Comores : L’ex-ministre de l’Intérieur, Mohamed Daoudou emprisonné

Quelques heures avant de se rendre à la gendarmerie, l’ancien patron de la sécurité nationale, souvent associé à la répression qui s’abattait sur les voix dissonantes, entre 2016 et 2021, avait dénoncé les opérations de surveillance dont il disait faire l’objet. Son parti parle de séquestration.

Après deux nuits passées dans les locaux de la gendarmerie nationale, où il a mis les pieds depuis le soir du 30 avril, Mohamed Daoudou, ancien ministre de l’intérieur de l’Union des Comores a été déféré, hier en fin d’après-midi, au parquet de Moroni. Il est placé sous mandat de dépôt en prison et est désormais visé par trois chefs d’inculpation, selon le procureur, Ali Mohamed Djounaid : “mise en danger d’un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions”, “violence et séquestration d’un agent de la force publique” et “vol du matériel de l’agent et confiscation du matériel”. Selon le procureur, l’ex-ministre faisait l’objet d’une enquête de la brigade de recherches de Moroni.

Il est soupçonné de faire de la propagande en faisant appel à la population pour contester les résultats définitifs proclamés par la cour. L’histoire ayant conduit à l’emprisonnement de Kiki, sobriquet très connu de l’ancien ministre, est on ne peut plus rocambolesque.  Tout a commencé par une vidéo, publiée quelques heures avant son incarcération, dans laquelle Mohamed Daoudou, entouré par les habitants de son quartier résidentiel, situé au nord de Moroni, dit faire l’objet d’une surveillance. En direct, toujours le soir du mardi, le leader du parti Orange a montré une voiture qui était conduite par les hommes qui le suivent en filature depuis trois jours, selon ses mots.  » Depuis dimanche, j’ai constaté qu’ils me suivaient. Ce soir [ il était 18h passée, ndlr], après avoir effectué la prière du maghrib, je me préparais pour sortir de chez moi, j’ai vu encore le véhicule et je me suis approché pour leur demander ce qui se passait. Dans le siège arrière, il y avait d’autres occupants qui portaient des casquettes pour se cacher le visage. L’un d’eux s’est enfui. Selon des habitants du quartier, un motard était aussi avec eux, on l’a vu rentrer dans l’un des locaux des services de renseignement à quelques mètres d’ici« , déclarait devant les réseaux sociaux, Mohamed Daoudou, arrivé en troisième position lors de la présidentielle du 14 janvier.

Le parti Orange défend son leader

L’ancien chef de la sécurité nationale a également affirmé que l’agent qui conduisait la voiture protégée par un habitant du quartier avait reconnu être envoyé par quelqu’un pour surveiller Kiki. « Nous avons des preuves, ses appareils photos ont été confisqués. Sachez que cet agent est responsable de ce qui pourrait m’arriver. En tout cas, personne ne peut m’empêcher de me rendre où je veux. Les habitants le conduiront à la police. Il leur reviendra d’effectuer leur travail« , a poursuivi Mohamed Daoudou, qui n’arrêtait pas de contester la réélection d’Azali Assoumani, après l’envoi de plusieurs requêtes devant la haute cour. Il promettait aussi, à l’instar des autres candidats, qui affirment que les récentes élections ont été truquées, qu’il y aurait plusieurs investitures le 26 mai.

Au lendemain de sa détention, le parti Orange, dont il est le président d’honneur, a tenu une conférence de presse et assurait que leur leader n’avait commis aucune faute. Il s’agit selon ses partisans d’une pure séquestration dans la mesure où il s’est rendu faire une déposition, et que par retournement de situation les gendarmes l’ont retenu. Avant la divulgation du chef d’inculpation de séquestration, le bruit courait déjà. Mais le collectif des candidats de l’opposition par la voix de son doyen, Aboudou Soefo, nie cela et se demande comment leur frère aurait su qu’il s’agissait d’un agent alors qu’il ne portait pas d’uniforme et que son véhicule avait une plaque d’immatriculation civile.   « D’ailleurs ce sont les gens du quartier qui ont protégé cette personne quand elle était à deux doigts de se faire lyncher par la foule. Nous condamnons ces pratiques d’intimidation et cette arrestation sans fondement de Kiki. Nous demandons au peuple comorien de faire preuve de prudence car certains veulent pêcher en eau trouble« , a recommandé le collectif de l’opposition dans une déclaration faite mercredi.

L’image sombre du pouvoir d’Azali Assoumani

Le parti Orange dit comprendre les pièges tendus par le pouvoir pour les pousser à réagir. « Ce que nous ne ferons pas car la paix n’a pas de prix« , a insisté Kaambi, un cadre de la formation politique de l’ancien ministre de l’intérieur. Il faut noter que si l’inculpation de l’ex- chef de la sécurité nationale est dénoncée par ses partisans et l’opposition, de nombreux citoyens ne manquent pas de rappeler les années qu’il a passées aux côtés d’Azali Assoumani, qualifié par ses opposants d’autoritaire. Nommé depuis 2016 ministre de l’intérieur, Mohamed Daoudou, exerçait son pouvoir d’une main de fer et n’hésitait pas une seule seconde à menacer toute voix dissonante, jusqu’à son limogeage en août 2021.

Répression de manifestants, confiscation de journaux, emprisonnements de journalistes, Kiki, incarnait cinq ans durant l’image sombre du pouvoir d’Azali Assoumani, qui a enfermé ses principaux opposants à l’instar de l’ancien président Sambi, condamné à la perpétuité dans une affaire de corruption, fin 2022. Rappelons que c’est par une simple note circulaire, signée en mai 2018, au ministère de l’intérieur, dirigé à l’époque par Mohamed Daoudou que Sambi a été placé en résidence surveillée pour « la préservation de l’ordre et la sécurité publics« . Du jamais vu dans la mesure où la privation des libertés individuelles est une prérogative réservée à un juge.

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