Près des poubelles, sans eau potable, ni nourriture, ni toilettes, les quelque 200 migrants d’Afrique continentale qui dorment autour du stade de Cavani craignent pour leur vie. Certains présentent des plaies et des boutons, liés selon eux à l’eau de la rivière Massimoni qu’ils utilisent pour préserver, autant que faire se peut leur hygiène. Depuis le démantèlement du camp, celle-ci continue de se dégrader.
Des boutons voire des cloques sur les mains. Le jeune garçon de 12 ans, jusqu’à présent couché sur le sol, se cache, le visage fermé. Sa peau est légèrement blanchie. Elle semble nécrosée. C’est sa mère, inquiète, qui nous tend son bras. Il le retire, balançant son membre douloureux comme un corps mort avant de s’écarter. « Il est stressé. Moralement ça ne va pas bien », explique Jean-Marie, un ressortissant congolais. À Mamoudzou, aux abords du stade de Cavani, plus de 200 personnes, selon les chiffres de la préfecture, de plusieurs nationalités, attendent encore une solution de logement depuis la fin du démantèlement du camp, vendredi 22 mars. Mais quasiment trois semaines après, ce mercredi 10 avril, c’est surtout le manque d’hygiène, d’eau potable et de nourriture qui inquiètent.
« Vous voyez ces poubelles, il y a des bactéries. Moi, je vis sur ce carton », nous interpelle un Somalien occupé à balayer comme il peut le trottoir où il dort, proche de la benne à ordures. Les témoignages se succèdent. Plusieurs nous montrent des documents relatifs à leurs demandes d’asile voire, comme un père de famille, une ordonnance signée d’un médecin de l’hôpital qui indique « le besoin d’un logement afin d’améliorer leur état de santé » à lui et son fils. Quand ce ne sont pas des mains d’enfants, ce sont des mouches qui viennent se poser sur nous. Sans parler de l’odeur.
« Il y a même eu des bagarres à cause de la nourriture »
Les femmes, elles, semblent regroupées sur des tapis et des matelas trouvés dans des poubelles, pour éviter d’avoir mal aux côtes ou au dos. L’une d’elle lave son fils en bas-âge dans une bassine donnée par un voisin du quartier. « Certaines personnes arrêtent leur véhicule pour donner de l’eau ou un peu de pain, mais les hommes viennent brutalement. Il n’y a pas moyen de les récupérer. Il y a même eu des bagarres à cause de la nourriture », relève Jipsy, elle aussi Congolaise, qui se présente comme « la porte-parole des femmes ». « Quand il s’agit de manger, l’esprit d’équipe, il n’y en a pas. » Pour Rosette, assise à côté, il arrive quand même que des jeunes hommes somaliens distribuent à manger aux enfants, « mais il n’y en a pas assez pour tout le monde », regrette-t-elle.
« On n’a pas d’aide, pas d’eau à boire, pas de bons alimentaires, on dort par terre et les femmes avec leurs règles n’ont pas de moyens de se nettoyer », reprend « la déléguée », autrefois installée au stade de Cavani depuis octobre, sans autre solution malgré sa carte de séjour. « Pas de toilettes ! », ajoute une autre qui se dit diabétique. « Elle a dû se soulager dans ses sous-vêtements », confie Jipsy. Si une cabine a été posée à proximité, pour la foire du ramadan de Cavani, plusieurs disent ne pas y avoir accès.
« Au lieu de mourir de soif, on mourra d’autres choses »
Pour se laver ou nettoyer leurs vêtements étendus pour sécher tout le long de la clôture du trottoir opposé au stade, les personnes vont à la rivière Massimoni. La même dont elles se servaient dans le stade, en aval, au niveau des caniveaux. « Je me baigne dans cette eau. Tout le corps me gratte », témoigne Francine, des petits boutons sur tout le corps, comme sa fille, qui présente aussi des taches plus foncées sur la peau.
Selon Jean-Marie rencontré précédemment, c’est cette eau qui explique peut-être aussi les mains douloureuses du jeune adolescent de 12 ans. Et certainement ses douleurs à lui aussi. « Je me gratte jusqu’à me faire des blessures. Ça fait très mal. Vous verriez mes plaies, je ne peux même plus m’asseoir. » Sa fille est partie s’occuper à la bibliothèque. Elle aussi aurait des boutons. Mais pour lui, ça dure depuis six mois. Malgré les crèmes et comprimés qu’on lui a prescrits à l’hôpital pour lutter contre de potentiels parasites sous-cutanés, comme la gale, il ne constate aucune amélioration. « Moralement et physiquement, c’est douloureux. »
Pire, « il nous arrive de boire l’eau de la rivière. Au lieu de mourir de soif, on mourra d’autres choses », condamne celui qui ne comprend pas pourquoi la préfecture chargée d’organiser les relogements, ne vient pas constater, au moins une journée, leurs conditions de vie. Sollicitée mardi, l’Agence régionale de la Santé (ARS) ne nous a, pour l’heure, pas répondu.
Si quelques aides ponctuelles sont néanmoins apportées, comme lors d’une maraude ce dimanche 7 avril, il est certain que « ce n’est pas suffisant ». « On ne vit pas », répète Jipsy, mère de cinq enfants et enceinte du sixième, qui craint, en plus, un retour des barrages après le ramadan afin de tous les chasser des trottoirs. « Mais pour aller où ? »
Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.