Daniel Martial Henry : « Mon engagement ne finira pas aujourd’hui »

Après quinze ans de présidence du Modem à Mayotte, Daniel Martial Henry a accepté de revenir sur les raisons de sa démission et les suites de son engagement politique. Entretien.

Flash Infos : Après une première tentative de démission refusée par votre parti en juin dernier, comment avez-vous pris votre décision de démissionner à nouveau ?

Daniel Martial Henry : En fait, c’est une idée que j’ai depuis l’année dernière. Après quinze ans au-devant du Modem Mayotte, j’ai pensé à donner la main. Depuis quinze ans, on a d’abord commencé par une longue période de léthargie, même si c’est un parti qui comptait tout de même un député à l’époque. Devenu tellement impopulaire, le parti a perdu beaucoup de plumes. La population nous a même tourné le dos. Au niveau national, François Bayrou, en 2007, avait eu 18% aux présidentielles, et en 2012, il n’avait récolté que 9%. Le Modem avait perdu toute crédibilité au niveau national. J’ai vécu ces moments difficiles. Mon rapport affectif au parti a fait que je suis resté. Je l’ai connu aux mains de Marcel Henry et du député Abdoulatifou Aly, paix à son âme. Il était tout à fait légitime de tout faire pour que ce parti ne meure pas à Mayotte. Au début, j’étais tout seul. Après, il y a eu quelques jeunes qui m’ont rejoint. Depuis 2017, le parti a pris beaucoup d’ampleur.

F.I. : Est-ce que la présidence du centriste Emmanuel Macron a contribué à cela ?

D.M.H. : Pas forcément avec sa présidence, mais bien avant. À titre personnel, j’avais beaucoup communiqué. J’étais très impliqué. Il faut savoir qu’en 2014, il y avait eu Afidati Mkadara qui était dans la liste des élections européennes au titre du Modem. À l’époque, les élections européennes se faisaient par bassins océaniques. Avant même l’élection de Macron, le Modem était associé comme partie prenante, les gens savaient qu’il était là, même s’ils ne nous prenaient pas au sérieux. Les gens voyaient deux ou trois personnes, même si on communiquait beaucoup.

F.I. : Selon vous, quelles qualités devraient regrouper le prochain président du Modem 976 ?

D.M.H. : Il faut qu’il soit en lien avec les inspirations de Mayotte, parce que le Modem, c’est un parti historique. François Bayrou a été l’ami des anciens leaders politiques de Mayotte, notamment Marcel Henry et Henri-Jean Baptiste. Donc c’est un parti qui est l’émanation de l’UDF en métropole. Mais aussi à Mayotte, l’émanation du MPM et du MDM. Il faut quelqu’un qui ait ces inspirations-là. Il faut aussi une personne qui ait les yeux orientés vers le futur de Mayotte. Parce que nous, au Modem, on parle beaucoup de développement. On pense que c’est le développement économique avec la création d’emplois qui peut créer des occupations pour les jeunes et lutter contre les phénomènes de violence et améliorer le bien-être des mahorais.

F.I. : Au cours de cette présidence, que pensez-vous avoir su imposer sur l’échiquier politique à Mayotte ?

D.M.H. : Ce que j’ai pu amener : faire une rupture avec l’idée de considérer que tout nous doit venir de Paris. C’est-à-dire que quand on a des problèmes, avant de penser ce que l’État doit faire pour nous, nous les Mahorais, nous devons d’abord penser à ce qu’on peut faire. Notre statut de département nous octroie des marges de manœuvre suffisantes et des libertés d’action pour asseoir le développement du territoire. Avant de dire, comme les syndicats, qu’on veut ça, ou que Paris ne fait rien, il faut que nous nous posions la question de ce que nous faisons pour notre territoire, parce que nous ne faisons rien. Quand un territoire est dépendant à 97% sur le plan alimentaire des produits qui viennent de l’extérieur, ça veut dire que nous sommes improductifs.

F.I. : Après quinze ans à la présidence, avez-vous des regrets sur des actions politiques que vous avez pu mener?

D.M.H. : Je ne sais pas. Mon engagement n’a pas commencé aujourd’hui et ne finira pas aujourd’hui. J’ai toujours été un militant politique depuis ma petite enfance et je le resterai toute ma vie, c’est certain. Ce que je regrette aujourd’hui, c’est le populisme qui gagne du terrain. Moi, je pense que le populisme fait partie des maux de Mayotte parce que quand quelqu’un vient dans des élections promettre que les ailes de poulet vont baisser, il est élu. Élire une personne de cette manière, c’est du populisme. Mais au-delà du regret, je ne suis pas là juste pour constater, je ne suis pas de nature pleurnicheur, mais au contraire, dénoncer le problème quelle que soit la façon dont ça peut être compris par les autres, parce que c’est une question de responsabilité, et pousser à recentrer le problème sur le développement endogène. Il faut avoir confiance en nous. Nous pouvons être des vecteurs de notre propre développement.

F.I. : Vous avez admis avoir des ambitions législatives, avez-vous une proposition que vous souhaitez d’ores et déjà soumettre au Parlement ?

D.M.H. : Un député, c’est d’abord une autorité qui participe en tant que législateur à l’action. Un député est là pour faire des lois. C’est à mon sens prendre des mesures qui puissent favoriser le développement. C’est, par exemple, au niveau fiscal, créer une zone franche sur des activités liées au développement économique. C’est le fait d’accorder soit des crédits d’impôt ou des réductions d’impôts à des secteurs d’activité, mais des secteurs qui sont liés à l’activité productive. D’exclure par ce biais tous les secteurs commerciaux, c’est-à-dire ceux qui importent pour vendre à l’État. Tout ce qui génère de valeur ajoutée locale soit exonéré d’impôt pendant un certain temps. C’est une manière de relancer l’activité économique. C’est ce que je mettrai en place.

Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.

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