L’Union des Comores, majoritairement musulmane interdit pour des raisons religieuses et culturelles l’homosexualité et le mariage entre deux personnes de même sexe, poussant les gens de la communauté LGBT qui souhaitent vivre leur amour librement à quitter le pays. Certains trouvent refuge à Mayotte.
Une semaine après la publication sur les réseaux sociaux de sa célébration à Mayotte, le mariage entre une Comorienne et une Réunionnaise continue de susciter une vague d’indignation sur la toile dans le pays voisin. L’information tourne en boucle presque tous les jours sur Facebook surtout, où les messages de condamnation déferlent sans cesse. Tout cela parce que leur compatriote, Anicha, a brisé un tabou en se mariant ouvertement le 25 mai avec sa compagne, Florence. Elle n’est certes pas la première ressortissante comorienne à le faire, mais la médiatisation de son union, en premier lieu sur la plateforme chinoise Tiktok, serait selon certains à l’origine de cette levée de boucliers. Dans un pays ultra-conservateur comme les Comores, le pas franchi par Anicha, qui réside à Mayotte depuis ses 5 ans ne passe pas. Tout le monde ne parle que de cette histoire qui depuis sa révélation engendre jusqu’à lors un torrent d’insultes et de messages haineux. A majorité musulmane, l’Union est connue pour son conservatisme. Les homosexuels y sont souvent persécutés et reçoivent des messages discriminatoires, surtout ceux qui assument ouvertement leur orientation sexuelle.
En cachette
Néanmoins, ceux qui se cachent (et fondent une famille) y échappent à toute vindicte et peuvent prendre part à tous les rassemblements coutumiers ou religieux, sans être ostracisés. Cela n’a jamais choqué personne. Mais dès que les gens de la communauté LGBT tentent de vivre librement, ils deviennent des cibles. C’est peut-être la raison pour laquelle, la famille et le village d’origine d’Anicha sont cloués au pilori. En effet, malgré les insultes dont il fait l’objet, le couple ne se laisse pas faire et essaie de répondre à ses détracteurs en enchainant les invitations dans les médias s’il le faut. Mais ce courage, les parents d’Anicha ne sont pas capables d’en faire preuve car leur enfant les a déshonorés d’après eux. Sa maman biologique, originaire d’une localité située au nord de la Grande Comore appelée Founga, a pris la parole, vendredi devant un média social. Abattue et en pleurs, le visage à moitié caché par un jellaba, la mère d’Anicha raconte ce qu’elle endure depuis une semaine. « J’étais à la maison quand j’ai vu la vidéo, j’ai arrêté tout ce que je faisais. Je ne discute plus avec elle. Je l’avais eu au téléphone, lorsque je lui ai posé des questions sur ce qui s’est passé elle a raccroché. Depuis, on ne s’est plus parlé », a raconté lors d’une interview, la mère assise aux côtés de son mari. Selon elle, Anicha est arrivée à Mayotte pendant qu’elle y vivait avec ses deux autres enfants, lesquels sont rentrés lorsque leur maman en situation irrégulière a été renvoyée à Anjouan. « Mes proches m’ont envoyé Anicha toute petite. A Mayotte, je l’ai s’inscrite à l’école coranique. Les études, elle les abandonnées au collège. Mais jusqu’à mon retour, je n’avais jamais rien constaté », a expliqué la mère qui se dite prête à ne plus se réconcilier avec sa fille tant qu’elle n’aura pas demandé pardon et quitté sa compagne. Le beau-père, lui, saisit cette occasion pour présenter au nom de la famille leurs excuses à la région, au pays ainsi qu’à toute la communauté musulmane pour le déshonneur causé par leur enfant, estime-t-il. Dénonçant le mariage de sa belle-fille, majeure, ce dernier ne ferme toutefois pas la porte du dialogue. Cette intervention des parents coïncide avec la visite effectuée dans cette localité, vendredi, par une forte communauté d’ulémas et de prédicateurs. La plupart d’entre eux sont des hauts responsables du muftora (plus grande institution religieuse).
Acte « odieux »
C’est le cas du docteur Abdoulhakim Mohamed Chakir, vice-mufti qui a qualifié le mariage d’Anicha de comportement « odieux » qui n’a aucune place ni dans la religion ni au sein de la société. Ayant répondu à cette invitation du vendredi, le secrétaire général de l’association des prédicateurs de Moroni, Mohamed Oussein Dahalani, a expliqué la raison de leur visite. « On est venu manifester notre mécontentement et condamner cette union, et montrer le danger que représentent de tels actes qui on le sait bien vont à l’encontre de l’éducation que cette famille donne à ses enfants », a indiqué le prêcheur, avant d’inviter tout le monde à pousser la réflexion au-delà des vagues de condamnation. Pour rappel, aux Comores les ébats entre deux personnes de même sexe sont considérés comme des « actes sexuels contraires aux mœurs et contre nature ». L’article 300 du nouveau code pénal prévoit pour les coupables, une peine qui va de six mois à deux ans d’emprisonnement, avec une amende de 600 euros.
Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
, 1er journal des ?? / @Reuters @el_Pais @mayottehebdo ??