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Daniel Martial Henry est candidat dans la deuxième circonscription de Mayotte. Même s’il n’est pas investi par le camp présidentiel regroupé sous la bannière Ensemble. Il affiche les couleurs du parti dont il est le président local, le Modem.

Circonscription sud. Président du Modem mahorais, Daniel Martial Henry a choisi de se présenter aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. En compagnie de Jeanne Bébé, il vise la deuxième circonscription de Mayotte et axe sa campagne sur le développement économique du territoire.

Si vous étiez député, qu’est-ce que vous feriez pour…

Limiter l’immigration irrégulière ?

Daniel Martial Henry : Nous avons investi deux élus en 2022 avec l’un qui disait qu’il serait « la voix de Mayotte » et une autre qu’elle serait la plus à même de mettre fin à l’immigration. Et la situation a dégénéré, on se retrouve avec un camp de migrants qui n’existait pas il y a deux ans. Sur ce terrain-là, il ne faut pas être démagogique, mais pragmatique. La solution est double. C’est d’abord un combat juridique avec un démantèlement des lois et des dispositifs incitatifs à l’immigration. Le droit d’asile est applicable à Mayotte depuis 2001, par exemple. Avant, on ne connaissait pas d’immigrés au titre du droit d’asile, d’où la corrélation entre les lois qui nous sont appliquées et l’immigration. Il ne faut pas non plus d’avantages sociaux, ni d’allègement des conditions d’obtention des visas. Enfin, il faut passer par le co-développement régional. Nous avons beaucoup de Comoriens avec la nationalité française qui sont entreprenants. Pourquoi ne pas imaginer un dispositif de soutien financier pour un accompagnement à la création d’entreprises à Anjouan dans des secteurs de production intéressants pour Mayotte ? Cela leur permettra de créer des emplois chez eux. L’avantage est que les Comoriens comprendront que nous ne les haïssons pas, mais que nous sommes fatigués. Car l’immigration amène de la violence.

Renforcer la sécurité ?

D.M.H. : A court terme, la réalité nous fait se rendre à l’évidence, il faut des mesures coercitives, arrêter avec l’angélisme à la française. On considère que ces enfants sont des anges, des petits toutous qu’on ne doit pas toucher. Il faut appliquer le code pénal, même sévèrement, et peu importe l’âge. Nous n’avons pas non plus les infrastructures de formation qualifiante dans des secteurs d’avenir. Il faut donc conditionner les peines au suivi de formation en métropole. Soit l’enfant fait trois mois de prison, soit il passe deux ans de formation en métropole. Pour ceux qui ne sont pas « rattrapables », la privation de liberté devrait se faire sous forme d’emprisonnement en métropole, loin des familles et dans des conditions climatiques différentes. On peut espérer comme ça qu’ils reprennent leurs esprits. A moyen et long terme, il faut renouer avec un développement économique réel. C’est là où le Modem serait le plus efficace. Nous nous engageons à accompagner le territoire pour ce développement et mettre en place une stratégie d’industrialisation de produits consommés localement. Je pense à la filière volailles, aux produits manufacturés, au mobilier d’équipements, à la farine de manioc, etc… Ce sont des secteurs générateurs d’emplois pour la jeunesse car ils nécessitent peu de temps de formation.

Garantir une eau quotidienne ?

D.M.H. : Il faut la retenue collinaire, car les osmoseurs nécessitent des entretiens permanents, souvent coûteux. La politique de l’eau, c’est une politique du long terme, sur cinquante ans, voire cent. Une civilisation qui n’arrive pas à maîtriser les enjeux liés à l’eau, c’est une civilisation qui est vouée à sa belle mort. Il faut aider les Mahorais sous forme de subventions à l’équipement de matériels de récupération et de stockage d’eau de pluies. Si cela coûte 3.000 euros par foyer en achat de matériel et son installation, cela sera moins cher que les osmoseurs, même si je ne dis pas qu’ils sont inutiles.

Faire aboutir une loi Mayotte ?

D.M.H. : Cette loi n’aura de sens que si elle contribue au développement du territoire. Avant de parler de loi Mayotte, on doit définir les axes de développement, étudier les marges de manœuvre et déréglementer en adaptant la loi à nos objectifs. Nous ne concevons pas la loi Mayotte comme une baguette magique qui va faire de Mayotte une île merveilleuse, mais plutôt un moyen qui accompagne notre stratégie de développement. Cette loi, ce n’est pas au gouvernement de la faire, mais c’est nous, les Mahorais, qui devons dire ce qu’il faut mettre dedans. Pour l’instant, ils ont juste dit : « On a faim, il faut du pain ». Non, il faut dire qu’on ait tous les ingrédients et que le gouvernement nous apporte simplement la levure.

Améliorer l’attractivité du territoire ?

D.M.H. : On sera attractifs avec une politique cohérente de développement. Tout le monde sait que la pauvreté, le chômage ou le décrochage scolaire sont tous des maux qui génèrent de l’insécurité. Si nous avons une politique qui permet de convaincre que Mayotte peut renouer avec le développement, nous pouvons dans un premier temps encourager les investisseurs à venir sur le territoire. Il y a eu des pays qui ont été dans un marasme pire que chez nous. Madagascar, par exemple, s’est enfoncé dans la violence dans les années 2000. La première des choses qu’a fait le président Marc Ravalomanana est de vouloir relancer le développement économique de son pays en confiant un plan à un cabinet américain d’Harvard. Les études ont abouti au Madagascar action plan, qui a permis aux bailleurs de fonds de venir sur le territoire. Il y a encore des problèmes, bien sûr, mais cela montre qu’il faut passer par ce développement économique.

Préserver l’environnement ?

D.M.H. : Il faut accompagner le conseil départemental de Mayotte dans un premier temps. Il faut redéployer ses effectifs vers des services liés à l’environnement. Il faut mettre l’accent sur le reboisement et la garde forestière. Il faut créer des emplois spécifiques pour ce sujet. Cela va permettre à l’horizon de quinze ans de favoriser le ruissellement dans les nappes phréatiques et refaire vivre les cours d’eau. Il faut appliquer localement le principe du pollueur-payeur et créer une taxe spécifique pour les entreprises qui génèrent des dégradations. Il faut développer des unités de recyclage sur le territoire.

Développer quelles infrastructures ?

D.M.H. : L’infrastructure numéro 1 est la construction d’un second bâtiment du Département à Combani et d’une sous-préfecture. Le village deviendrait ainsi un pôle administratif et économique du versant ouest de Mayotte. Cela permettrait d’y déployer le personnel du Département habitant dans l’ouest pour éviter une convergence vers Mamoudzou, source d’embouteillages. L’activité économique est très impactée par ces bouchons. Bien sûr, il faudra aussi faire sortir de terre des projets déjà ciblés, le second hôpital de Combani, les nouvelles brigades de gendarmerie ou la seconde prison. Mon deuxième projet est la construction d’hôtels avec la création d’un établissement public. Il faut une agence d’investissement avec une politique de partenariat public-privé pour convaincre des investisseurs extérieurs. Car, pour l’instant, les grands groupes ne veulent pas s’implanter à Mayotte du fait de nos difficultés. Il faut également une compagnie aérienne mahoraise dans laquelle les collectivités seraient les premiers actionnaires, puis au bout de huit à dix ans, la compagnie deviendrait 100% privée. Il faut aussi une banque de développement local qui pourrait apporter des financements de quasi-fonds propres à des entreprises-clés. Elle se ferait rembourser au fur et à mesure. A l’horizon de quinze ou vingt ans, elle deviendrait privée.

Arriver à la convergence sociale ?

D.M.H. : Elle se présente à mes yeux sous deux façons. Sur la solidarité nationale, conformément au pacte de la départementalisation de 2009, le rattrapage se ferait au gré de l’évolution économique de Mayotte. On doit donc se développer pour financer notre action sociale. On ne peut pas faire de rattrapage social à Mayotte si on ne développe pas notre économie. Sinon, les aides sociales qui sont une exception en métropole seront généralisées à Mayotte. Deuxièmement, nous devons être en capacité de définir nous-même comment accompagner notre population vulnérable en prenant en compte nos dimensions sociale et culturelle. La population mahoraise est une population débrouillarde, il y a celles et ceux qui font les brochettes, la pêche, l’agriculture vivrière, le marché de la rue. Ces gens-là doivent être accompagnés pour une insertion économique. Il serait judicieux de mettre un financement collectif ou individuel adapté à la réalité locale. L’exemple du shikowa (tontine) est parlant. Beaucoup de Mahoraises arrivent à s’équiper grâce à ce système. On pourrait l’institutionnaliser ou le bancariser.

Ils sont aussi candidats dans la deuxième circonscription de Mayotte : Mansour Kamardine (Les Républicains), Madi-Boinamani Madi Mari (divers centre), Kira Bacar Adacolo (USM/Front populaire), Anchya Bamana (Rassemblement national), Soula Saïd Souffou (MDM), Manon Moreno (Reconquête) et Ahumad Salime (divers droite).

La biographie du candidat

Président ou pas président du Modem ? Daniel Martial Henry l’assure, le chef d’entreprise de 52 ans garde sa fonction au sein du parti de François Bayrou, ce dernier étant l’un des composants de l’alliance Ensemble avec Renaissance et Horizons. Le doute a subsisté quand le fils du docteur Martial Henry a présenté sa démission à la direction du parti afin « d’être plus en phase avec la population ». « L’état-major m’a appelé pour que je reste et m’a assuré qu’il n’y aurait pas d’investiture Ensemble dans ma circonscription », raconte celui qui se présente finalement avec les couleurs du Modem. De fait, l’un de ses concurrents, Madi-Boinamani Madi Mari, a le soutien de Renaissance au niveau local, sans avoir non plus l’investiture Ensemble.