les défis auxquels ils sont confrontés sur le territoire.
Chaque jour ou presque, une personne est hospitalisée à Mayotte pour accident vasculaire cérébral (AVC). En 2023, 349 patients ont été admis au centre hospitalier de Mayotte (CHM). Le docteur Nassim Bamoudou, spécialisé en médecine physique et réadaptation et chef du service du service de soins de suite et de réadaptation (SSR), a présenté ce mardi une épidémiologie de l’AVC à Mayotte à l’occasion de la journée mondiale dédiée. Sur le territoire, la population est touchée beaucoup plus jeune que dans l’Hexagone, puisqu’en 2023, l’âge moyen des personnes au SSR ayant subi un accident de ce type est de 59,6 ans, contre 73 ans en métropole.
Le diabète comme facteur
La différence peut s’expliquer par le fait que beaucoup de Mahorais « ne se soignent pas bien et ne prennent pas toujours leur traitement », explique le docteur. Parmi les facteurs de risques cardiovasculaires, on retrouve principalement l’hypertension artérielle, l’obésité et le diabète. Le dernier, s’il est mal équilibré, multiplie notamment par 1,5 ou deux le risque d’avoir cet accident par rapport aux personnes qui n’ont pas cette pathologie. Ce mardi matin, Bourra Mbouchi, une patiente du SSR qui a subi un AVC au mois d’août dernier, a rappelé au public l’importance de « surtout prendre ses médicaments » alors qu’elle-même a pu à certains moments interrompre son traitement pour l’hypertension et le diabète.
La prévention est d’autant plus essentielle pour le docteur Breno Speckhann, diabétologue qu’« une fois qu’on a un AVC, une partie du cerveau est déjà touchée, c’est trop tard. Si quelqu’un a un problème au cœur, on peut le remplacer, pareil pour le rein, mais pour le cerveau, ce n’est pas possible. On peut seulement faire de la rééducation ». Si aujourd’hui la population de Mayotte est très jeune, prévenir est aussi nécessaire car dans vingt ou trente ans, « les cocos et les bacocos seront beaucoup plus nombreux », souligne-t-il.
Une meilleure prise en charge
L’ouverture du service de soins de suite et de réadaptation (SSR) sur le site Martial-Henry à Pamandzi en juin 2021 a facilité la rééducation des patients qui ont été atteints d’un AVC. « Sans le SSR, c’était vraiment dur », témoigne le diabétologue. Jusque-là, les patients étaient contraints d’aller à La Réunion pour faire de la rééducation ou bien elles allaient chez des kinésithérapeutes en libéral à Mayotte mais « c’était insuffisant, après un AVC, il faut deux à trois heures de rééducation par jour, impossible à faire chez un kinésithérapeute en libéral », évoque le docteur Nassim Bamoudou. Christophe Debord, un ancien patient du SSR, a fait part de son expérience au sein du service ce mardi, il est très reconnaissant du travail des équipes. Celui-ci a été atteint d’un accident vasculaire cérébral, le 19 février 2024. « Quand c’est arrivé, j’étais dans un lit je ne pouvais pas bouger et aujourd’hui je peux marcher avec une canne », se satisfait-il. Le corps médical du service l’a aidé à agencer sa maison pour l’adapter à ses besoins. « Ma femme travaille, le matin, elle n’est pas là. Mais ce qui a été mis en place me permet de prendre mon petit déjeuner et de m’habiller seul », partage celui qui a écrit un ouvrage sur son expérience dans le service. Intitulé « Au cœur de la tempête, renaître après l’AVC », il paraîtra en janvier prochain. Mais l’unité est contrainte par sa taille, elle ne compte que dix places. « Une partie des gens ne peuvent pas venir”, regrette le chef du service du SSR, qui voit donc d’un bon œil l’ouverture prochaine de la clinique privée à Haut-Vallons pour en accueillir une partie.
Un manque de professionnels
A l’échelle du CHM, au cours des dernières années, la prise en charge des AVC s’est améliorée, cela se traduit par l’augmentation du taux de thrombolyse (un traitement qui doit être fait en urgence dans les quatre heures après les premiers symptômes de l’AVC ischémiques), il est passé de 4 % en 2013 à 14 % aujourd’hui. En revanche, à Mayotte, il n’est pas encore possible de faire tous les traitements, c’est le cas par exemple de la thrombectomie, une technique médicale qui consiste à déboucher l’artère cérébrale responsable de l’infarctus. « Il doit être réalisé par un neurologue spécialisé, un professionnel qu’on ne trouve pas à Mayotte », concède le docteur Bamoudou.
Christophe Debord a aussi raconté son quotidien après l’accident. En arrêt longue maladie, il a perdu son travail de mécanicien sur un hélicoptère, tandis qu’il a pu avoir le sentiment au réveil « de ne plus être utile pour la société ». Il s’est alors lancé dans une formation de développeur web qu’il suit en ligne et fait des voyages avec sa femme. « Aujourd’hui, il faut se reconstruire, je me reconstruis avec ma famille et en faisant la formation. »
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.