Sélections au RSMA : « S’il y a un potentiel de 0,0001%, on se dit qu’il y a une chance »

La maison du service militaire adapté (SMA), basée à Kawéni, organise depuis novembre une demi-journée de sélection par mois pour intégrer le régiment via des formations de métiers. Un dispositif censé faciliter la candidature des jeunes officiellement inauguré ce mardi.

« Qu’est-ce qui te plaît dans ce métier ? », demande le major David, chargé de réaliser l’entretien des nouveaux candidats au régiment du service militaire adapté (RSMA). Samidine, 18 ans, un CAP en poche, se caresse les jambes, le regard tourné vers le sol. Il souhaite réaliser une formation métier d’agent de magasin et passer le diplôme de cariste. Mais sur sa fiche de renseignement complétée en entrant à la maison du service militaire adapté (SMA), il est aussi indiqué qu’il souhaite travailler en maison de retraite. Il répond vouloir peut-être intégrer l’armée, avant de reconfirmer son souhait de travailler en magasin. « Je ne sais pas, je n’ai jamais fait. Mais je me suis dit que ça ira mieux pour moi peut-être », répond-il vaguement.

Ce mardi 19 mars est la cinquième demi-journée de sélection, ouverte à la presse pour un lancement officiel, qui se déroule à la maison du service militaire adapté (SMA), basée depuis 2022, à Kawéni. Ce jeune, après avoir franchi le seuil du bâtiment, être accueilli par deux jeunes recrues, Mina et Echat, a pu prendre les renseignements de ce que le régime propose en formations de métiers, avant de s’entretenir avec le major. Quelques minutes servent à cerner sa situation familiale, ses envies, ses aptitudes à lire, écrire… « Il aura sa chance. On le récupère », décrète le major, pas 100 % convaincu qu’il réussira sa formation.

« Ce n’est pas vraiment une sélection au sens d’examen. Le RSMA a une vocation d’insertion sociale et professionnelle, mais surtout d’apprendre un état d’esprit de résilience au lieu de résignation, d’estime de soi. S’il y a un potentiel de 0,0001%, je vais tout miser dessus. On se dit qu’il y a une chance », détaille le militaire qui montre même une fiche de renseignement complétée par un autre jeune, remplie d’une écriture indéchiffrable. Pas de difficulté dans ces cas-là, la formation s’adaptera aux lacunes. « L’idée est de recruter ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi. On reçoit des jeunes complètement cabossés par la vie », explique celui qui cherche seulement à déceler cette « pseudo étincelle », envie de s’en sortir, et non des compétences particulières, ni même une réelle motivation pour un projet défini.  « La plupart veulent, un, sortir de l’oisiveté, et deux, sortir d’une situation familiale compliquée. » Même pour les bacheliers qui ne savent pas écrire, il y a la filière recherche active d’emploi (RAE).

« L’employeur a surtout un œil sur leur capacité à arriver à l’heure »

Pour les cinq à six autres jeunes candidats présents lors de cette matinée de sélection, le circuit se poursuit par une visite médicale pour vérifier leur compatibilité au métier choisi auprès de la médecin cheffe Carole, déplacée exprès du lieu de régiment situé à Combani, à la maison de Kawéni pour réaliser les consultations. Ensuite, un test d’illettrisme non-rédhibitoire est réalisé sur tablette, avant de procéder aux vérifications administratives. Chaque étape est validée en direct. Si le jeune ne remplit pas les conditions de recrutement (voir par ailleurs), il peut être redirigé vers les partenaires tels que les Apprentis d’Auteuil, Mlezi Maore. S’il ne montre aucune motivation, il peut être redirigé vers le RSMA plus tard, le temps qu’elle mûrisse. Sinon, il pourra rejoindre l’une des 22 formations proposées à Combani, au plus tôt, selon « un planning monstrueux en frise », commente gaiment le colonel Guillaume Larabi, chef de corps du RSMA Mayotte.

Les formations sont non-diplômantes, sauf pour le métier d’agent de sécurité et les permis liés au métier à passer. « Mais l’employeur à Mayotte a surtout un œil sur leur capacité à arriver à l’heure », note le major. Les deux premiers mois sont une formation militaire initiale qui permet de travailler le savoir-être, le vivre-ensemble, le respect de la hiérarchie, se lever à l’heure, se mettre en tenue, faire son lit… « Donner un cadre », décrit le colonel. Cette première étape se conclut par une levée de drapeaux en présence de la famille. Les huit à dix mois restants sont dédiés à la formation métier, dont un stage en entreprise et le passage du permis de conduire. Le recruté perçoit 350 euros par mois, est logé à l’internat, nourri, habillé et transporté le vendredi et le lundi. Tout est expliqué lors de l’entretien.

« On veut que ça parle aux jeunes », indique le lieutenant Toussaint, chargé de la maison du SMA. Des photos de précédentes promotions sont affichées au mur et l’aménagement des salles suit la logique du circuit. L’objectif de cette antenne à Kawéni étant de permettre plus facilement aux potentiels candidats de Mamoudzou de se renseigner (ouverture tous les jours de la semaine) et de participer aux sélections une fois par mois, sans obligation de se rendre à Combani. « Ce sont nos équipes qui se tapent les bouchons sur la route au lieu des jeunes », relève-t-il joyeusement. En parallèle, une permanence est assurée tous les mois dans chaque commune pour pouvoir donner des renseignements aux intéressés. De même que des événements réguliers à Mayotte.

Le SMA de Mayotte réuni en « régiment », pour sa capacité à accueillir depuis 2018 entre 800 et 850 jeunes par an, a pour but de pouvoir en former 1.200 en 2030. Selon le colonel, ils sont entre 1.300 et 1.500 à candidater chaque année. 85 % des jeunes formés décrochent à la sortie un CDD de six mois ou un CDI.

Les conditions à remplir pour être recruté

Pour espérer rejoindre les rangs du régiment du service militaire (RSMA), le candidat doit être majeur et avoir moins de 26 ans. Il doit avoir la nationalité française et avoir un casier « judiciairement compatible ». C’est-à-dire, explique le colonel Guillaume Larabi : « Il y a une tolérance dans les délits. On peut donner une chance. Mais pas pour une affaire en rapport avec le trafic ni de violences. »

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