Le diabète, un mal silencieux à Mayotte

Sur l’archipel mahorais, un habitant sur dix est atteint du diabète. La maladie, dont les symptômes sont méconnus ou ignorés, entraine des complications parfois gravissimes. A l’occasion du Tour de France des handicaps invisibles, le diabète a été mis sur le devant de la scène avec deux tables rondes, ce jeudi, à Mamoudzou. Mais le tabou qui entoure la pathologie est encore bien ancré dans la société mahoraise. 

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Les diététiciennes Emma Dargent et Élisa Lamor ont organisé pendant la pause-café un petit jeu pour concocter un petit-déjeuner équilibré.

« Quand j’ai appris que j’avais le diabète, je me suis dit que j’allais mourir », s’esclaffe Assani Malidi, devant les participants du Tour de France des handicaps invisibles, tous suspendus à ses lèvres, dans la salle Abdallah Houmadi, de l’hôtel de ville de Mamoudzou. Organisée par Handi-Pacte Mayotte et les Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), la première étape du Tour dans l’océan Indien se déroule donc à Mayotte sur le thème du diabète, ce jeudi. Le but, sensibiliser sur les handicaps invisibles, c’est-à-dire ceux ne sont pas visibles physiquement et peuvent être dissimulés et qui représentent 80% des handicaps. Et le choix du thème pour l’étape à Mayotte n’a pas été fait au hasard. Sur l’île, le diabète est bel et bien présent : une personne sur dix est diabétique, c’est-à-dire qu’elles ont un taux de sucre trop élevé dans le sang, soit deux fois plus que la moyenne en France métropolitaine.

Le diabète touche 12% des habitants entre 18 et 69 ans

Un chiffre à lier directement avec un autre problème de santé majeure, l’obésité qui touche un habitant (de 35 ans et plus) sur deux, selon l’enquête sur la santé des Mahorais, Unono Wa Maore, réalisée en 2019.  « Quand on est obèse, on sécrète moins d’insuline [N.D.L.R. l’insuline est l’hormone qui sert à réguler la glycémie], ou on y est résistant. Et le diabète se développe. Donc plus on est obèse, plus on a des chances de le développer, même si d’autres facteurs rentrent en compte comme la génétique », explique le docteur Zabi Assef, venu participer à la table ronde sur le diabète aux côtés de l’association Rédiab Ylang 976. « On sait, grâce à l’enquête Unono Wa Maore, que 12% des habitants entre 18 et 69 ans ont un diabète. Et 12% supplémentaires sont prédiabétiques, c’est-à-dire que le diabète n’est pas encore réellement installé. Et c’est à ce moment-là qu’on devrait les prendre en charge », explique le médecin, qui déplore le manque de moyens sur l’île pour appréhender ce problème sanitaire.

Car le diabète provoque des complications :  les artères se bouchent ce qui engendre AVC, ulcères, infracteurs, cécité… « Par exemple, les personnes diabétiques doivent voir un podologue une fois par an, sauf que sur l’île, il n’y a que deux podologues », tient à souligner le professionnel de santé. Des complications qui peuvent aller jusqu’à l’amputation, dont le centre hospitalier de Mayotte détient le triste record de France du plus grand nombre effectué.

Tabou dans la sphère familiale

Si autant de Mahorais sont concernés, le sujet reste tabou ou méconnu. En 2019, 40% des personnes diabétiques ignoraient l’être. Assani Malidi, qui a partagé son expérience au cours de la table ronde sur le diabète, conseille à la salle « d’accepter sa maladie et ne pas se le cacher. Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard ». Car lui avait des symptômes depuis bien longtemps. Lorsqu’il a décidé de consulter, son taux de sucre était si élevé qu’il aurait pu tomber dans le coma. Aujourd’hui suivi et accompagné, il a appris à mieux manger et réguler son taux de sucre grâce l’association Rédiab Ylang 976. Depuis 2010, elle accompagne les patients atteints dans leur parcours de soin et tente de développer la sensibilisation et les dépistages. Elle a même organisé un dépistage rapide entre les deux tables rondes, dans une salle au fond d’un couloir de la mairie. Mouana, assistante sociale qui assiste au Tour de France des handicaps invisibles, en a profité pour se faire dépister « certains membres de ma famille en souffrent, je me suis dit que c’était l’occasion ». Le diabète est favorisé par une prédisposition génétique. Pourtant, le tabou qui entoure la maladie au sein de la sphère familiale ne permet pas d’échanger et de penser au dépistage. « J’ai des patients diabétiques, qui se rendent compte autour d’un repas ou d’une conversation qu’une grand-tante ou une arrière-grand-mère est diabétique depuis des années sans en avoir parlé. Et la plupart ne savent pas si des membres de la famille sont atteints », analyse Abassi Nadjima Ibrahim, infirmière coordinatrice à Rédiab Ylang 976. Lors des ateliers d’éducations thérapeutiques du patient (ETP) organisés par la structure, qui visent à l’amélioration du mode de vie, elle encourage ses patients à venir avec des membres de leurs familles pour étendre la sensibilisation et la compréhension de la maladie.

Ces ateliers ETP permettent de mettre en place de bons réflexes, comme manger des légumes avec les féculents, privilégier les graisses végétales, faire une activité physique régulière. Là encore, des tabous peuvent subvenir. Elisa Lamor, diététicienne au Comité régional olympique et sportif Mayotte (Cros) note que chez certaines patientes, être aperçue en faisant du sport en extérieur peut être une source de honte, « mais les tabous sont de moins en moins présents autour du diabète ». Ce que confirme Emma Dargent, diététicienne chez Rédiab Ylang 976. Mais la jeune femme souligne que les programmes ETP peuvent être complexes à mettre en place. « Certains patients veulent améliorer leur alimentation, mais ils sautent des repas par manque d’argent. »

Faire reconnaître son handicap

Au travail aussi, le tabou de la maladie peut subvenir. Lors de la deuxième table ronde « faire reconnaître le handicap sans tabou », les discussions tournent autour de la reconnaissance du handicap quel qu’il soit, par ses employeurs ou la

Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Depuis 2022, l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) est effective à Mayotte. Mais peu de personnes sont inscrites à la MDPH : elles ne sont que 1.300, quand l’Insee évaluait à 22.000 le nombre de personnes en situation de handicap sur l’île en 2021.

Fraîchement arrivée sur l’île, je suis journaliste à Mayotte Hebdo et Flash Infos. Passionnée par les actualités internationales et jeunesses, je suis touche-à-tout. Mon allure lente et maladroite à scooter vous permettra de me repérer aisément.

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