Mreda Sidjidane est tétraplégique. Rencontré la semaine du 30 avril, durant laquelle se déroulait la journée mondiale des mobilités et de l’accessibilité, il explique que ni les aides, ni l’aménagement urbain ne sont à la hauteur à Mayotte pour pouvoir vivre ou circuler librement.
« Ah oui c’est Déreck (un surnom, N.D.L.R) », reconnaît une habitante de Passamaïnty pour indiquer où vit Mreda Sidjidane. Passé un trottoir en forme de rampe d’accès pour arriver dans la maison qu’il s’est construite, l’homme de 49 ans nous reçoit, ce vendredi 3 mai, couché sur son lit, le coude placé sur l’oreiller pour se redresser. Tétraplégique depuis un accident de voiture en 2003, il dépend d’une infirmière (soins pris en charge) qui vient chez lui tous les jours. Il ne se déplace qu’en fauteuil roulant électrique, actuellement en panne. Pour en avoir un neuf, il devra aller déposer des papiers à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) où on lui a dit de passer au lieu de les envoyer par mail.
« À Mayotte il n’y a pas de trottoir, je dois circuler sur la route. C’est très dangereux, mais au quotidien je n’ai pas le choix », livre ce père de famille qui était bien obligé d’aller faire les courses lorsque ses six enfants vivaient encore au domicile. « Il y a des années, une voiture m’a percuté par derrière entre M’Tsapéré et Baobab. Je suis tombé par terre. Les pompiers sont venus me chercher », raconte celui que l’on peut croiser jusqu’à Kawéni, sur un tronçon de la route nationale, où les voitures ne peuvent pas le dépasser.
À Mamoudzou, « il commence à y avoir des trottoirs », mais les voitures mal garées le condamnent souvent à rebrousser tout un chemin pour en descendre et pouvoir avancer. « Chaque sortie peut me prendre une demi-journée », déplore celui qui attend avec hâte l’arrivée du Caribus, censé être déployé en septembre de cette année.
« J’aimerais que l’Etat voit ce qui se passe à Mayotte »
Mais c’est sans compter le manque d’établissements accessibles aux personnes en situation de handicap ou dont les rampes d’accès sont trop pentues pour son fauteuil. « À Only Mamoudzou, je ne peux pas rentrer, il y a des escaliers. Je dois attendre que quelqu’un passe pour me pousser », commence-t-il à lister. Le même scénario se produisait lorsqu’il souhaitait se rendre à la Caisse de sécurité sociale de Mayotte avant qu’elle déménage. « Une fois, je devais déposer des papiers à la Cadema (communauté d’agglomération Dembéni – Mamoudzou), mais c’est à l’étage et il n’y a pas d’ascenseur. Alors que c’est un bureau administratif », s’offusque-t-il. « J’aimerais tellement que l’Etat voit ce qui se passe à Mayotte pour nous les handicapés. On est là, on n’est pas comme des meubles. On est des êtres humains. »
Pour cet ex-grutier reconverti en agent d’accueil à l’association Ouazissa Zifeli Maoré (OZM) qui accompagne les personnes handicapées, aucune aide à domicile ne lui est attribuée par le conseil départemental (au bureau de la direction de la solidarité et du développement social) car il faudrait gagner moins de 4.000 euros par an. « Déjà que des aides il n’y en a pas beaucoup, mais quand on travaille, il n’y a pas d’aide », commente-t-il. « Je gagne un peu d’argent mais à Mayotte tout est cher. Même celui qui touche 2.000 euros le dit. Alors payer une aide à domicile tous les jours… » Heureusement, l’homme « combatif » et qui « garde toujours le moral » est connu du quartier et a une amie qu’il peut appeler en cas de besoin.
À Mayotte, où au moins 22.000 personnes étaient en situation de handicap en 2021 selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’allocation aux adultes handicapés (AAH), délivrée par la Caf, à formuler auprès de la MDPH, est plafonnée à 506 euros par mois. Dans l’Hexagone, ce plafond monte à plus de 900 euros. Le dossier a une date limite et est donc à renouveler. « Quand c’est périmé, on peut attendre jusqu’à six mois avant de la recevoir », livre celui qui gagne un petit peu moins d’un Smic. Même si c’est rétroactif, « pendant cette période, il n’y a rien. Aujourd’hui je travaille mais je parle pour tous ceux qui sont dans cette situation parce que j’ai connu ça. À la télévision j’entends ceci, cela, mais nous les handicapés on ne voit pas de changement. »