Le service d’investigation éducative (SIE), qui a débuté ses activités au début de l’année, arrive au bout de ses premières enquêtes. L’occasion d’inaugurer le nouveau dispositif, vendredi 11 octobre, dans les locaux des Apprentis d’Auteuil à Mamoudzou, et d’expliquer un peu plus précisément ses actions, au cœur des familles mahoraises.
« On n’intervient pas que dans les cases en tôle », rappelle tout sourire Michelle Keyser, cheffe du service d’investigation éducative (SIE) Hifadhui Malezei, lors de l’inauguration du nouveau dispositif dans les locaux de l’association des Apprentis d’Auteuil, rue de la Pompe à Mamoudzou. Créé par arrêté de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en 2023, à la suite d’un appel à projet, le SIE est rattaché au pôle prévention et protection de l’association. Il intervient sur demande du tribunal pour enfant, à la suite d’un signalement transmis au procureur général. Pendant six mois, il vient à la rencontre de la famille, pour évaluer si un enfant (entre 0 et 17 ans), voire toute une fratrie, est en danger ou en situation de maltraitance. Ce temps d’enquête, c’est la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE). Les premières ont été formulées en février de cette année, et ont été clôturées ce mois-ci. À la fin de chaque mesure, un rapport est rédigé et transmis au juge. « Nous sommes en quelque sorte les yeux et les oreilles du magistrat sur le terrain », vulgarise Michelle Keyzer. Et ce, pour répondre à des problématiques alarmantes : violences physiques et/ou sexuelles, négligence, addiction, grossesses précoces… Autant de problématiques diverses que l’équipe, pluridisciplinaire, peut appréhender dans leurs aspects culturels, cliniques, psychiques, religieux : elle est composée de trois éducateurs spécialisés, un interprète, une assistante administrative et une psychologue, qui connaissent le territoire et ses nuances.
Des familles loin des stéréotypes
Mais être mandaté par la justice n’aide pas à établir le dialogue avec ces familles. Surtout qu’elles ne peuvent pas faire appel du rapport rédigé à l’issu de la MJIE, qui servira au juge à prendre une décision. Une double difficulté donc. Alors l’équipe tente de rassurer et d’établir un lien de confiance, « en nous voyant arriver, beaucoup se disent qu’on va leur enlever leur enfant. Mais nous ne sommes pas là pour ça », raconte la cheffe de service. L’équipe prépare le terrain, échange longuement avec les concernés. Et depuis la création du service, toutes les familles ont pour l’instant collaboré. Surtout, le SIE fait part du rapport aux familles, en amont de l’audience, pour qu’elles puissent préparer leur « défense » devant le juge. Et celles des 24 mesures en cours dans le service sont bien loin des stéréotypes. Elles sont issues de tout horizon social, avec des parents de toute profession. « La protection de l’enfance peut concerner tout le monde, à différents moments de vie », martèle la cadre. Certaines ne sont même pas toujours sur le territoire. Le SIE reçoit aussi des demandes de tribunaux à La Réunion ou en métropole, pour des enfants qui sont partis temporairement de l’île mais dont la situation mérite une analyse, notamment en cas de retour. Un travail délicat, surtout sur un territoire comme Mayotte, où les informations et les rumeurs peuvent circuler très vite. Mais aussi un travail de longue haleine, le but de l’équipe étant de comprendre d’où viennent les défaillances, à l’échelle des parents, mais aussi des grands-parents. « On identifie aussi les forces au sein de la dynamique familiale, pour pouvoir apporter des pistes d’amélioration », précise Naomi Makiffou, éducatrice au sein du SIE. Elle a conscience qu’il s’agit « d’une photographie, à un instant « t » d’une famille. Les choses peuvent être amenées à évoluer ». Un travail au cœur des problématiques sociales, territoriales, traditionnelles… que Michelle Keyzer et son équipe imaginent pouvoir un jour exploiter. « On pourrait faire parler les données, parce qu’on en voit des choses ! »
Des professionnels face au risque de traumatisme
Accompagner des situations gravissimes peut impacter le professionnel jusqu’au traumatisme. D’abord cantonné aux professionnels de santé, le concept de « traumatisme vicariant », soit le traumatisme par procuration, s’est élargi aux professions qui accompagnent les victimes, comme les éducateurs spécialisés. Un risque dont est consciente la cheffe du service SIE, Michelle Keyzer et son équipe. Elle souligne l’importance des temps d’échange en groupe et surtout, des binômes de travail. « Parfois, des situations font écho à nos propres expériences, à ce moment-là, il faut savoir en parler », complète Naomi Makiffou, éducatrice spécialisée.
Fraîchement arrivée sur l’île, je suis journaliste à Mayotte Hebdo et Flash Infos. Passionnée par les actualités internationales et jeunesses, je suis touche-à-tout. Mon allure lente et maladroite à scooter vous permettra de me repérer aisément.