Sur le mariage homosexuel, le grand oubli du Grand cadi

0
Annonce vue 816 fois
sur-le-mariage-homosexuel-le-grand-oubli-du-grand-cadi
Le Grand cadi de Mayotte, Mahamoudou Hamada Saanda, s’est récemment prononcé contre le mariage homosexuel au nom de la foi et du droit local. Mais la loi française lui donne tort.

Mahamoudou Hamada Saanda, Grand cadi de Mayotte, s’est fendu d’un communiqué daté du 3 juin rappelant que la religion musulmane interdit le mariage entre personnes du même sexe, avant d’affirmer un peu vite que le droit local le prohibe également. Le texte semble aussi malvenu, alors qu’un mariage civil (et absolument pas religieux) entre deux personnes du même sexe a été prononcé dernièrement à Mayotte et fait polémique aux Comores. Cette déclaration n’a pas manqué de faire réagir non plus le Département de Mayotte sur le fond et la forme (voir encadré).

C’est un mariage qui ne manque pas de faire couler beaucoup d’encre. Il y a une dizaine de jours, une Comorienne et une Réunionnaise se sont mariées civilement à Mayotte, brisant un tabou dans son pays d’origine pour la première. Notre article de notre correspondant à Moroni daté du lundi 3 juin relatait même les pressions exercées sur la famille aux Comores, pays qui pénalise les relations sexuelles entre les personnes de même sexe. A Mayotte, le Grand cadi de Mayotte, Mahamoudou Hamada Saanda, en remet aussi une couche en publiant un communiqué en s’épanchant sur la question religieuse, le lundi 3 juin. Il rappelle que « l’islam n’autorise pas l’union et la célébration du mariage entre deux femmes ou deux hommes », oubliant peut-être que ledit mariage était civil et aucunement religieux.

En outre, il affirme que « le droit local mahorais, au demeurant protégé par l’article 75 de la Constitution française au même titre que les droits locaux des outre-mer, ou de l’Alsace Moselle, n’autorise que le mariage entre un homme et un femme ». Il omet de préciser toutefois que le premier article de l’ordonnance du 3 juin 2010 stipule que « l’exercice des droits, individuels ou collectifs, afférents au statut civil de droit local ne peut contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français ». Ainsi, le mariage entre personnes du même sexe étant autorisé en France depuis le 17 mai 2013, il devient compliqué de lui opposer aujourd’hui le droit local mahorais. Il a d’ailleurs été prononcé (civilement) à plusieurs reprises sur le territoire.

« La plus grande vigilance »

Appelant les musulmans « à la plus grande vigilance quant à la préservation de leur foi « Imane », en ce sens que ces pratiques conjugales de même sexe ne sont pas au nombre de nos valeurs et coutumes identitaires à Mayotte où la population est à plus de 95% musulmane », le Grand cadi de Mayotte montre que le tabou autour de l’homosexualité a encore la vie dure à Mayotte.

Dans son courrier surmonté de la mention « République française », celui qui dépend du conseil départemental de Mayotte (voir encadré) compare « le pluralisme grandissant des cultures au niveau local » à « une richesse qui ne doit conduire en aucune façon au déracinement de la société mahoraise au nom d’une liberté médiatique ou d’une autre liberté républicaine d’ailleurs ».

Il appelle cependant « aux respects des valeurs des uns et des autres qui reste le curseur vers la paix civile sur le département de Mayotte ».

Une mise au point faite par Ben Issa Ousseni

Le communiqué du Grand Cadi n’a pas manqué de faire réagir Ben Issa Ousseni, le président du conseil départemental de Mayotte, qui ne cache pas ces derniers mois son envie de réformer l’activité cadiale. Sur le sujet du mariage homosexuel, le chef de la collectivité départementale « rappelle l’attachement de la collectivité qu’il préside, aux principes et aux lois de la République au sein de laquelle, Mayotte s’inscrit. Le président du conseil départemental regrette, par ailleurs, l’usage non autorisé de l’en-tête du Département, le Grand Cadi ne bénéficiant pas d’une délégation de signature lui permettant de s’exprimer au nom de l’exécutif départemental ». A la fin de son communiqué, « il en appelle au respect des règles administratives » et invite le chef religieux au dialogue, « préalablement à une prise de décision de nature à porter préjudice à l’institution départementale ».