Comores : Le microfinanceur l’Union des Meck dans la tourmente

L’organe chargé de veiller sur le bon fonctionnement des quatorze agences composant le réseau de la mutuelle d’épargne et de crédit Ya Komor, est empêtré dans une tempête judiciaire visant pour l’instant sa hiérarchie. Celle-ci doit s’expliquer après l’achat controversé du nouveau siège social de l’institution.

Aux Comores, tout le monde connait le réseau Meck (mutuelle d’épargne et de crédit Ya Komor). Présentes dans le paysage financier du pays depuis plus de 20 ans, ces institutions de microfinance se sont fait une place grâce aux services qu’elles offrent à la population non bancarisée. Mais depuis quelques semaines, l’organe de contrôle, à savoir l’Union des Meck est secoué par une affaire qui risque de ternir son image. Pour le moment, le nom qui revient souvent est celui du directeur général, Ahamada Saïd, après l’acquisition d’un bâtiment devant servir de siège. L’achat du complexe « Les Arcades », un ancien hôtel situé au nord de la capitale Moroni, suscite la controverse pour plusieurs raisons, notamment le montant de l’acquisition jugé « exorbitant ». On parle de la somme de 1,1 milliard de francs comoriens, soit plus de deux millions d’euros. Une opération qui a d’abord été rejetée par le conseil de surveillance lors de son assemblée générale de l’exercice 2022, tenue fin 2023. Puis s’en est suivi le dépôt le 21 septembre, d’une plainte initiée par des membres des Meck. Le prévenu a été auditionné mercredi, durant des longues heures, par un juge d’instruction du tribunal de Moroni. Le magistrat l’a donc placé sous contrôle judiciaire après son inculpation pour les charges suivantes : abus de biens sociaux, concussion, enrichissement illicite, prise d’avantage illégale, détournement et blanchiment. Il lui est donc interdit de quitter le territoire national sans autorisation. Dans pareil cas, l’inculpé est aussi soumis à un régime de pointage. Pour le moment, l’intéressé qui bénéfice de la présomption d’innocence n’a pas fait de commentaire. Son avocat non plus, qui estime qu’il est trop tôt.

Sans aval de l’assemblée générale

Tout a commencé quand le directeur général de l’Union des Meck,-qui a la charge de veiller sur les quatorze agences éparpillées sur le territoire- a décidé d’acquérir un nouveau local devant abriter l’administration. Le problème, avant de procéder à l’achat acté en septembre 2023, Ahamada Saïd Bahassani, en poste depuis juin 2020, n’aurait pas suivi les règles, selon des sources haut placées. C’est l’article 24 des statuts de l’Union des Meck qui aurait été bafoué, en premier lieu, une disposition qui stipule qu’une autorisation de l’assemblée générale est obligatoire pour tout projet d’acquisition ou de construction d’immeubles. « Pour des gros investissements comme celui-ci, il devait obtenir l’aval. Mais nous avons découvert qu’une avance de 100 millions de francs comoriens avaient été versée en guise de promesse de vente. Une commission d’achat en connivence avec des élus ont approuvé le marché en conseil d’administration. Or, il aurait dû y avoir une expertise externe d’un cabinet dont la mission est de déterminer la valeur exacte du bâtiment, si le montant déboursé en valait la peine ou pas. Rien n’a été fait », a d’abord déploré un agent qui suit de près ce dossier. Ce n’est pas tout. Le code de passation des marchés publics qui a fixé des seuils de montants nécessitant le lancement d’un appel d’offres, n’aurait pas non plus été respecté. Le bémol, a poursuivi notre source, jusqu’à lors, l’on ne sait toujours pas combien le complexe va coûter car en plus de la somme évoquée, des travaux supplémentaires de rénovation sont engagés et auraient déjà atteint les 100 millions de francs comoriens (203.000 euros). « Trois entreprises dont une qui se consacrait à la toiture, sont sur le coup. Ce qui laisse planer des doutes de surfacturation dans la mesure où une partie du complexe est en état de délabrement », a poursuivi un autre haut responsable de l’Union des Meck.

Perquisitions

Si personne n’a été placé en détention provisoire, c’est sûrement pour laisser du temps aux investigations en cours. Jouant le rôle de gendarme du secteur financier du pays, la Banque centrale des Comores mène au sein des locaux de l’institution des inspections, qui s’étaleront jusqu’au 30 octobre, a-t-on appris. Mercredi, le juge et le greffier ont perquisitionné à leur tour. Seuls les bureaux du directeur général, son adjoint (placés sous contrôle judiciaire aussi), le secrétariat sont mis sous scellés. Recruté en 2020, après un appel à candidatures, le directeur général de l’Union des Meck aurait pu briguer en mai 2025 un deuxième mandat de cinq ans. L’on se demande qui va diriger l’institution durant les sept mois restants. La Banque centrale va-t-elle nommer une équipe intérimaire pour assurer le maintien des activités de cet organe qui a la charge surveiller tous les Meck ? Composé de 33 agences établies sur l’ensemble, ce réseau se hisse en première place dans la catégorie des plus grandes institutions de microfinance du pays, par son rapprochement vers toutes les catégories sociales.

Selon le rapport 2023 de la Banque centrale, l’Union des Meck détenait 33% des parts des crédits bruts. Des emprunts qui fiancent des projets de développement au profit des jeunes, des femmes, aux agriculteurs, entre autres.

Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
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