Risques naturels : Pas de risque aigu, mais beaucoup d’aléas qui peuvent arriver

Une mission d’enquête parlementaire sur les risques naturels en Outremer s’est déplacée à Mayotte ces derniers jours. Présidée par Mansour Kamardine, le député de la deuxième circonscription mahoraise, celle-ci s’est rendue en Petite-Terre sur le site du Petit Moya, à Pamandzi, ce mercredi matin. Guillaume Vuilletet, député du Val-d’Oise et rapporteur de la mission, a tenu un point de presse dans les jardins du conseil départemental de Mayotte, à Mamoudzou, avant de se rendre sur l’île de La Réunion.

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Guillaume Vuilletet, député du Val-d’Oise et rapporteur de la mission d’enquête parlementaire sur les risques naturels outre-mer, espère un vote des parlementaires sur le sujet courant juin 2024.

Flash Infos : Dans quel cadre s’inscrit cette mission d’enquête parlementaire que vous venez d’effectuer à Mayotte au cours de ces deux derniers jours ?

Guillaume Vuilletet : La question est de savoir est-ce que la France est prête à assumer les risques naturels dans ses territoires ultramarins ? Ont-ils été identifiés ? On le voit dans le cas du volcan sous-marin à Mayotte, parfois les risques ne sont pas connus. On nous dit le réchauffement climatique n’a pas tendance à multiplier les aléas ou catastrophes mais plutôt leur intensité. Tout cela demande que nous ayons une action publique en matière de prévention. Il faut s’assurer de disposer des outils de prévention, ça sous-entend les normes de construction, les plans de risques naturels, voir s’ils sont à jour, définir si on peut ou pas construire, vérifier s’il existe des plans orsec (d’urgence polyvalent français de gestion de crise] permettant de gérer des aléas. Nous sommes venus à Mayotte parce que nous estimons qu’il y a ici un cumul de risques : sismiques et volcaniques, et d’augmentation du niveau général des eaux, avec l’érosion du trait de côtes. À Bouéni, on a vu des fissures dans les maisons qui peuvent être larges comme la main. Alors, serions-nous capables de gérer un évènement ? Sommes-nous capables de trouver des lieux de refuge sûrs pour abriter la population ? Sommes-nous capables de garantir un approvisionnement en biens essentiels ? Et quels sont les dispositifs qui nous permettent d’aller vers la résilience ? Ça veut dire comment faire pour que la vie reprenne normalement aussi vite que possible ? Est-ce que l’État est au rendez-vous ? Les collectivités locales sont-elles prêtes ? Est-ce qu’on a tous accès aux fonds de catastrophes naturelles, des fonds Barnier qui permettent de récupérer de l’argent pour les institutions publiques et les particuliers ? Et est-ce que les gens peuvent être indemnisés s’ils subissent des dégâts ? Ici, l’assurance habitation n’est pas forcément un réflexe.

F.I. : Comment s’y prendre pour faire face à un évènement de ce type ?

G.V. : Il faut sans doute accélérer et donner l’ingénierie nécessaire pour la révision des plans de prévention afin qu’ils prennent en compte la réalité, y compris une très spécifique qui est celle de l’habitat informel. Il y a un travail à faire sur le fait d’inciter les habitants, et peut-être même, c’est à voir, les collectivités, à s’assurer, afin d’avoir accès à des fonds d’indemnisation et de soutien. Je pense en particulier aux fonds de catastrophes naturelles. Et peut-être y a-t-il un petit peu de dispositif public à mettre en œuvre pour pouvoir faire cela. Je pense sur le trait de côte qui est un des risques majeurs avec le glissement de terrain dans de nombreux rivages. Il faut agir sans doute assez vite et avec une coordination sans doute plus forte, plus accompagnée par l’État pour faire en sorte que tout le monde se coordonne dans le département. Évidemment dans une collectivité comme celle de Mayotte où le Département cumule ses pouvoirs avec ceux de la région, c’est un outil central pour mener à bien ces politiques. Il faut donc mettre tout le monde autour de la table pour le faire.

F.I. : Au regard de vos visites sur les autres territoires ultramarins, pourriez-vous nous dire s’il existe des similitudes avec Mayotte ?

G.V. : Chaque territoire est spécifique. Oui, un cyclone reste un cyclone, nous sommes bien d’accord là-dessus. Maintenant, comment les territoires peuvent réagir face à ce type d’aléas ou d’évènements, ce n’est pas la même chose. Lorsque Saint-Martin a été frappé par « Irma », 95 % des habitations ont été touchées. À Saint-Barthélemy qui est à quelques encablures de là, la réalité a été totalement différente. Le trajet du cyclone n’avait pas été le même et parce que ce n’était pas la même réalité sociale. Chaque territoire mérite une analyse, que la collectivité nationale et locale participe à ce diagnostic puisqu’il existe déjà des dispositifs de prévention et d’accompagnement sur place qu’il faut réviser et actualiser régulièrement. Cela demande un peu de d’argent, mais sur les 10 dernières années, le cas du cyclone Irma, par exemple, a coûté 3 milliards d’euros. Donc on y gagnera en efficacité et en économie réalisé dans la réactualisation de ces dispositifs.

F.I. : Mayotte est-elle plus exposée que d’autres territoires Outremer aux aléas climatiques ?

G.V. : Oui, parce qu’ils sont plus placés sur le trajet des cyclones. Dans le cas de Mayotte, ce n’est pas tant qu’il y a un risque aigu sur tel ou tel sujet, mais c’est qu’il y a plus de risques et différents aléas qui peuvent arriver. Le territoire a des fragilités malheureusement, dont par exemple, celui de l’immigration illégale. Quand on a une sécheresse, la deuxième en six ans, 2016-2022, qui impacte significativement la ressource en eau, il y aurait pu y avoir une résilience. Mais les équilibres sont tellement précaires du fait des problèmes d’insécurité et d’immigration illégale que tout bascule. Donc, ce n’est pas tant le risque naturel en tant que tel qui importe mais c’est aussi ce risque dans une réalité locale, sociale, environnementale et économique qui fait qu’on peut absorber tout le monde. Le préfet de l’île nous disait hier qu’il y avait un plan de 800 millions d’euros sur la recherche en eau pour les années à venir dont quasiment un tiers va être assumé par l’État (N.D.L.R : dans le cas du contrat de progrès).

F.I. : Quelle est la suite de cette mission ?

G.V. : Nous sommes dans une commission d’enquête, ça veut dire que c’est une résolution qui a été votée par le Parlement lequel voulait absolument avoir des réponses par rapport à la gestion des risques naturels Outremer. Les règles de l’Assemblée font que nous avons 6 mois entre le vote de cette résolution et le moment où nous devons rendre un rapport, donc en réalité, avant la fin de la cession. Nous allons terminer nos auditions, elles ont duré des dizaines d’heures, à un rythme très soutenu, les rédiger et les corriger, avant un vote que j’espère évidemment positif peut-être vers début juin. Il semblerait qu’entre 2019 et 2021, dans la foulée du cyclone Irma, lorsqu’il y avait un délégué interministériel aux risques naturels outremer, il y a en préparation un projet de loi en ce sens. La crise sanitaire a fait que les choses sont passées un peu au second plan, sans vouloir anticiper, il me paraît très bien qu’ils ressortent ce document des tiroirs et qu’ils fassent travailler le Parlement sur ces questions-là.

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