Dans la nuit du 11 septembre 2020, un Burundais est roué de coups au visage à Cavani (Mamoudzou). Ce déchainement de violences provoque un traumatisme crânien grave chez la victime. L’accusé, un homme de 23 ans, comparaît devant les assises ce mercredi et jeudi pour tentative de meurtre et violences en réunion.
La scène s’est passée dans le quartier de Cavani à Mamoudzou le 11 septembre 2020 dans la soirée. Un groupe de cinq jeunes hommes croise deux Burundais. Ils leur balancent des pierres et même des chaises sans raison apparente, les hommes visés s’enfuient en courant, jusqu’à la chute de l’un d’eux. Malgré celle-ci, des pierres continuent à leur être jetées. Alors que l’une des victimes est au sol, l’accusé porte des coups répétés à sa tête et lui écrase le visage avec son talon. L’homme lui aurait crié d’arrêter mais l’auteur des coups âgé de 19 ans au moment des faits aurait continué de le battre. Ce dernier comparaissait donc ce mardi au tribunal accusé de tentative de meurtre et de violences en réunion ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de moins de huit jours.
Le soir de l’agression, un voisin est interpellé par le vacarme dans la rue, il entend « au secours », dehors il découvre un homme gisant dans une mare de sang. Ce dernier a perdu connaissance. D’abord, transféré au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM), il est finalement évacué en urgence à La Réunion pour être soigné.
Six condamnations
Dès l’interrogatoire, le jeune homme reconnaît les faits. Ce mardi 11 septembre lors du procès, seul lui comparait sur les cinq membres. Deux sont mineurs et seront jugés par le tribunal des enfants. Pour les deux autres, un non-lieu a été décidé en l’absence d’éléments à charge. La victime est également absente, car elle déclare n’avoir aucun souvenir de l’agression car elle était inconsciente.
Ce mardi, le jeune homme au visage rond et juvénile appelé à la barre n’est pas inconnu de la justice. En effet, la présidente du tribunal Nathalie Brun l’a déjà jugé lorsqu’elle était juge des enfants. Son casier compte déjà six condamnations, pour vol avec violences, violences aggravées avec arme, port d’arme illégitime. Mineur lors de ses premières condamnations, il a été accompagné par la Protection judiciaire de la jeunesse.
Les magistrats cherchent donc à déterminer pourquoi l’accusé a causé ces violences gratuites. « Pourquoi cet acharnement sur cet homme ? Pourquoi continuez-vous à le battre ? Les autres avec vous disaient que c’était suffisant », questionne Nathalie Brun. « C’est dommage, ce qui est arrivé, ce n’était pas mon objectif », répond l’intéressé. Tout au long de l’audience, le jeune qui s’exprime en shimaoré se montre taciturne. La présidente le pousse dans ses retranchements pour comprendre ses motivations. « J’étais énervé, je n’ai pas pu me contrôler », concède-t-il, affirmant que les Burundais ont frappé un de ses amis, alors il a « tapé très fort » parce qu’il était « en colère ».
« Des troubles visuels et auditifs irrémédiables »
Ses coups ont provoqué chez la victime une infirmité permanente. Ce dernier a subi un « traumatisme crânien grave et un enfoncement d’une partie du crâne », explique Marius Cardinal, médecin-légiste intervenu au cours de l’audience pour éclairer le jury. Il a perdu un œil, son champ de vision est réduit et son audition a baissé. Il n’est également plus autonome et a besoin d’un accompagnement pour s’habiller et faire sa toilette. « On lui a estimé un déficit fonctionnel permanent entre 70 et 85 %, avec des troubles visuels et auditifs irrémédiables », indique le médecin.
Cette nuit du 11 septembre, l’accusé avait consommé de l’alcool, avec un taux évalué à 2,2 g/litre de sang. Une substance qui s’avère être omniprésente dans sa vie. L’instruction a montré qu’il « boit de manière compulsive pour oublier les problèmes dans sa tête. L’alcool est utilisé comme anxiolytique», rapporte la présidente. Sous son influence, les violences qu’il commet sont renforcées mais l’analyse psychiatrique n’a pas révélé « d’altération du jugement ».
Déscolarisé en CM2
Des problèmes d’alcool à mettre en parallèle avec ses difficultés dans sa vie quotidienne. Né de parents comoriens, ces derniers ont été expulsés lorsqu’il était enfant, il a alors été confié à sa grand-mère qui est décédée quand il a eu 13 ans. Une femme « identifiée comme l’unique élément stable de sa famille », évoque Nathalie Brun. Il quitte l’école en CM2, sa scolarité est entravée par son bégaiement. A ce moment-là, il se met alors à boire et à fumer. A l’âge de 17 ans, il est arrêté une première fois pour vol de nourriture.
Après quatre ans de détention provisoire à la prison de Majicavo, il affirme lors de l’audience, avoir « grandi mais ne pas avoir d’avenir, je retourne dans mes problèmes à chaque fois », dit-il. S’il exprime des regrets, « ce n’est pas pour la victime mais c’est plutôt pour lui-même », estime une magistrate. Son incarcération était aussi perçue comme un moyen d’éviter les représailles de la communauté burundaise qu’il craignait. A la question de savoir, s’il compte se faire soigner d’un point de vue psychologique pour éviter une nouvelle escalade de violences, l’accusé a répondu qu’il n’en « avait pas l’intention ».
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.