Santé mentale : un secteur qui tente encore de se coordonner à Mayotte

Lors de la conférence sur la santé mentale, qui était organisée jeudi au lycée des Lumières de Kawéni par l’Agence régionale de Santé (ARS) Mayotte, les acteurs de la santé mentale se sont réunis pour restituer les résultats de travaux de groupes organisés la semaine dernière. Le but, proposer des solutions pour améliorer l’offre de soins et de suivi encore restreinte et peu coordonnée sur l’île. 

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Le directeur de l’ARS Mayotte, Sergio Albarello, met l’accent sur l’importance d’une politique de santé territoriale adaptée à Mayotte.

Si le sport est la grande cause nationale de 2024, la priorité sera la santé mentale pour l’année 2025, avait annoncé le Premier ministre Michel Barnier lors de son discours de politique générale en septembre. Et la question (pré)occupe particulièrement les professionnels de santé et les associations, qui souffrent des manques de personnel, de moyens et de coordination. L’Agence régionale de Santé (ARS) de Mayotte a organisé des ateliers participatifs avec les acteurs du secteur la semaine dernière, dans le cadre des semaines d’informations sur la santé mentale (SISM). La restitution des ateliers a eu lieu au lycée des Lumières de Kawéni, jeudi 24 octobre.

Mlezi Maore, Horizons, le centre hospitalier de Mayotte (CHM), la Croix rouge, Autisme Mayotte, le groupe d’entraide mutuelle (GEM), et d’autres structures ont assisté à l’événement pour faire part de leurs recommandations et de leurs difficultés dans la prise en charge des publics concernés par des problématiques liées à la santé mentale. « Nous sommes parfois confrontés à des situations de violence lorsque des personnes sont orientées vers nos services, mais ne sont pas stables et nécessitent une hospitalisation », raconte Kassim Abidi, directeur d’établissements au pôle handicap de Mlezi Maore. Face à l’amer constat du service psychiatrie du CHM qui dispose de dix lits pour toute l’île (ils passeront à 25 prochainement), les associations et les soignants se sentent débordés. « L’île a des besoins colossaux », résume simplement Ernestine Bakobog, directrice de l’association Autisme Mayotte.

Avec des tabous à la peau dure, et une précarité tenace, les associations et services hospitaliers ne parviennent pas à « repérer » la patientèle et à être eux-mêmes repérables. Bien sûr, ils s’échangent des conseils, s’envoient des patients, mais cette collaboration n’est pas organisée. L’une des solutions proposées lors des ateliers collectifs, c’est la création d’un annuaire, pour faciliter le travail des structures et mais aussi aider les personnes cherchant un appui. Des maraudes, avec des équipes dédiées, apparaissent aussi comme proposition, pour tenter d’aller chercher le public isolé, précaire ou habitant loin des structures de santés.

Des actions en pratique dès 2025

Un des grands enjeux, de la conférence, c’est aussi déstigmatiser la santé mentale et les troubles qui peuvent y être associés. « Les personnes atteintes psychiquement sont stigmatisées et/ou isolées », se désole Prosper Ndayisaba, qui dirige le GEM de Cavani. Les propositions s’enchaînent pour familiariser la population à la thématique, tout en respectant les traditions et les cultures : flyers, mois de sensibilisation, site web… Et surtout combattre la méconnaissance qui entoure les traitements. La psychiatrie fait peur sur l’île, et y être associé aussi. « Je ne savais pas quoi faire pour aider mon cousin », confie Maïmouna Madi, qui travaille au CCS de Bandrélé. Elle a bénéficié, comme une soixantaine d’autres employés du social, d’une formation sur les premiers secours de la santé mentale, organisée par le pôle prévention de l’ARS en juin à Tsingoni. Selon elle, cette formation l’a fait changer de regard sur les troubles psychiques, mais aussi sur la manière de les accompagner.

Les échanges ne se sont pas cantonnés aux restitutions des ateliers. Face au directeur de l’ARS, Sergio Albarello, et à la directrice de la santé publique de la structure, Fatiha Djabour, les interventions ont soulevé d’autres questionnements. « Est-ce que l’ARS pense aux aidants, qui sont en grande souffrance eux aussi ? Nous avons une plateforme de diagnostic, une association, mais pas de lieu qui leur permettrait d’avoir un temps de répit », note Ernestine Bakobog. Elle questionne aussi l’ARS sur l’importance de mettre en place une structure qui n’est pas directement associée au médical. Si les ateliers ont permis de dresser des fiches d’actions, – comme des campagnes de sensibilisation, des réunions mensuelles, de maraudes, ou encore, la création d’un annuaire en ligne et d’un site pour répertorier toutes les structures – qui devraient voir le jour dès le premier trimestre 2025, certains problèmes ne peuvent pas être réglés grâce à un travail de collaboration.

Le manque de personnel en tête de liste. « Même en ayant des locaux, on n’a pas les équipes pour les exploiter », tient à rappeler le docteur Alexandra Martalek, psychiatre.

Fraîchement arrivée sur l’île, je suis journaliste à Mayotte Hebdo et Flash Infos. Passionnée par les actualités internationales et jeunesses, je suis touche-à-tout. Mon allure lente et maladroite à scooter vous permettra de me repérer aisément.

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