Le budget de la municipalité de Kani-Kéli inquiète la préfecture de Mayotte. La commune au sud de Grande-Terre est beaucoup trop optimiste pour ses recettes d’équipement, a estimé la Chambre régionale des comptes La Réunion-Mayotte.

La Chambre régionale des comptes La Réunion-Mayotte a rédigé un avis de contrôle budgétaire sur la situation financière de Kani-Kéli. La commune du sud de Mayotte traîne un déficit de sept millions d’euros dans son budget 2024, ce qui est égal à 107 % de ses recettes de fonctionnement.

C’est une ligne qui a fait sursauter les services de l’État. Les comptes de Kani-Kéli pour le budget de cette année font apparaître un déficit de 6,2 millions d’euros dans sa section de fonctionnement. Comme il en a la pouvoir, en vertu du code général des collectivités locales, le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, peut faire appel à la Chambre régionale des comptes s’il y a « un déficit égal ou supérieur à 10 % des recettes de la section de fonctionnement s’il s’agit d’une commune de moins de 20.000 habitants et à 5 % dans les autres cas ». Et à Kani-Kéli, on est largement au-delà puisque ce déficit est même pire que prévu. Il est passé à sept millions d’euros, soit 107 % des recettes, quand les magistrats de la CRC ont mis le nez dans les comptes.

En fonctionnement, la commune fait face à une augmentation importante des charges à caractère général. Elles devraient s’établir à 2,4 millions d’euros en 2024, soit un million de plus que prévu dans le budget primitif validé par le conseil municipal. De fait, la Chambre régionale des comptes table sur un déficit d’environ 408.000 euros en fonctionnement. Mais c’est surtout du côté des investissements que les magistrats sont inquiets et notamment pour les recettes attendues. La municipalité espère en avoir 17,2 millions d’euros pour cette année, avec surtout des recettes d’équipement à hauteur de 14,7 millions d’euros. Un chiffre beaucoup trop élevé pour la CRC qui pense que la commune du sud ne peut pas en espérer plus de 1,7 million (4,3 millions au total en recettes d’investissements). « Début septembre 2024, au regard des recettes titrées dont le montant n’est que de 343.589 euros et, de celles qui seront probablement perçues avant le 31 décembre 2024 et qui sont évaluées à hauteur de 1.404.543 d’euros, les crédits d’équipement 2024 doivent être réestimés à hauteur de 1.748.132 d’euros », pointe-elle. En comparaison avec les dépenses d’investissement déjà engagées ou prévues pour cette année (onze millions d’euros dont deux millions hérités de l’exercice précédent), le déficit rien que pour la partie investissement est d’environ 6,9 millions d’euros.

Un plan de redressement

« Au regard de la date de saisine de la chambre, l’exercice 2024 étant déjà trop engagé, de nouvelles mesures en recettes ne pourraient être prises à temps pour redresser le budget 2024 ; que, dès lors et bien que les efforts pour diminuer les dépenses et obtenir les recettes (notamment d’équipement) doivent commencer sans tarder, un plan de redressement pluriannuel s’impose », estime la Chambre, qui donne quelques pistes de mesures de redressement à appliquer de 2025 à 2028. Elle lui conseille de réduire ses dépenses en équipement, de « différer dans le temps certaines opérations », voire de « se doter d’une gestion pluriannuelle de ses investissements par le procédé des autorisations de programme et crédits de paiement ». Elle n’écarte pas une hausse des impôts, indiquant qu’une hausse de 500.000 euros est possible en recettes de fonctionnement, si la commune réalise des augmentations de 34 % sur la taxe foncière sur les propriétés bâties, de 16 % sur celle des propriétés non bâties et de 45 % sur la taxe d’habitation par rapport aux taux votés en 2024. Pour l’explosion des charges financières, la Chambre indique que cela « provient des pénalités de retard dans le remboursement de la dette de la commune » et que « cette difficulté à honorer ses échéances constitue un critère alarmant supplémentaire ».

Comme il est rappelé, les actes budgétaires et le prochain budget de Kani-Kéli devront être impérativement transmis à la Chambre. Si la situation financière ne s’améliore toujours pas, ce sera alors au préfet de « régler le budget ».