Un rapport d’enquête rédigé par une commission quelques mois après ce drame, déplore l’absence d’un vol de familiarisation de la part des membres d’équipage, entre la Grande Comore et Mohéli, où l’aéronef s’est abimé en février 2022, sans que l’épave ne soit retrouvée jusqu’à nos jours.
Dès la première page, les rédacteurs préviennent que le rapport technique ne porte aucun jugement et ne relève pas les fautes commises. « Les recherches se sont principalement orientées sur les opérations commerciales, administratives et opérationnelles de la société Fly Zanzibar, propriétaire de l’avion et du locataire opérateur AB Aviation », a ajouté Jean Marc Heintz, enquêteur principal. Toutefois, après investigations, la commission a fait des observations, notamment sur les causes qui auraient contribué à l’accident. Et les membres d’équipage, tous les deux d’origine tanzanienne, ne sont pas épargnés. En effet, sur la base d’une analyse faite des vols précédents et celui du 26 février 2022, le rapport relève que les pilotes ont conduit le vol de Moroni à Mohéli, sans avoir au préalable connaissance de l’activité dépressionnaire active sur toute la zone. Il n’y a pas eu non plus un vol de familiarisation (accompagnés), avant d’effectuer les rotations commerciales, nous apprend la commission qui pense qu’une succession d’erreurs majeures auraient contribué à la catastrophe aérienne, la plus meurtrière des Comores, après Yemenia, en 2009 (voir encadré). Au lendemain du crash du Cessna, au large de Mohéli, le 26 février 2022, faisant quatorze morts, dont douze passagers de nationalité comorienne, le gouvernement local avait annoncé la mise en place d’une commission, dont les conclusions n’avaient jamais été communiquées jusqu’ici. Les investigations contenues dans le document consulté par Flash infos suggèrent aussi que le vol est probablement entré dans un gros orage qui s’élevait à 300 mètres de l’eau jusqu’à quinze kilomètres de hauteur et couvrait l’île de Mohéli. La météo y est également citée dans ce rapport. « La haute définition de l’animation satellite de Météo-France Ace de Toulouse démontre que l’appareil a volé sans visibilité depuis Iconi sud de la Grande Comore, jusqu’à Mohéli où il est rentré dans un orage ‘, souligne le rapport, indiquant qu’à son arrivée à destination, l’équipage a tenté d’atterrir par deux fois avant de vouloir rebrousser chemin.
Inspection approfondie
Dans son courrier en date du 10 mai, adressé au chef de l’État comorien, l’inspecteur en chef de l’enquête préliminaire a expliqué que ce travail est conforme aux annexes 13 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci). « L’ampleur et la complexité de l’enquête est du fait que l’épave n’a jamais été retrouvée et que nous ne pouvons pas à ce stade déterminer si l’avion a eu un problème technique ou une panne mécanique en vol avant ou après son dernier appel radio », acquiesce l’équipe en charge de l’enquête, qui a relevé des erreurs émanant de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacm). Certes, la direction de la sécurité des vols (DSV), a conduit le samedi 19 février 2022, en trente minutes, une visite de routine (inspection de sécurité sur un avion étranger), mais il aurait dû y avoir une inspection plus approfondie. « La direction de la sécurité n’avait pas relevé la présence d’équipements de sécurité obligatoire à bord de l’avion durant le contrôle. La présence de la balise de détresse Elt (le signal de la radiobalise permet de localiser l’aéronef) n’a pas été vérifiée », fait observer l’équipe. Formée le 10 mars, la commission d’enquête avait comme mission de relever tous les indices et les raisons qui ont conduit à l’accident le 26 février du vol AYD 1103 afin d’éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise. Durant leurs investigations, deux enquêteurs se sont rendus en Tanzanie, du 31 mars au 7 avril chez Fly Zanzibar, propriétaire de l’avion et l’aviation civile tanzanienne. « Au-delà des documents techniques et opérationnels de l’avion, le contrat d’assurance n’incluait pas la prise de responsabilité de l’opérateur comorien dès le premier vol commercial », lit-on dans cet unique document transmis à la présidence des Comores, trois mois après le crash.
Vol de jour à vue
Cette enquête préliminaire reproche au gendarme de l’aviation comorienne de n’avoir pas transmis, à l’Agence de la sécurité aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), les restrictions portées sur l’autorisation de vol délivrée par l’aviation tanzanienne qui portait la mention : vol de jour à vue uniquement. « Avant de décoller de Moroni, le pilote n’a pas signé le manifeste des passagers embarqués dans son avion et n’a pas non plus pris le dossier météorologique pour son vol. L’équipage n’avait le droit de voler sans visibilité. Mais sans le savoir, la tour de contrôle de Moroni, lui a donné les consignes de roulage et décollage », concluent les enquêteurs.
Notons que deux ans après ce crash, aucune enquête approfondie n’a été menée. On ignore les causes qui ont été à l’origine de ce drame alors qu’au lendemain de l’accident, le gouvernement comorien, par le biais du ministre des Transports de l’époque, Ahmed Bazi, avait évoqué la possibilité de bénéficier de l’appui du bureau d’enquêtes d’analyses (Bea). Toutefois, il n’y a jamais eu de suite. Les investigations sont au point mort, car faute de moyens pour mener des recherches étant donné que les Cessna sont des modèles d’avion qui ne disposent pas de boîte noire.
Pour l’heure, seul un procès sur le volet civil a eu lieu en juin et a abouti à la condamnation le 28 septembre d’AB aviation. Le tribunal de première instance a ordonné à la compagnie à verser les indemnisations aux ayants-droits des victimes.
La Yemenia Airways se pourvoit en cassation
Presque un mois après le verdict le condamnant à la peine maximale pour « blessures et homicides involontaires », après le crash du 29 juin 2009, Yemenia Airways a saisi la cour de cassation, selon une information de l’AFP. Le 20 septembre, la cour d’appel de Paris a donné raison aux proches des victimes de l’accident ayant emporté au large des Comores, près de 152 personnes, majoritairement des Franco-comoriens. Selon l’avocat de la partie civile, l’action de la compagnie ne changera rien sur le verdict rendu, en 2022, confirmé récemment. « La cour de cassation va tout simplement examiner si l’arrêt de la cour d’appel est conforme au droit pas plus. Elle n’est pas juge des faits. Autrement dit, dans la mesure où toutes les expertises ainsi que les débats ont établi la responsabilité pénale, la cour de cassation n’examinera que le volet juridique, une façon de s’assurer que la loi a bien été respectée », a réagi maitre Saïd Larifou, l’un des avocats qui défendent les familles des victimes depuis l’ouverture des procédures judiciaires.
Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
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