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Le procureur Ali Mohamed Djounaid clôt l’enquête sur la mort d’Ahmed Abdou, qui avait attaqué avec une arme blanche le président des Comores, Azali Assoumani, le 13 septembre. « Il n’existait ni blessures par arme à feu, ni par arme contondante ou tranchante », explique-t-il.

Pour justifier la fin de l’enquête, le chef du parquet de Moroni a confirmé via un communiqué, que le corps du jeune militaire, qui avait agressé le chef de l’État comorien, le 13 septembre, ne présentait pas de blessures. Une conclusion démentie formellement par la famille du défunt retrouvé sans vie dans sa cellule, le lendemain de l’attaque. La classe politique se dit également outrée par la fin des investigations.

C’est une annonce qui ne surprend vraiment pas beaucoup de monde au sein de l’archipel. Presque onze jours après l’annonce de son ouverture, l’enquête sur la mort « suspecte » de l’agresseur d’Azali Assoumani, est désormais close, a indiqué le parquet de Moroni. Dans un succinct communiqué publié dans les colonnes du journal comorien de service public, Al-Watwan, le procureur Ali Mohamed Djounaid a livré les conclusions de ses investigations qui, à première vue sont loin de faire l’unanimité. « Il n’existait ni blessures par arme à feu, ni par arme contondante ou tranchante. Suivant ces éléments, le Parquet estime qu’il n’y a pas d’opportunité de poursuivre d’enquête », précise le communiqué lequel rajoute que c’est le docteur Naoufal Boina, le directeur du service de santé militaire -l’hôpital où sont admis l’ensemble des corps des forces armées-, qui a établi le certificat de décès. A travers cette déclaration écrite de la justice comorienne, l’on apprend par ailleurs que la mort du jeune agresseur, qui était âgé de 24 ans, serait survenue le samedi 14 septembre à 2h du matin.

Démenti de la famille

Ce communiqué, a très vite été démenti par un membre de la famille du défunt, contacté mercredi matin par Flash Infos. Mais par prudence, la source n’a pas donné plus de détails. Elle a toutefois rapporté que le corps leur avait été remis sans restriction ni indication spécifique à suivre pendant le lavage et l’enterrement. En effet, ce silence des proches du gendarme qui n’osent pas divulguer des informations sur l’état dans lequel se trouvait Ahmed Abdou (le nom de l’assaillant), s’expliquerait en partie par les récentes et brèves interpellations visant quelques membres de la famille de l’assaillant. Le père, le petit frère, ainsi que l’un de ses oncles, avaient tour à tour étaient convoqués à la gendarmerie, les jours suivant l’inhumation de Fanou- le sobriquet du militaire -,  qui a lieu samedi, soit donc le lendemain de son acte. Ce-jour-là, au cours d’un bref point de presse tenu dans son bureau situé au palais de justice, le procureur Ali Mohamed Djounaid a informé la presse et l’ensemble des Comoriens que le gendarme suspecté de tentative d’assassinat contre Azali était retrouvé seul gisant au sol dans sa cellule. Le lieu de détention n’avait pas été communiqué. Le parquetier a pris seulement le soin de souligner que le suspect n’avait pas pu être interrogé. « Après son interpellation, la sécurité du président l’a remis aux enquêteurs qui l’avaient laissé se calmer », a poursuivi le magistrat qui dans la foulée avait annoncé l’ouverture d’une enquête pour élucider les circonstances de la mort de l’agresseur du chef de l’État comorien, lequel se trouve déjà à l’étranger. Moins de deux semaines après cette déclaration, le Parquet clôt donc ses investigations car il n’y aurait pas eu des traces de blessures sur la dépouille du militaire dont la mort, ne va jamais permettre de connaitre ses motivations. Plus étonnant, en dépit de l’établissement d’un certificat médico-légal, les causes du décès de Fanou n’ont pas été révélées par la justice dans son communiqué. En gros, les zones d’ombres subsistent encore, déplore une partie de la classe politique comorienne qui n’a pas tardé à réagir.

Toujours des zones d’ombre

C’est le cas de Jaffar Abbas, coordinateur des candidats de l’opposition ayant pris aux dernières élections de janvier. « En donnant des informations à l’emporte-pièce, comme dans son habitude, le parquet de Moroni ne fait que se décrédibiliser. C’est plutôt un effet boomerang qui s’abat sur le communicant. La tuerie d’un jeune arrêté – sain et sauf – par la sécurité présidentielle suite à une agression du chef d’État ne sera jamais comprise par la population », déplore Jaffar selon qui « cet énième communiqué – si léger – ne vient que donner raison que le pays n’a pas de justice mais plutôt d’injustice comme l’a clairement déclaré l’ex- président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi lors de son faux procès ». L’opposant pense que le Parquet aurait mieux fait de se taire. Même son de cloche pour l’ex-ministre de la Justice, Fahmi Said Ibrahim, qui lui aussi avait réclamé des explications sur la mort du jeune détenu. L’avocat reconnait que le communiqué du procureur le trouble. « Les blessures physiques ne sont pas les seules causes pouvant entraîner la mort. Mais, en fin de compte, pourquoi avoir ouvert une enquête si tout était aussi clair dès le début », tacle l’homme politique.  L’ancien candidat à l’élection présidentielle, Mohamed Daoud, a également fait transmettre à la presse une réaction. Tout puissant ministre de l’Intérieur d’Azali, de 2016 à 2021, il promet de saisir l’ONG Amnesty internationale. Tout cela parce que « le communiqué du procureur de la République n’apporte pas d’autres éléments nouveaux ni convaincants que ceux qui ont été dits, donc il ne répond pas aux multiples questions que l’opinion nationale ou internationale se pose sur les circonstances du décès en détention de ce jeune gendarme ».

Le 13 septembre, Azali Assoumani a été agressé au couteau, mais il a survécu. Toutefois, lors de sa première apparition, on le voyait avec des pansements sur le front, ainsi que dans les deux mains. Selon la présidence, il se trouve au Maroc et regagnera Paris, où il prendra part au sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). À l’Assemblée générale des Nations Unies, il y est représenté pour la première fois par son ministre des Affaires étrangères, Mbae Mohamed.